Finie la "casse", le traitement des véhicules hors d'usage (VHU) passe progressivement à la "déconstruction automobile". Cette évolution est accentuée par la règlementation européenne de 2011 qui impose depuis 2015 un taux de recyclage de 95%. Ce taux, qui combine le réemploi des pièces détachées, le recyclage matière et la valorisation énergétique, doit être atteint conjointement par le centre VHU (qui déconstruit la voiture) et l'unité de broyage (qui broie la carcasse et sépare les matériaux valorisables). Actuellement, 1,7 million de voitures sont mises au rebus chaque année.
Autre contrainte, le taux de recyclage de 95% doit être atteint en préservant l'équilibre économique de la filière VHU, c'est-à-dire sans faire appel à une éco-participation des constructeurs. Dans ces conditions, il devient impératif d'obtenir un maximum de revenu à partir des véhicules. La première option est la revente en l'état pour l'exportation. Certains véhicules économiquement irréparables (VEI) en France ne le sont pas à l'étranger, compte tenu des coûts de main d'œuvre plus bas. Environ 450.000 voitures suivent cette voie. Si le véhicule n'est pas vendable, il s'agit alors de démonter les pièces réutilisables, principalement des pièces de carrosserie destinées au marché de la réparation. Enfin, la carcasse constitue le "tas de platin" du centre VHU qui sera envoyée au centre de broyage pour récupérer la matière valorisable.
Chute vertigineuse des cours des matières recyclables
Passer du local au national
Le marché de la pièce d'occasion devrait prendre une ampleur nationale, notamment avec la mise en œuvre de loi de transition énergétique. Actuellement, il reste limité à la vente directe de pièces aux carrossiers se présentant au comptoir des centres VHU. Mais, pour atteindre un niveau national, il est indispensable de disposer de bases de données recensant les pièces disponibles en France. Cette information doit par ailleurs être croisée avec les bases de données recensant les pièces nécessaires à la réparation de l'ensemble des véhicules ayant été commercialisés en France.
Deux outils dédiés au professionnels (centres VHU et carrossiers) se lancent dans la création de stocks nationaux mutualisés de pièces de réemploi garantis. Indra a créé Precis en s'associant à Sidexa qui détient les bases de données des constructeurs qui référencent les pièces utilisées (ou nécessaire à la réparation) de chacun des véhicules immatriculés en France. Le second, Global Pre, lancé par le réseau de pièce d'occasion Caréco, propose sa propre nomenclature et son référentiel de pièces de réemploi.
Mais cette solution impose des contraintes aux centres VHU. Tout d'abord, il faut qu'ils soient bien organisés pour traiter efficacement les voitures qu'ils recoivent. Quatre compétences doivent être réunies : un savoir-faire technique, règlementaire, administratif et commercial. Par ailleurs, la traçabilité des pièces est essentielle, chaque pièce étant unique. En effet, outre la couleur, les pièces d'une même série d'un même modèle peuvent varier selon l'année de construction du véhicule. Pour s'assurer de la compatibilité des pièces, il faut donc mettre en œuvre un suivi rigoureux en s'appuyant, par exemple, sur les fichiers de première immatriculation qui peuvent être recoupés avec les bases de données des constructeurs.
Malgré ces contraintes, le marché est appelé à un bel avenir puisque la loi de transition énergétique prévoit que "tout professionnel qui commercialise des prestations d'entretien ou de réparation de véhicules automobiles permet aux consommateurs d'opter pour l'utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l'économie circulaire à la place de pièces neuves". L'obligation, qui devait prendre effet en janvier 2016, doit encore être précisée par décret, mais les acteurs se préparent. D'autant qu'en dehors de l'obligation légale, les assureurs semblent très intéressés par le recours aux pièces de carrosserie d'occasion. Dans certains cas, il propose déjà cette option après accord de l'assuré. Ce dernier obtient en contrepartie un avantage (réduction ou suppression de la franchise). Surtout, il devient possible de réparer des véhicules âgés de cinq à dix ans qui ne le seraient pas, compte tenu du prix des pièces neuves. Ce dernier avantage est déterminant à l'heure où les Français éprouvent des difficultés à acquérir des véhicules neufs ou récents. Pour preuve, le marché des véhicules de 16 ans et plus "a littéralement explosé" en 2015 pour atteindre 850.000 ventes, rapporte Loïc Bey-Rozet. Il y a cinq ans, ce même marché s'établissait autour de 100.000 ventes. Autant de véhicules qui, pour être réparés, ont besoin de pièces de réemploi.