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Entre temps, les objectifs se précisent et des consensus inattendus s'affirment. A l'Aquila en Italie cet été, le G8 s'est accordé autour d'un objectif de stabilisation des températures à + 2°C au XXIème siècle comme guide de l'effort international. Selon Emmanuel Guérin, de l'IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), ''le fait de retenir cet objectif crée une arithmétique implacable''. Cela revient en effet pour la planète à réduire ses émissions de 20 gigatonnes (Gt) de CO2 équivalent d'ici à 2050, soit - 35 Gt de CO2 équivalent en 2030 et entre - 44 et - 48 Gt en 2020. Une telle arithmétique impose un effort collectif. Ainsi, si les pays en voie de développement continuent leur croissance par tête au rythme actuel, ils consommeront l'intégralité du budget carbone planétaire d'ici à 2020. Dès lors, une contrainte énorme pèse sur eux, et les voici insatisfaits du partage du fardeau depuis que le G8 d'Aquila a consenti au plafonnement à + 2°C de la température planétaire. Un tel objectif signifie en effet pour eux de réduire de 15 à 30% leurs émissions d'ici à 2020 et, pour les pays développés, de 25 à 40%.
Alors que les résultats des études scientifiques sont de plus en plus pessimistes sur la possibilité de stabiliser la température moyenne à + 2°C au XXIème siècle, la tentation est grande de rouvrir cet objectif de long terme et d'éviter le court terme. 2020, c'est demain. Stratégiquement, 2030 serait un point de passage plus tenable que 2020, tandis que 2050 reste un objectif lointain, donc peu motivant. L'important est de ne pas céder sur le court terme, afin d'éviter que le passage à l'action ne soit reporté dans un futur indéterminé, souligne l'IDDRI. Ce sera un des enjeux de Copenhague que de valider cette étape intermédiaire d'inflexion des émissions, sachant que plus tôt leur pic sera atteint, moins vite s'aggravera le réchauffement global. Reste que l'équité voudrait que les Etats-Unis atteignent plus vite ce pic que les pays en développement qui ne sont pas des pollueurs historiques. Or le Sénat américain a annoncé qu'il n'aurait pas validé l'ACESA (American Clean Energy and Security Act) d'ici à Copenhague, d'où la prudence de Barack Obama hier à la tribune des Nations Unies.
Il reste donc à inverser la dynamique selon laquelle chacun attend que l'autre s'engage, afin de valider une politique de coopération internationale de lutte contre les changements climatiques, qui serait plus efficace qu'une somme de politiques nationales. Selon Laurence Tubiana, directrice de l'IDDRI, on assiste cependant à ''une extraordinaire transformation du débat'' dans les pays en développement depuis un an. Hier à New York, la Chine a annoncé son intention de poursuivre des efforts ''notables'' des réductions de ses émissions, en référence à son XIIème Plan quinquennal, qui n'a rien à envier au « Paquet » énergie-climat adopté par l'Union européenne en décembre 2008. La Chine s'engage sur la voie de l'efficacité énergétique, des énergies renouvelables et de la reforestation, tout en mettant l'accent sur ses gains en intensité énergétique. Michel Colombier, de l'IDDRI, rappelle que l'Union européenne, quant à elle, n'a pas inscrit l'efficacité énergétique comme objectif contraignant parmi ses « 3x20 » (-20% de GES en 2020 ; + 20% d'énergies renouvelables et + 20% d'efficacité énergétique d'ici à 2020). De plus, la majorité de ses réductions d'émissions seront plus arithmétiques que réelles en raison d'un recours massif aux compensations (offsets) du marché carbone via le MDP (mécanisme de développement propre), qu'une étude de l'IDDRI estime à 60% du volume de réduction des émissions de l'UE en cumulé d'ici à 2020. ''On peut dire que l'UE, comme les Etats-Unis, incluent trop de compensations dans le système de permis d'émissions'', confirme Michel Colombier. Concrètement, l'Union européenne n'est pas sur la voie des objectifs qu'elle se donne puisqu'elle n'effectuera pas sur son territoire plus de la moitié de ses 20% de réductions de GES… Un comportement inacceptable, qui revient, pour les pays du Nord, à consommer à grande vitesse le budget carbone planétaire sur le dos des pays du Sud…
Dans ces conditions, les pays en développement, Inde et Chine en tête, invoquent les Nations Unies plutôt que le G20 comme enceinte la plus à même de retenir en leur faveur le principe de responsabilités communes mais différenciée qui les exonère de porter la majorité des efforts à venir. Et refusent de voir le volet financement des politiques climatiques négocié cette fin de semaine au G20 de Pittsburgh (Etats-Unis). Le financement de l'atténuation et de l'adaptation aux effets du réchauffement ne sera donc pas à l'ordre du jour du G20 même si la Commission européenne a avancé des propositions et des chiffrages, qui resteront à préciser. Quant à la proposition du président Sarkozy d'instaurer une taxe carbone aux frontières, elle risque de heurter les pays en développement encore davantage… D'ici à Copenhague, c'est bien toute la dynamique de la coopération internationale qui reste à déverrouiller.
Article publié le 23 septembre 2009