Pour la deuxième fois, EcoDDS, l'éco-organisme de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les déchets diffus spécifiques (DDS), obtient l'annulation d'une disposition règlementaire pour défaut de consultation. Après avoir considéré qu'un cahier des charges de filière REP doit être soumis à consultation publique, le Conseil d'État juge maintenant que l'ensemble des dispositions du texte définitif doivent être discutées en Commission interfilières de responsabilité élargie des producteurs (Cifrep).
La décision (1) de la Haute Juridiction n'aura aucune conséquence concrète directe pour EcoDDS. Mais elle crée un précédent qui pourrait renforcer la place accordée à la Cifrep, en particulier lorsque les textes publiés au Journal officiel diffèrent de ceux qui lui sont présentés.
La Cifrep doit être consultée
Par une décision rendu le 20 mars, le Conseil d'État a annulé la disposition qui majore les soutiens versés aux collectivités ultramarines. Cette mesure, introduite dans le cahier des charges de la REP DDS par un
Motif de l'annulation : le défaut de consultation de la Cifrep concernant cette majoration des barèmes. En l'occurrence, EcoDDS a plaidé que lorsque le projet de modification du cahier des charges a été discuté en Cifrep en novembre 2020, la commission « n'a pas été consultée sur le dispositif de majoration des barèmes applicables dans les collectivités des territoires d'outre-mer ».
L'affaire donne l'impression d'un gros loupé. Étrangement, l'État n'a pas contredit l'éco-organisme sur ce point. La procédure est donc jugée irrégulière par la Haute Juridiction car la règlementation impose que la Cifrep soit « consultée pour avis notamment sur (…) les projets d'arrêtés portant cahiers des charges (…) de chaque filière ».
Un vote sur l'ensemble du projet
Mais les membres de la Cifrep n'ont pas débattu du barème Outre-mer, car le sujet faisait consensus. « Le jugement porte sur trois lignes qui n'ont soulevé aucun problème lors de la consultation en Cifrep. La majoration a d'ailleurs été validée par un vote favorable de la commission sur l'ensemble du projet d'arrêté », explique un expert du sujet, qui fait part de sa « sidération ». En l'occurrence le compte rendu (2) sur lequel s'appuie la Haute Juridiction cite les points de débat, mais n'énumère pas la liste des points consensuels.
Une nouvelle source de contestation ?
Cela étant, la décision pourrait avoir des conséquences, car, à comprendre la logique du Conseil d'État, la consultation de la Cifrep, pour être considérée comme valable, doit porter sur l'ensemble des dispositions des cahiers des charges publiés. Faute de quoi, une disposition inscrite dans un cahier des charges de filière REP non discutée en Cifrep pourrait être annulée.
Cela interroge a minima sur les modifications substantielles d'un cahier des charges ajoutées au projet après discussion en Cifrep. Le projet doit-il repasser en Cifrep pour garantir la régularité de ces ajouts ? Sans parler des dispositions ajoutées au texte final au tout dernier moment, sans avoir été soumises à consultation publique et sans avoir été soumises à la Cifrep. Des exemples existent, portant parfois sur des sujets importants.
Plus généralement, l'Administration prend des décisions concernant la gestion courante des filières REP, sans les soumettre préalablement en Cifrep. Ces décisions pourront-elles être contestées en justice ?
Le précédent de la consultation publique
Reste qu'EcoDDS ne tire aucun bénéfice direct de cette décision. D'abord, parce que le Conseil d'État diffère au 1er janvier 2022 l'annulation de la majoration afin d'éviter que cette annulation rétroactive n'ait des effets excessifs sur les collectivités concernées. Et cette annulation est sans effet au 1er janvier 2022, puisqu'à cette date un nouvel agrément entrait en vigueur sur la base d'un nouveau cahier des charges.
Le jugement a d'autant moins d'effet concret pour EcoDDS que l'arrêté de décembre 2020 attaqué par l'éco-organisme modifie le cahier des charges de 2018, déjà annulé en juillet 2021. Dans ce premier jugement, la Haute Juridiction avait expliqué qu'un cahier des charges de filière REP doit faire l'objet d'une consultation publique car il comporte des dispositions qui ont une incidence sur l'environnement.
Déjà, cette première décision favorable à EcoDDS a eu de lourdes conséquences : depuis, tous les cahiers des charges font l'objet d'une consultation publique.