Ce jeudi 6 juin, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) a présenté les premières conclusions de ses travaux en cours sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Le pré-rapport (1) émet neuf recommandations que les rapporteurs, Christian Bataille, député SRC du Nord, et Jean-Claude Lenoir, sénateur UMP, souhaitent voir "rapidement suivies d'effets".
Ce pré-rapport, adopté à l'unanimité des membres de l'Opecst présents lors de sa présentation, sera remis au Premier ministre et aux ministres de l'Ecologie et du Redressement productif. Le rapport final est pour sa part attendu à l'automne, "sans doute en octobre" précise Jean-Claude Lenoir.
Faire bouger le cadre juridique
"Nous souhaitons participer au débat sur la transition énergétique", explique d'emblée Christian Bataille pour justifier la remise de ce rapport d'étape qui constitue donc la contribution de l'office. Quel est son message central ? Dès l'avant propos, les rapporteurs expliquent que, compte tenu des enjeux de sécurité d'approvisionnement et économiques, "il est nécessaire d'étudier la possibilité d'exploiter les ressources de notre sous-sol. Mais pas à n'importe quel prix". Pour cela, "il faut se demander comment faire progresser les technologies et comment encadrer leur usage pour garantir leur innocuité environnementale", poursuit l'Opecst, estimant qu'"une exploration/exploitation des hydrocarbures non conventionnels respectueuse de l'environnement est possible, à condition de favoriser la recherche sur ce sujet et de mettre en place un cadre réglementaire adapté".
Interrogé sur la compatibilité entre la
Enfin, les rapporteurs répondent par avance aux opposants à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels qui la juge incompatible avec l'impératif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les hydrocarbures exploités en France ne s'ajouteraient pas à la consommation française actuelle, expliquent-ils, mais se substitueraient aux importations. Un raisonnement qui, selon eux, ne s'oppose pas aux premières conclusions du débat national qui suggèrent que pour atteindre le Facteur 4 il est nécessaire d'ici 2050 de diviser par deux la consommation énergétique française. "Nous ne sommes pas dans l'addiction au pétrole et au gaz", résume Jean-Claude Lenoir.
Exploiter dès maintenant le gaz de houille
Une des propositions encourage les pouvoirs publics à poursuivre l'exploration puis engager, dès que possible, l'exploitation du gaz de houille (gaz de couche). En effet, selon l'Opecst, cette exploitation ne nécessite pas de recourir à la fracturation hydraulique, que ce soit pour récupérer le grisou des anciennes mines ou pour exploiter le gaz de couche (coal bed methan, en anglais).
En conséquence, si la rentabilité des opérations est démontrée, son exploitation "pourrait et devrait commencer sans délai", précise Christian Bataille, évoquant un gisement suffisant pour produire durant 30 à 40 ans l'équivalant du tiers des importations de gaz actuelles.
Pour atteindre ces objectifs, la première recommandation du rapport est de "faire de la connaissance de notre sous-sol dans tous ses aspects une priorité de la recherche", en utilisant notamment les techniques non invasives telles que l'analyse sismique. Cependant, ce premier point passe par l'abrogation de la circulaire du 21 septembre 2012 de la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, qui précise l'application de la loi du 13 juillet 2011. Celle-ci indique que la technique "de sismique réflexion" ne pourra être utilisée que dans les zones géographiques où cela peut être justifié par la recherche d'hydrocarbures conventionnels. Une "circulaire scandaleuse" estime Christian Bataille, alors que Jean-Claude Lenoir juge pour sa part que "la plume de la ministre a dérapé".
"Si les premiers résultats sont concluants, [il faudra] forer quelques dizaines de puits d'exploration en appliquant toutes les précautions aujourd'hui connues", propose le document. Les rapporteurs n'ont d'ailleurs pas manqué de préciser qu'une quarantaine d'opérations de fracturation hydraulique ont été réalisées en France avant son interdiction.
Une fois la ressource évaluée, il conviendra de poursuivre la recherche sur les techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures de roches mères et leurs effets sur l'environnement, suggère le rapport. Pour cela il émet trois recommandations : en premier lieu, il faudrait "mettre en œuvre la loi du 13 juillet 2011 dans toutes ses composantes" en établissant la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, en rendant au Parlement le rapport annuel prévu par l'article 4 et en mettant en place le programme d'expérimentations scientifiques sous contrôle public. "On va le réclamer avec force", précise Christian Bataille à ce sujet. Les deux autres recommandations visent à "établir un programme de recherche (…) conforme aux orientations proposées par l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (Ancre)" et à conduire "des expérimentations dans un puits test, destinées à valider des techniques de stimulation améliorées".
Enfin, les rapporteurs proposent d'utiliser les hydrocarbures non conventionnels pour faciliter la transition énergétique et de créer un intérêt local à l'exploitation des ressources du sous-sol. L'Opecst espère que la problématique des hydrocarbures non conventionnels sera incluse dans le débat sur la transition énergétique et qu'il sera envisagé de faire partiellement financer la transition énergétique par les éventuelles retombées financières des gaz de schiste. Quant à l'acceptation des riverains et des collectivités locales, l'office estime qu'elle pourrait être obtenue "[en réformant] le code minier pour faire bénéficier les collectivités locales et les propriétaires qui pourraient être impactés de retombées financières".