L'extension de la garantie légale permettrait d'allonger la durée de vie des produits et limiterait la consommation de ressource. Mais les fabricants et distributeurs verraient leur modèle économique chamboulé. Il est donc urgent d'attendre une éventuelle harmonisation européenne avant d'appliquer la mesure. Telles sont les principales conclusions d'un rapport sur l'opportunité de l'extension de la durée de garantie légale (1) de deux à cinq ans, voire à dix ans. Le document a été discrètement rendu par les services de Ségolène Royal, alors ministre de l'Environnement, en réponse à l'article article 70 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique qui prévoit que le gouvernement le remette avant le 1er janvier 2017.
Attendre l'Europe pour agir
Révision du cadre européen
La directive européenne de 1999 sur les garanties des biens impose une garantie légale d'au moins deux ans. La France a choisi une durée de deux ans pour tous les produits. D'autres Etats membres ont retenu des durées plus longues : la Suède a choisi trois ans, l'Ecosse cinq ans et l'Angleterre, l'Irlande, l'Irlande du Nord et le Pays de Galles six ans. Quant à l'Islande, la Finlande, la Norvège et les Pays-Bas, ils ont choisi des durées variant selon les types de produits.
En 2017, cette réglementation devrait être révisée avec les négociations relatives à la proposition de directive concernant la vente à distance. Les négociations pourraient offrir l'occasion de mettre en cohérence les durées de garantie, d'autant que la Commission doit rendre d'ici la fin de l'année une évaluation de différentes directives consuméristes, et notamment celle relative à la garantie légale de conformité.
Qu'en pense le gouvernement ? Il estime que l'extension de la garantie devrait avoir un impact environnemental favorable : elle "serait (…) susceptible de générer à terme un allongement de la durée de vie des produits dans une logique d'économie circulaire". De plus, le pouvoir d'achat des Français progresserait et la mesure soutiendrait le développement du secteur de la réparation. Mais, revers de la médaille, la mesure "aurait un impact transformationnel important" sur le modèle économique des fabricants et distributeurs.
Il propose donc d'attendre pour étendre la durée de garantie, "un délai explicite" étant nécessaire pour que les professionnels s'adaptent. Quant à la recommandation phare du rapport, elle reprend la proposition des professionnels : "Le gouvernement propose que la France demande à la Commission européenne de se saisir de ce sujet afin d'étudier l'opportunité d'une extension de la durée de garantie légale de conformité harmonisée au niveau européen."
Réparations et pièces détachées
A plus court terme, le ministère propose de renforcer l'effectivité de la garantie légale. Cela passe par l'affichage obligatoire sur les factures de la mention "L'achat de ce produit s'accompagne d'une garantie légale de conformité de deux ans" et par le transfert de la garantie aux propriétaires successifs du bien. Mais ces mesures ne sont pas immédiatement applicables, puisqu'il faut réviser la réglementation européenne pour rendre obligatoire cet affichage sur la facture des commerces en ligne. Le transfert de garantie nécessite pour sa part une modification législative du code de la consommation.
Le gouvernement propose aussi d'encourager la réparation des biens. Pour cela, le rapport recommande que le consommateur puisse choisir entre la réparation du produit sous garantie ou son remboursement partiel. En cas de réparation, la garantie pourrait être prolongée de trois mois. Actuellement, le code de la consommation laisse le choix au consommateur, mais le vendeur n'est pas tenu de suivre ce choix si cela entraîne "un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité". Là encore, il s'agit surtout "que la France pousse en ce sens à l'occasion des débats européens à venir". De même, le rapport propose que la France défende au niveau européen le renouvellement à l'identique (repartir à zéro) de la garantie en cas de remplacement du bien.
Enfin, le rapport reprend une demande récurrente des associations. Il propose de renforcer l'affichage de la disponibilité des pièces détachées rendu obligatoire par la loi de consommation du17 mars 2014. Aujourd'hui, il n'est requis que si le fabricant transmet l'information au distributeur et rien n'oblige le fabricant à s'engager sur la disponibilité des pièces détachées. Pour y remédier, le rapport propose donc d'afficher la mention "Aucune assurance sur la disponibilité des pièces détachées" dans ce type de situation. Autre modification suggérée : faire de la date d'achat du bien le point de départ de la disponibilité. Comme pour les autres mesures, il faut modifier la loi pour appliquer ces mesures et, faute d'harmonisation européenne, la mesure ne s'appliquerait qu'aux points de vente physiques.