Dans le cadre de la Directive cadre sur l'eau (DCE) et de la loi sur l'eau de 2006 (LEMA), la France a entamé la révision du classement de ses cours d'eau qui doit assurer la libre circulation des espèces et des sédiments en limitant les ouvrages construits en travers des cours d'eau. Selon l'Onema, près de 60.000 ouvrages (barrages, écluses, seuils, moulins) sont recensés sur les cours d'eau français.
Ce nouveaux classement crée deux listes : une première qui regroupe les cours d'eau en bon état écologique, les réservoirs biologiques et les rivières à fort enjeu pour les espèces migratrices. Tout nouvel obstacle à la continuité écologique, quel qu'en soit l'usage, ne pourra être autorisé sur les rivières ainsi classées. La liste 2 comprend les rivières à restaurer. Chaque ouvrage devra être mis en conformité au plus tard dans un délai de 5 ans après la publication de l'arrêté de classement. Les cours d'eau classés seront la base de la future trame bleue des schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE).
Les premiers arrêtés de classement ont été publiés dans le courant de l'année 2012 pour les bassins Artois-Picardie (1) , Loire-Bretagne (2) , Seine-Normandie (3) et Rhin-Meuse (4) . Les projets d'arrêtés sont en consultation jusqu'au 15 janvier 2013 pour le bassin Rhône-Méditerranée Corse (5) (RMC) et jusqu'au 2 février 2013 pour Adour-Garonne (6) . L'occasion pour les petits producteurs d'hydroélectricité d'alerter les élus et l'Etat sur les conditions de révision et l'impact sur le développement des énergies renouvelables.
Une perte de potentiel hydroélectrique
Pour les petits producteurs regroupés au sein du syndicat France Hydroélectricité, "ces classements bloquent le développement des énergies renouvelables". S'ils déclarent "ne pas s'opposer à une démarche visant à protéger des cours d'eau dont l'enjeu environnemental est fort", ils craignent surtout que les objectifs de développement prévus suite au Grenelle de l'environnement ne soient pas atteints. Pour rappel, la "Convention pour le développement d'une hydroélectricité durable", signée par les parties prenantes en juin 2010 prévoit d'augmenter la puissance installée de 3.000 MW et d'accroitre la production de 3 TWh d'ici fin 2020 dont 2 TWh de petites centrales et 1 TWh en équipant les nombreux moulins. Or, une étude de l'Union Française (7) de l'Electricité, qui croise le potentiel hydroélectrique région par région avec les projets de classement, a démontré que sur les 10,6 TWh de potentiel identifié, 76% pourraient être mis de côté ne laissant que 2 TWh de productible.
Les études d'impact de ces classements réalisées par l'administration constatent en effet une réduction du potentiel hydroélectrique : pour le bassin RMC (8) par exemple le projet de liste 1 "imposerait une contrainte forte sur la mobilisation du potentiel des secteurs EnR : près de 404 MW, soit 55% de la puissance totale potentielle est localisée sur des cours d'eau nouvellement proposés en liste 1". Par ailleurs, selon l'étude, ce classement ne permettrait pas au bassin de répondre aux objectifs de développement nationaux. "L'objectif national de développement de l'hydroélectricité rapporté au productible exploité sur le bassin permet de fournir un ordre de grandeur de la contribution du bassin à cet objectif : 1,8 TWh. Le potentiel des secteurs stratégiques EnR non contraints par le projet de liste 1 ne suffira donc pas à remplir seul cet objectif."
France Hydro Electricité en appelle à la justice
Le syndicat demande par conséquent un arbitrage ministériel pour rendre cohérents les objectifs énergétiques et environnementaux. "Techniquement nous savons faire des ouvrages avec des impacts limités sur l'environnement ", rappelle Jean-Marc Levy.
Selon le syndicat, la petite hydroélectricité pourrait assurer 5,4 TWh de production supplémentaire en créant 524 nouveaux sites et en équipant 734 ouvrages déjà existants.