Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, les entreprises françaises sont de plus en plus nombreuses à publier leur rapport Développement Durable qui, d'un document de communication générale et globale, semble avoir évolué progressivement vers un document plus opérationnel et plus précis. Ainsi selon la 5e édition de l'« Observatoire des rapports de Corporate Responsibility » du cabinet d'audit Ernst & Young, en 2006, 37 sociétés du CAC 40 ont publié plus de 15 pages d'informations en matière de développement durable et pour 60% d'entre elles, les informations environnementales et sociales font l'objet d'une publication spécifique dans un rapport DD ou de Responsabilité Sociale d'Entreprise (RSE). L'étude met également en évidence que la fiabilité des informations publiées progresse régulièrement puisque 62,5% des entreprises du CAC 40 ont fait vérifier leur reporting environnemental et/ou social par un tiers alors que ce n'est pas imposé par la NRE. Enfin, l'analyse des pratiques des grands groupes français montre l'émergence de nouvelles tendances de communication sur le développement durable avec notamment une plus grande diversité des supports et une meilleure complémentarité entre rapports et sites Internet.
Cependant selon le cabinet Ernst & Young, même si le reporting extra-financier s'est imposé, [il] reste encore peu exploitable pour la prise de décision tant interne (Direction Générale) qu'externe (investisseurs et analystes). Le cabinet estime donc qu'une révision des textes est nécessaire et propose cinq pistes pour faire évoluer la loi NRE. Selon lui, il semble tout d'abord indispensable de préciser dans la loi que le périmètre de reporting doit couvrir l'ensemble du périmètre de responsabilité de l'entreprise et donc, à minima, le périmètre de reporting financier.
Par ailleurs, le cabinet souligne que les informations sociales et environnementales devant figurer dans le rapport selon la liste réglementaire actuelle ne sont pas toujours pertinentes au regard des enjeux de l'entreprise et des objectifs de développement durable qu'elle s'est fixés. De plus, les indicateurs à l'origine de ces informations et les modalités de calcul n'étant pas précisées par la loi NRE, les entreprises reportent souvent des ratios qui ne sont pas comparables d'une entreprise à l'autre. Certains secteurs comme l'Initiative Ciment du WBCSD ont mis en place des définitions communes et des protocoles de calcul mais pour la majorité d'entre eux, les intitulés, les définitions, les modes de calcul ou les unités sont différents dans la plupart des cas. Par exemple, après deux ans de concertation au sein de la Tour Operators' Initiative (TOI), le secteur du tourisme a élaboré un référentiel commun de reporting mais celui-ci est essentiellement constitué d'indicateurs qualitatifs qui, certes, permettent d'apprécier la mise en place des politiques mais rendent difficile toute comparaison entre opérateurs. De plus, tous les enjeux du secteur ne sont pas couverts, à commencer par le mode de transport utilisé par les voyageurs pour se rendre à leur destination, illustre Ernst & Young. Même remarque en ce qui concerne les quantités de déchets produits dans le secteur automobile : d'une part, les tonnages présentés ne sont pas toujours rapportés au nombre de véhicules produits, d'autre part on constate que les différences dans les définitions rendent la comparaison entre constructeurs impossible. Pour le cabinet, il est donc essentiel que le législateur incite les entreprises d'un secteur à trouver un consensus autour du mode de calcul du dénominateur (unités de production) afin que les ratios de performance prennent tout leur sens et deviennent comparables.
En outre, pour que l'utilité du reporting extra-financier soit incontestable, il est également indispensable pour l'entreprise de communiquer des informations fiables et précises, en visant le même niveau d'exigence que pour le reporting financier. Certains indicateurs manquent de définition comme c'est le cas pour l'Investissement Socialement Responsable (ISR) et le niveau de détail sur la démarche adoptée pour la sélection des fonds ISR varie considérablement d'un établissement financier à l'autre. Si certains établissements détaillent les critères retenus pour sélectionner les fonds, d'autres ne communiquent que sur les montants gérés sans autre précision et sans que cela reflète nécessairement le niveau d'avancement de leur démarche ISR. Par conséquent, pour parvenir à un niveau élevé de fiabilité, Ernst & Young estime que le législateur devra veiller à ce que l'entreprise tienne à disposition un protocole de reporting définissant clairement le périmètre retenu et les modes de calcul de chaque indicateur et à ce qu'elle organise la vérification interne et/ou externe de son application à tous les niveaux de l'entreprise.
Enfin, parce qu'une donnée sortie de son contexte perd une partie de son sens, il paraît indispensable que l'entreprise compare sa performance aux seuils réglementaires et/ou à la moyenne de son secteur afin de la mettre en perspective. Seule cette transparence permettra au lecteur de juger objectivement de sa performance, estime le cabinet.