Cependant, 9 captages sur 110 en Bretagne sont encore concernés par des concentrations en nitrates élevées. La France est donc sous la menace d'une deuxième condamnation de la Cour européenne de justice, qui pourrait mener à des sanctions financières de plus de cent millions d'euros. C'est pourquoi, pour éviter une condamnation avec des astreintes très coûteuses, les mesures ont été renforcées sur neuf bassins versants bretons à la demande de la commission européenne.
Ainsi, sur ces bassins, les apports azotés, toutes origines confondues, sont désormais limités à 140 kg/ha (170 kg/ha pour les légumiers). Cette mesure est mise en place dès cette année et sera obligatoire début 2008. Par ailleurs, la préfecture de la région souhaite que les terres venant à se libérer dans ces bassins versants soient orientées préférentiellement vers des agriculteurs pratiquant une agriculture extensive.
Pour 4 bassins versants particulièrement dégradés, une mesure complémentaire de réduction du cheptel est mise en place. Dans le même temps, pour ces quatre prises d'eau pour lesquelles les mesures ne permettent pas d'escompter une amélioration suffisante d'ici 2009, l'utilisation sera suspendue dans l'attente d'un retour à des concentrations de nitrates conformes aux critères européens. La continuité de l'alimentation des populations concernées sera assurée par le recours à d'autres ressources en eau. L'État accompagnera les collectivités locales pour la réalisation des travaux nécessaires.
À l'annonce de ces mesures, la réaction du monde agricole a été très vive. Ils sont d'ailleurs venus crier leur opposition sur le stand du ministère de l'agriculture au Salon international qui se tenait jusqu'à hier à Paris. 2.000 agriculteurs sont directement concernés par ces mesures qu'ils jugent inadaptées, voire incohérentes au regard des efforts déjà réalisés. En effet, si la concentration en nitrates n'a pas cessé d'augmenter dans les années 90, elle diminue lentement depuis le début des années 2000. À travers ces mesures, l'économie bretonne se sent particulièrement visée. Les professionnels rappellent que l'agriculture et l'agro-alimentaire sont les premiers employeurs en Bretagne.
Du côté des associations de protection de l'environnement, les réactions sont aussi vives mais témoignent plutôt d'une certaine déception. À leurs yeux la fermeture des captages d'eau n'est pas une solution. Même sans captages, les nitrates vont continuer de se déverser en mer et provoquer les marées vertes. Il n'est d'ailleurs pas certain du tout, que cette mesure suffise à écarter le risque de sanctions européennes, explique Eaux et Rivières de Bretagne. L'association met également en évidence la gabegie financière que représente le projet de suspension des captages. Plusieurs dizaines de millions d'euros ont en effet été investis par les collectivités pour améliorer les installations de traitement, mettre en place des périmètres de protection et développer des programmes bassins versants. L'association refuse qu'une nouvelle fois les consommateurs d'eau soient les boucs émissaires. D'ailleurs, pour les élus verts de la région, il est urgent de mettre en place des plans d'agricultures durables englobés dans de véritables projets de territoire qui mobilisent tous les acteurs.
Plus de dix ans après les premières mises en demeure de la Commission européenne, la situation en Bretagne est donc à nouveau tendue. Mais la période électorale étant propice aux promesses, il semblerait qu'une entente se profile entre le gouvernement et les agriculteurs bretons. Ces derniers devraient être accompagnés financièrement pour la mise en œuvre de ces mesures à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros.