Jeudi 14 mars, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité des 146 députés présents la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile. Le texte retient l'interdiction de la publicité, mais remplace le malus financier visant la mode éphémère par un dispositif plus large qui prendra en compte le résultat de l'affichage environnemental.
L'adoption de cette proposition de loi, qui doit maintenant passer au Sénat, est saluée par de nombreux acteurs : la coalition Stop Fast Fashion, lancée par Les Amis de la Terre, Zero Waste, France Nature Environnement (FNE), ou encore Emmaüs France ; l'Institut national de l'économie circulaire (Inec) ; et Impact France, le « mouvement des entrepreneurs et dirigeants français qui mettent l'impact écologique et social au cœur de leur entreprise ».
Les députés renforcent les contrôles
La proposition de loi contre la fast fashion renforce le contrôle prévu par l'article 61 de la loi Agec qui crée l'article L541-9 du code de l'environnement. Ces dispositions prévoient que l'Administration peut demander aux metteurs en marché de démontrer que les déchets générés par leurs produits peuvent être gérés dans le respect de loi.
Le texte adopté par les députés autorise les agents habilités de l'Ademe, de la DGPR, des Douanes et de la DGCCRF à s'échanger « tous les renseignements et documents détenus ou recueillis dans l'exercice de leurs missions respectives ».
Cette amélioration des échanges entre les agents chargés du suivi des filières REP permettra de « mieux lutter contre ceux qui chercheraient à contourner la pénalité applicable à la mode éphémère », justifient les députés
Les débats à l'Assemblée ont d'abord permis de préciser le périmètre des acteurs visés : la définition retenue fait référence au nombre de nouvelles références, selon des seuils qui seront fixés par décret. Sur ce point, Stop Fast fashion annonce qu'il sera vigilant lors de la rédaction du décret : « Il est primordial d'éviter que les enseignes historiques de fast fashion, telles que Zara, H&M, Action ou encore Primark, ne passent entre les mailles du filet. »
Par ailleurs, les députés ont réalisé que les acteurs de la fast fashion pourraient contourner la loi en fractionnant les volumes et les vendant sur des places de marché. Et cela d'autant plus facilement que Shein et Temu en sont en réalité. Ils ont donc étendu le périmètre du texte aux ventes réalisées sur ce type de site internet, pour inclure les géants de la mode éphémère, ainsi qu'Ali Baba, ou encore Amazon.
Le texte précise que, pour ces places de marché, la pratique de la mode éphémère « est appréciée (…) en fonction du nombre de modèles de produits neufs présentés sur l'interface électronique ». Toutes les références des vendeurs seront donc comptabilisées pour juger du dépassement des seuils. Une précision toutefois : la vente des invendus ne sera pas prise en compte dans le calcul, à condition que le déstockage soit réalisé par des vendeurs qui ne possédaient pas les produits à l'origine.
Pas de pub et un message d'avertissement
Pour l'essentiel, les acteurs ciblés par la loi ne pourront plus faire de publicité. Cette interdiction concernera aussi les influenceurs sur les réseaux sociaux. En outre, les acteurs de la fast fashion devront afficher sur leur site internet des messages « encourageant la sobriété, le réemploi, la réparation, la réutilisation et le recyclage des produits et sensibilisant à leur impact environnemental », messages dont le contenu sera fixé par décret. Cet affichage devra être lisible sur tous formats, ont ajouté les députés, afin d'inclure les applications.
Reste la pénalité financière censée s'attaquer aux prix cassés de la mode éphémère. Initialement, le texte proposait de relever à 50 % du prix de vente le niveau du malus maximum. Ce plafond, aujourd'hui fixé à 20 %, étant jugé trop bas pour dissuader l'achat d'articles dont le prix est de quelques euros. Le texte initial prévoyait aussi qu'un décret fixe une pénalité ciblant explicitement les articles de la fast fashion. Cette pénalité devait augmenter progressivement jusqu'à atteindre 10 euros par article en 2030 (en respectant toutefois le plafond de 50 % du prix).
Le principe du malus est maintenu
À l'issue des travaux parlementaires, le texte prévoit toujours le relèvement du plafond des pénalités. Et les députés, craignant que le malus soit mis en place trop tardivement pour sauver l'industrie textile française, ont décider de graver dans la loi son augmentation progressive : 5 euros par produit en 2025, puis un euro supplémentaire par an pour atteindre 10 euros en 2030.
Ils ont aussi complété le dispositif en créant un bonus qui réduira l'écocontribution des produits des entreprises vertueuses. « Les compléments de contributions récoltés [grâce au malus fast fashion] sont intégralement réattribués sous forme de primes aux producteurs éligibles », prévoit le texte. Objectif : assurer la neutralité fiscale (le malus fast fashion ne doit pas être un impôt déguisé).
Mais la pénalité fast fashion est supprimée
Toutefois, la principale modification n'est pas là. Le texte adopté à l'Assemblée abandonne l'idée d'un bonus touchant directement la fast fashion au profit d'un dispositif aux contours plus incertain. Il s'agit désormais de fixer les primes et pénalités des articles de mode « en fonction notamment » du score obtenu en application de l'affichage environnemental. Et le texte ajoute que les produits affichant l'impact environnemental le plus élevé ne pourront pas bénéficier de primes d'écoconception.
Concrètement, cette version du texte préserve l'essentiel de la latitude dont dispose aujourd'hui Refashion, l'éco-organisme de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) de linges, textiles et chaussures. Tout juste précise-t-il que le résultat de l'affichage environnemental doit être pris en compte.
Cette prise en compte interroge, car la législation actuelle ne l'impose pas (sauf à prendre un décret en ce sens) et les travaux ne sont pas encore finalisés (les derniers arbitrages viennent toutefois d'être présentés, selon l'Inec). Stop Fast Fashion précise, d'ailleurs qu'il « reste (…) vigilant sur la méthodologie qui sera adoptée pour l'affichage environnemental ».