« La participation du public en matière d'environnement est un droit protégé par la Constitution », rappellent Brigitte Chalopin et Chantal Jouanno. Les présidentes respectives de la Commission nationale des commissaires enquêteurs (CNCE) et de la Commission nationale du débat public (CNDP) s'inquiètent, avec de nombreuses associations, experts et juristes, de la multiplication des textes dérogatoires qui fragilisent ce droit et privent de facto une partie de la population de participation.
Si la ministre de la Transition écologique avait annoncé, le 27 mars, la suspension des enquêtes publiques durant l'état d'urgence sanitaire, l'ordonnance du 25 mars a autorisé leur poursuite sous forme électronique pour certains projets. Il s'agit de ceux présentant un intérêt national, un caractère urgent et pour lesquels un retard pourrait avoir des conséquences difficilement réparables. Bien que ne rentrant manifestement pas dans ce cadre, certains préfets ont toutefois lancé des enquêtes, comme celles portant sur le projet de mise à 2x2 voies de la Route Centre Europe Atlantique (RCEA) dans l'Allier. Un décret, portant dérogation au principe de suspension des délais, est ensuite venu explicitement autoriser l'enquête publique pour ce projet, ainsi que pour une série d'autres, parmi lesquels la centrale électrique de Larivot en Guyane.
« Piétinement de la consultation citoyenne »
Avec la publication de ce décret, France Nature Environnement (FNE) a dénoncé un « piétinement de la consultation citoyenne ». La fédération d'associations de protection de la nature pointe aussi l'autorisation donnée par le ministère de l'Agriculture de réduire les distances d'épandage des pesticides sans attendre les concertations prévues, de même que la possibilité d'implantation de nouvelles antennes-relais sans concertation.
« Ainsi, la participation du public est-elle considérée comme un frein inutile et secondaire. D'où nos craintes de voir des mesures restrictives, qui peuvent se comprendre dans le temps de l'urgence limitée d'une crise sanitaire, devenir la règle une fois celle-ci passée », alertent Brigitte Chalopin et Chantal Jouanno. Dans la foulée de cette communication, la CNDP a publié un document de positionnement (1) précisant les modalités possibles de participation du public durant la période post-confinement. « Il est en effet fondamental que l'urgence de la reprise de l'activité dans des conditions de contraintes sanitaires ne conduisent pas à affaiblir le droit du public à participer aux projets qui le concernent », indique Mme Jouanno.