DG : L'une de nos activités importantes sur le site Trédi est la décontamination des parties métalliques polluées des transformateurs ainsi que la destruction directe par incinération des condensateurs au pyralène [Nom commercial des polychlorobiphényls ou PCB], ce diélectrique anciennement utilisé parce qu'il avait la vertu d'être moins inflammable que l'huile classique. Les transformateurs sont acheminés sur notre site de traitement afin d'être dépollués et valorisés mais aussi pour que le PCB puisse être éliminé dans des conditions de sécurité et environnementales totalement maîtrisées.
Le site Trédi de Saint-Vulbas bénéficie d'une autorisation de traitement pour 12.000 tonnes de transformateurs par an. Concrètement, les transformateurs sont vidés de leur pyralène dans des cuves dédiées. Le pyralène présentant une certaine viscosité, les transformateurs sont ensuite entreposés de façon à procéder à un égouttage du noyau. Au bout de 24 heures, les transfos passent sur une chaîne de démantèlement car leur cœur est constitué de bois, de carton, de plaques d'acier et de cuivre. Bois et carton sont éliminés par incinération tandis que les autres matériaux sont envoyés dans des étuves pour décontamination. Celle-ci permet de récupérer des matières premières (cuivre, fer) avec une absence de contamination en surface mais également à cœur. Le pyralène récupéré est de son côté incinéré à 1200°C suivant des conditions précises de contrôles avec enregistrement en continu.
AE : Quels sont par conséquent les impacts de votre activité sur votre environnement et quel effort poursuit votre groupe pour les réduire ?
DG : Notre impact est sous contrôle. Ce sont des rejets d'eau dans le Rhône, contenant des traces de PCB en raison des quelques transferts résiduels inévitables liés à des opérations de nettoyage, aux eaux de pluies, aux eaux de refroidissement des colonnes de lavage. Nous avons toujours largement respecté les normes fixées par l'administration et nos rejets tendent de plus en plus vers zéro grâce à la mise au point d'une nouvelle méthode de traitement à base de charbon actif.
AE : Vous évoquez des autorisations préfectorales de rejets largement supérieurs à vos rejets actuels. Quelle légitimité accordez-vous à de tels seuils notamment quand cela concerne des substances polluantes persistantes ?
DG : L'arrêté est aujourd'hui à 10 g par jour mais il était à des niveaux plus élevés par le passé, par ailleurs marqué par d'importantes pollutions alors même que le site n'existait pas puisqu'il a été ouvert en 1976 et l'activité purement PCB n'a démarré qu'autour des années 1985. Le premier arrêté date à ce titre de 1986. Depuis que Séché Environnement est en charge de cet établissement soit depuis 2002, les normes de rejet ont été abaissées à la lueur des performances que nous réussissions à atteindre. À ce titre, les 10g fixés par les pouvoirs publics constituent pour nous la limite en deçà de laquelle nous devons très largement nous situer en développant des technologies nouvelles, notamment épuratoires sur les effluents liquides.
L'autorisation a été fixée par les pouvoirs publics qui considèrent sans doute, et sûrement même, que de tels niveaux de rejet en termes de flux ou de concentration sont sans effet sur le milieu. La question qui se pose est donc celle de l'effet sur le milieu : a-t-il été bien apprécié ? Ce raisonnement est d'ailleurs valable pour toutes les substances. On peut essayer partout de tendre vers zéro mais le véritable objectif reste de connaître la réalité des impacts. Concernant le PCB, cette substance nocive n'est pas biodégradable. Ce qui a été déposé, il y a trente ans et plus, avec des niveaux de rejet autorisés supérieurs ne s'est pas, ou très faiblement, biodégradé et s'est donc accumulé au même titre que des métaux lourds (chrome VI, cadmium), par exemple.
AE : il y a deux semaines, un comité de pilotage a été organisé à Lyon sous la direction de la Secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Nathalie Kosciusko Morizet, votre groupe y a-t-il participé ?
DG : Non, et les raisons sont multiples. Premièrement les PCB étaient abordés parmi d'autres substances. Ensuite, il a été dit d'une façon qui m'apparaît tout à fait objective que si la pollution concerne le Rhône, la présence de PCB a également été observée dans la Basse Seine et dans le nord de la France. Ceci est clairement l'expression que Tredi ne peut porter seule la responsabilité de cette pollution : on n'a pas besoin d'avoir Tredi sur le bord d'un fleuve pour y retrouver du PCB ! D'autre part, le fait que la Secrétaire d'Etat ait évoqué la possibilité de réduire les normes en la matière ne nous inquiète pas dans la mesure où nous avons déjà des niveaux de rejets largement inférieurs à la réglementation.
Dans ce contexte, notre présence au comité de pilotage ne se justifie pas car elle reviendrait en quelque sorte à endosser une responsabilité alors que nos rejets respectent bel et bien les normes. Cela étant, nous sommes prêts à apporter notre concours car, dans le domaine des PCB, nous avons une expertise particulière et disposons d'un laboratoire spécialisé qui procède à des analyses quotidiennes. N'oublions pas enfin que le problème concerne bien d'autres fleuves en France et ailleurs.
AE : La fédération FNE attend désormais que des moyens humains et financiers suffisants soient mis en œuvre pour préciser et traiter cette pollution. Est-ce que vous seriez prêt à participer ?
DG : Le problème se pose très concrètement en termes d'évaluation de l'impact sur la faune et la flore. En France nous devons incontestablement progresser en la matière y compris en termes de connaissance sur la réalité de la migration des sédiments, des vases, etc. Si des études et recherches de ce type sont entreprises, au-delà même des PCB, il est évident que nous les accompagnerons, y compris financièrement.
C'est en effet tout le problème de l'impact des activités industrielles sur le milieu qui est concerné dans cette affaire. Pour mieux le mesurer et s'inscrire dans une logique de prévention, nous apporterons volontiers notre contribution dans le cadre d'une réflexion globale et ouverte au côté de l'Etat et des collèges d'experts.
C'est dans cet esprit que nous souhaitons fonctionner. J'estime en effet que la situation constatée et que l'on doit déplorer serait sans doute beaucoup plus significative si les matériels contaminés étaient disséminés je ne sais où, plutôt que d'être traités par Tredi !
AE : Sachant que le plan d'élimination des transformateurs pollués doit être clos en décembre 2010, qu'en est-il de l'avenir du site de Saint-Vulbas ?
DG : À mon sens, il n'y a aucune interrogation quant à la poursuite d'activité sur ce site dont le traitement du PCB n'est qu'une partie de l'activité. D'une part, les échéances vont certainement être repoussées car des incertitudes subsistent quant à l'inventaire. Il semblerait en effet que bon nombre de détenteurs de transformateurs au pyralène ne les ait jamais déclarés souvent parce qu'ils ignoraient être concernés. À mon sens, le marché est donc plus important qu'on ne l'a imaginé jusque-là.
D'autre part, on observe que la destruction d'un certain nombre de matériels électriques présente potentiellement des risques. Il existe de plus des possibilités de reconversion à la lueur de certaines constatations qui évoquent la dispersion de pyralène dans certaines peintures. J'ai donc bien l'impression que l'on parlera du pyralène encore pendant quelques années… mais dans la mesure où l'on s'inscrit dans une logique de « zéro rejet », la problématique se présentera certainement dans des termes différents !