Guerre, armes et environnement
Depuis 1991, certains s'intéressent aux impacts environnementaux des conflits armés. Récemment, dans un rapport intitulé Protéger l'environnement pendant les conflits armés : un inventaire et une analyse du droit international, des experts juridiques du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) en appellent au renforcement, à l'application et à la clarification des lois existantes protégeant l'environnement, afin de contribuer à protéger les ressources naturelles d'un pays en temps de guerre. Détruire et causer des dégâts aux bien naturels et aux infrastructures écologiques d'un pays ou d'une communauté devraient être une haute préoccupation humanitaire, a dit le directeur exécutif du PNUE, Achim Steiner. La perte d'eau douce et de pâturages, de terres agricoles et de forêts, mène non seulement à une souffrance directe, mais ébranle aussi la survie, la subsistance et les opportunités des personnes se rétablissant d'un conflit armé''. Et parmi les impacts directs des conflits : la contamination de l'environnement par les restes et débris de guerre.
Le Traité d'Oslo n'est pas encore en vigueur, étant donné qu'il a été signé par une centaine de pays mais ratifié seulement par une vingtaine. Cependant, le fait de l'avoir ratifié contraint la France à certaines obligations, notamment celle de détruire ses stocks de sous-munitions. Il s'agit des 13.000 Obus à Grenades (OGR) de 155 mm pour les pièces d'artillerie, et des 22.000 roquettes MLRS (Multiple Launch Rocket Systems) françaises dont un rapport du Sénat préconise le retrait du service opérationnel depuis 2006.
Ces roquettes MLRS, qui comportent elles-mêmes chacune 644 bombes à sous-munitions, ont été fabriquées au nombre d'environ 140.000, par une entreprise américaine dans le cadre d'accords de coopération avec l'OTAN pour répondre à une menace potentielle du bloc de l'Est après la Seconde Guerre Mondiale. Concernant les 22.000 du stock français, la Direction Centrale du Matériel de l'Armée de Terre (DCMAT) cherche à évaluer la faisabilité financière et technique d'une filière de démilitarisation nationale. Pour y répondre, elle a lancé un appel à informations, auquel viennent de répondre six industriels de l'armement, parmi lesquels le franco-anglo-italien MBDA (détenu à 37,5% par le groupe EADS).
La démilitarisation ou déminage des sous-munitions se fait bien souvent par ''pétardage'', qui consiste simplement à exploser les sous-munitions sur un champ de tir ou dans des mines désaffectées. Mais MBDA envisage en partenariat avec Sarp-Industrie (groupe Veolia Environnement) une filière de démantèlement et de recyclage respectueuse des normes européennes de protection de l'environnement. A Bourges Subdray, l'industriel dispose d'un site de 235 hectares agréé (secret Défense et Seveso 2 seuil haut) pour les activités pyrotechniques, dont une partie initialement dédiée à la fabrication d'armements pourrait servir à l'activité de fin de vie des sous-munitions. L'activité se ferait en flux tendu depuis les sites de dépôts actuels des sous-munitions jusqu'à ce site unique, afin de garantir la traçabilité de la filière et de réduire les coûts logistiques. C'est en fait aussi une nécessité, étant donné qu'une munition complète est habilitée au transport, mais pas par parties.
Des déchets (très) dangereux
''La complexité réside dans la maîtrise de la chaîne pyrotechnique'', souligne Monsieur Gendre, responsable au sein de MBDA du programme de création d'une unité de démantèlement. L'entité retenue pour l'opération est le ''pod'', qui contient six roquettes MLRS, soit 20 kg de matières propulsives et 720 kg de matières explosives. Après un pré-traitement permettant notamment la séparation de l'allumeur et du propulseur, chaque roquette est découpée avec une molette. L'opération est suivie par thermographie, étant donné que l'apport énergétique de la découpe risque d'initier un processus pyrotechnique, et donc une explosion. Les matières sont ensuite fractionnées par découpe jet d'eau robotisée en douze tranches de 6 kg. Ce procédé comporte un système de traitement des eaux, en raison notamment de la présence du composite contaminant, le propergol. Ces tranches sont ensuite soit incinérées dans un four équipé d'un système de traitement des gaz ''avec comme objectif zéro dioxines, zéro furanes, zéro rejet atmosphérique'', assure Monsieur Simonet, directeur du programme de démilitarisation (DEMIL) à Bourges. Soit ces matières subissent un vidage par autoclave, avec en sortie des matières inertes ''facilement revalorisables. La filière assure un traitement et une valorisation de 70 à 75 % des matériaux inertes composant les roquettes MLRS, pour un coût de 5 à 6.000 €/m3, ce qui est intéressant, déclare Monsieur Simonet.
Le dimensionnement de l'installation et son rythme de fonctionnement permettrait de démanteler les 22.000 MLRS français sur la période 2010-2016. Mais MBDA vise également les 27.000 roquettes MLRS du Royaume-Uni. La société met en avant l'argument écologique pour la création d'une filière de démilitarisation supranationale. Primera-t-il sur l'argument financier ? En France actuellement, le projet de budget militaire 2010 est en discussion à l'Assemblée Nationale, avec des grands enjeux parmi lesquels la Loi de Programmation Militaire 2009-2014 et l'intégration de la France au commandement intégré de l'OTAN. Aux vues des résultats de l'appel à informations de la DCMAT, une ligne budgétaire sera-t-elle dédiée à la création d'une filière de démilitarisation des armes à sous-munitions ? Sachant que les budgets Défense adoptés toutes ces années n'ont jamais pris cette précaution pour le démantèlement des grenades, obus et munitions issus de la Première et de la Deuxième Guerre Mondiale, le doute est permis.