Les problèmes posés par l'orpaillage illégal
L'orpaillage illégal en Guyane est une activité aux répercussions multiples. Le WWF dénonce l'existence d'un ''fléau aux conséquences sociales, économiques, environnementales et sanitaires catastrophiques''.
Le territoire comprendrait plus de 500 chantiers illégaux et de 3 à 15.000 orpailleurs clandestins. ''Ces clandestins en provenance du Brésil ou du Surinam travaillent dans des conditions épouvantables'', explique Serge Orru, directeur général du WWF France. La filière impliquerait aussi le développement de trafics en tout genre et la perte de plus de 300 emplois directs au sein de la filière légale.
L'environnement paie également un lourd tribut à l'orpaillage illégal. La diversité de plantes par hectare de la Guyane serait supérieure à la diversité trouvée sur l'ensemble de l'Europe continentale. Certaines espèces végétales et animales de la région sont endémiques. Or, cette richesse est menacée par le mercure utilisé pour amalgamer les particules d'or dans les rivières. En Guyane, plus de 1.300 kilomètres de cours d'eau seraient ainsi pollués par le composant chimique.
Afin de récupérer 1 kg d'or, les orpailleurs illégaux emploient 1,3 kg de mercure. Sous l'action de l'acidité de l'eau, le mercure se transforme en un dérivé dangereux : le méthylmercure. Cet élément toxique s'accumule tout au long de la chaîne alimentaire. À haute dose, il provoque troubles neurologiques et comportementaux. Selon le WWF, la présence des orpailleurs clandestins aurait considérablement réduit la quantité de gibier dans les forêts guyanaises. Au bout de la chaîne alimentaire, les communautés amérindiennes, dépendantes de la ressource piscicole, se trouvent fortement exposées à la pollution au mercure.
Quelles réponses politiques ?
Afin de limiter la ruée vers l'or en Guyane, l'Etat français avait lancé en février 2008 les ''opérations Harpie''. Le dispositif visait principalement à démanteler les réseaux d'orpaillage clandestin. Le WWF regrette que ces interventions, ponctuelles mais efficaces, aient été trop irrégulières. Christiane Taubira, députée de Guyane, ajoute que l'or est classé marchandise ordinaire. Il ne fait donc pas l'objet d'un suivi particulier par la douane. ''La pression ne viendra pas de là'', assure Christiane Taubira.
Le 5 octobre dernier, la députée a écrit à Christian Estrosi, secrétaire d'État à l'Industrie pour demander l'application en Guyane de la ''Loi de la garantie''. Cette réglementation prévoit notamment l'apposition d'un poinçon sur les ouvrages d'or afin d'assurer leur traçabilité. Actuellement, les comptoirs d'or guyanais ne sont pas obligés d'indiquer l'identité de leur vendeur, ce qui favorise l'orpaillage illégal. La Fédération des opérateurs miniers de Guyane propose pourtant un guide des bonnes pratiques. Comme souvent, c'est son application concrète qui pose problème.
La filière or ne compte que 5 intervenants, tous sur le territoire national : l'exploitant minier, le comptoir d'or, l'affineur, le fabricant et le distributeur. De plus, une part importante de l'or guyanais est toujours affinée séparément. L'instauration d'un système de traçabilité devrait donc être facilitée. Romain Renoux, responsable du pôle outre-mer au WWF France, estime que le coût d'un tel dispositif serait négligeable.
''J'avais demandé que la filière illégale soit remontée après chaque arrestation ainsi que l'interdiction formelle des transactions en or. Je n'ai obtenu ni l'un ni l'autre'' souligne Christiane Taubira. Selon la députée, ces éléments se révèlent primordiaux pour étouffer l'activité clandestine. Les multinationales exploitant l'or bénéficieraient par ailleurs de nombreuses exonérations. ''Afin de faciliter l'activité économique, l'Etat préfère dire qu'il n'y aura aucune contrainte'', déplore Christiane Taubira.
Et sur le plan international, la situation n'est guère plus reluisante. Le 23 décembre 2008, un accord bilatéral de lutte contre l'exploitation aurifère en zones protégées a été signé entre la France et le Brésil. Ce texte prévoit un contrôle renforcé des mines, le durcissement des sanctions contre les activités illégales et une coopération renforcée entre les deux pays. A ce jour, aucun des deux Parlements n'a entériné l'accord. Selon le ministère français des affaires étrangères et européennes, le projet de loi de ratification serait en cours d'élaboration, ''ce qui n'est pas le cas au Brésil'', précise Christiane Taubira.
En février dernier, Jean-Louis Borloo, ministre du Développement Durable et de la Mer, a donné le coup d'envoi d'une nouvelle expédition scientifique : ''Terre-Océan''. Partis de Fécamp (Seine-Maritime) le 21 octobre, les scientifiques embarqués à bord du trois-mâts goélette ''La Boudeuse'' devront notamment évaluer la pollution au mercure des rivières de l'Amazone afin d'y apporter des solutions. Si l'on doit espérer que le succès soit au rendez-vous, les solutions ne seraient-elles pas déjà connues ?