Prévue dans le cadre de la loi de finances pour 2021, la révision à la baisse des tarifs d'achat de l'électricité produite par certaines installations photovoltaïques prend forme. Le Gouvernement vient d'envoyer aux parties prenantes les projets de décret (1) et d'arrêté (2) qui traduit cette mesure, ouvrant une phase de concertation de 15 jours. « Il s'agit de mettre fin à une situation anormale de rémunération excessive et injustifiée, explique le ministère de la Transition écologique. « Notre soutien au photovoltaïque reste inchangé. L'État continuera à soutenir son déploiement à hauteur de 10 GW dans les cinq prochaines années ».
Sont concernées les installations de plus de 250 kilowatts (kW) dont les contrats ont été conclus entre juillet 2006 et août 2010, soit ceux signés avant le moratoire. « 1 000 installations sont dans le scope de la mesure, 700 seront concernées par la révision », estime le ministère qui s'est appuyé sur la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour préparer la révision des tarifs. La CRE a estimé que ces installations bénéficiaient d'un tarif d'achat trop avantageux dès lors que leur taux de rendement interne était supérieur à 20 %. Les tarifs d'achat seront donc revus à la baisse pour arriver à des taux situés entre 8 et 14 %. Cela représente des tarifs d'achat diminués de moitié selon les calculs de la CRE. « C'est la situation de l'époque qui a été prise en considération par la CRE pour ses calculs, donc c'est plutôt avantageux pour les opérateurs, explique le ministère. Il y aura toujours un tarif d'achat minimal pour couvrir les coûts d'exploitation plus un pourcentage supplémentaire ».
Les nouveaux tarifs d'achat s'appliqueront sur les dernières années des contrats, 10 ans en moyenne. Cela représentera une économie pour l'État de 400 millions d'euros par an sur 10 ans. « Les opérateurs pourront choisir de mettre fin au contrat s'ils le souhaitent sans pénalité », précise le ministère.
« Une approche déconnectée de la réalité »
La concertation qui s'ouvre avec les acteurs de la filière ne sera pas un long fleuve tranquille. Selon les trois syndicats professionnels de la filière (SER, Enerplan et Solidarité renouvelables) « cette proposition se fonde sur une approche déconnectée de la réalité de la part des pouvoirs publics, qui relève de l'erreur manifeste d'appréciation. La filière photovoltaïque appelle les pouvoirs publics à se fonder non pas sur une approche biaisée mais sur les comptes des sociétés concernées, que la filière tient à la disposition des pouvoirs publics. Une telle démarche permettrait de rétablir la confiance nécessaire entre l'État et les entreprises et de prendre des mesures tarifaires adaptées car fondées sur des données objectives et vérifiées, et non sur des hypothèses fragiles et contestables ».
Au cœur de la discorde et de la concertation : les données économiques utilisées par la CRE pour calculer les taux de rendement qui, selon les syndicats, sont « théoriques, très éloignés de la réalité économique démontrée par les documents comptables des sociétés de projet concernées » conduisant à une « surévaluation des taux de rentabilité et donc à une baisse violente et injustifiée (jusqu'à -90 % !) du tarif d'achat pour un grand nombre de centrales ». Selon les deux syndicats, la baisse moyenne pour l'ensemble des centrales serait de 55 % : « un niveau totalement insoutenable pour faire face aux engagements contractuels de ces producteurs (remboursement des emprunts bancaires, loyers, paiement des fournisseurs, etc.) ». « S'il s'avère que les éléments théoriques fournis par la CRE ne sont pas adaptés, nous modifierons », promet le ministère de la Transition écologique.
Dans son dispositif, le Gouvernement a prévu une clause de sauvegarde pour vérifier que la révision de ces tarifs ne mettent pas en péril, voire conduise à la faillite, certaines sociétés. La CRE examinera au cas par cas la situation des sociétés qui en feront la demande. Mais, pour les syndicats, cette clause « ouvre une période d'incertitude de plus d'un an, correspondant à la période d'instruction par le régulateur de l'énergie et dont l'issue sera incertaine compte tenu du caractère totalement discrétionnaire de la clause. Cette clause va également avoir un effet de contagion sur les sous-traitants (maintenance, gestion d'actifs) et les bailleurs, dont beaucoup sont issus du monde agricole ».