Dans son Plaidoyer pour les arbres, le botaniste Francis Hallé n'expliquait-il pas que l'essentiel de la matière d'un arbre provient de la pollution atmosphérique ? L'arbre est une usine à épuration. Il peut aussi être une pharmacie. Du fait de sa fixité, l'arbre doit se défendre contre toutes sortes d'agressions. Il développe ainsi ses défenses, jusqu'à devenir un organisme médicinal, comme le quinquina, qui constitue encore aujourd'hui l'un des meilleurs traitements contre le paludisme. L'arbre est aussi la clé des systèmes agroforestiers. Les déclinaisons régionales sont nombreuses : pêchers associés au maraîchage dans le Roussillon, noisetiers avec grandes cultures dans le sud-ouest, oliviers et vignes en méditerranée, chênes truffiers et lavande en Drôme provençale, mais aussi arbres fourragers, dont les fruits ont nourri pendant des siècles les animaux d'élevage.
Qu'il s'agisse d'adapter les cultures au changement climatique, d'enrichir la biodiversité en réintroduisant des haies vives ou de
Pour un retour de la diversité
Depuis une trentaine d'années en Europe, de nouvelles pratiques voient le jour, associant arbres forestiers et agriculture. Aujourd'hui sur l'ensemble du territoire français, on recense plusieurs types de systèmes agroforestiers traditionnels : les pré-vergers, les cultures intercalaires dans les fruitiers (comme les noyeraies du Périgord et du Dauphiné), les cultures intercalaires dans les peupleraies, et les systèmes bocagers, parfois associés à l'élevage. D'autres systèmes sont associés au sylvopastoralisme : pre-bois dans le Jura, châtaigneraies pâturées de Corse et des Cévennes, pâturage en sous-bois méditerranéen. Le rencensement effectué en 2001 et 2002 lors du programme européen SAFE a estimé les surfaces agroforestières sur terres agricoles à environ 160 000 hectares en France.
Issus de l'expérience des pratiques traditionnelles, du travail de la recherche, mais aussi de l'initiative d'agriculteurs précurseurs, ces systèmes modernes tentent de combiner les avantages de pratiques traditionnelles avec des performances renouvelées. En 2008, on comptait plus de 300 projets agroforestiers répartis sur toute la France. En 1995, l'INRA crée sur plus de 50 hectares la première expérience de recherche associant arbres, grandes cultures et vigne sur le domaine de Restinclières, au nord de Montpellier (34). Depuis lors, une quarantaine de parcelles de démonstration ont été installées dans six régions grâce à des financements du ministère de l'Agriculture.
Autrefois largement répandue sur le territoire français, cette pratique ancestrale a fortement régressé au XXème siècle, victime des remembrements et du passage à des modèles agricoles basés sur l'économie pétrolière. Modernisation du matériel agricole et usages intensifs de produits phytosanitaires ont abouti à l'uniformisation des systèmes de cultures. La PAC est également en question. La PAC a-t-elle tué l'agroforesterie ?, interroge Paul J. Burgess, de l'Université de Cranfield, au Royaume-Uni. Elle est fortement suspectée d'être à l'origine de la destruction de paysages entiers. Ainsi en Espagne, les systèmes agroforestiers de la Dehesa sont connus depuis environ 4500 ans dans le sud-ouest de la péninsule ibérique, mais ils ont connu une forte régression au 20ème siècle et ont été marginalisés par les nouveaux outils de politique agricole.
Pour une prise en compte de l'arbre dans la nouvelle PAC
Avant 2000, une parcelle agroforestière n'était reconnue ni comme agricole, ni comme forestière ou fruitière et n'était donc pas éligible au premier pilier de la PAC. La reconnaissance en tant que parcelle agricole date de 2006. Une parcelle agroforestière devient alors éligible aux aides couplées et découplées si la densité des arbres ne dépasse pas le nombre de 50 par hectare.
En 2010, le plafond augmente de 200 arbres par hectare. La conditionnalité des aides de la PAC instituée dans le cadre du premier pilier soumet le versement de certaines aides communautaires au respect d'exigences en matière d'environnement, de bonnes conditions agricoles et environnementales, de santé publique, animale et végétale. Le critère du maintien des éléments topographiques est pris en compte. Il exige le maintien sur l'exploitation d'un pourcentage de "particularités topographiques" : haies, bosquets, jachères, murets, bordures de champs. Des "surfaces équivalentes topographiques" sont définies pour chaque élément. Elles devront représenter au total 5% de la surface agricole utile en 2012.
Dans le cadre du second pilier de la PAC, la mesure dite 222 permet à tout Etat membre de financer l'installation de projets agroforestiers : coût d'installation des arbres, entretien de la plantation les premières années, conseil et suivi des opérations par des structures compétentes. Le taux de subvention est plafonné à 70%, voire 80% dans les zones défavorisées. Le cahier des charges est défini par les régions.
L'Association française d'agroforesterie (Afaf), qui compte une centaine de membres, et ses homologues européens en appellent à une reconnaissance officielle de l'agroforesterie par la nouvelle PAC, afin que toute parcelle agroforestière soit admissible de fait aux aides directes quelle que soit la densité des arbres et le type d'agriculture. L'Afaf plaide pour que, dans le cadre du second pilier, le volet "développement rural" intègre un dispositif unique et global de soutien aux agriculteurs en faveur des systèmes agroforestiers. Les partenaires du secteur soulignent aussi la nécessité de soutenir la recherche. Sous réserve, souligne Martin Pigeon, de Corporate Europe Observatory, que "les paysans et les agriculteurs puissent en être co-producteurs, dans un contexte de capitalisme mondial où l'agriculture est au centre de toutes les convoitises".