Depuis le 7 novembre 2015, tout usager est censé pouvoir saisir l'administration de l'Etat par voie électronique "pour des demandes d'information mais aussi pour près de neuf démarches administratives sur dix", précise Manuel Valls dans une instruction (1) adressée au Gouvernement le 6 novembre. Cette possibilité entrera en vigueur dans un an pour les collectivités territoriales, les organismes de protection sociale et les autorités administratives indépendantes.
Le développement de la saisine de l'Administration par voie électronique est l'une des mesures prévues par le "choc de simplification" lancé début 2013 par François Hollande. Les conditions d'exercice du droit des usagers à cette saisine sont définies par une ordonnance du 6 novembre 2014 (2) , dont les décrets d'application viennent de paraître.
Selon ces textes, les usagers peuvent, après s'être identifiés, saisir l'Administration par voie électronique, sans que celle-ci ne puisse exiger de répéter la demande sous une autre forme. Afin de permettre l'exercice de ce droit, les administrations doivent mettre en place des téléprocédures, des formulaires de contact en ligne ou, plus simplement, communiquer des adresses de messagerie électronique.
"La saisine par voie électronique doit faire l'objet d'un accusé de réception délivré dans un délai maximum de sept jours et d'un traitement approprié par les services, dans les délais prévus par les textes", rappelle le Premier ministre aux membres de son gouvernement. Cet accusé de réception permet de calculer les délais de réponse du service, soit que son silence vaille accord, soit qu'il vaille exceptionnellement refus, précise le gouvernement.
Aucune communication du ministère de l'Ecologie
Toutefois, la mise en œuvre de ce droit semble encore loin d'être généralisée. Ainsi, en matière d'environnement, le ministère de l'Ecologie n'a fait aucune communication à l'occasion de l'entrée en vigueur de cette réforme malgré la volonté affichée par l'exécutif d'améliorer le dialogue environnemental suite au drame de Sivens.
D'autre part, l'ordonnance permet d'exclure, à titre provisoire ou définitif, certaines démarches du champ d'application de la saisine de l'Administration par voie électronique pour des motifs d'ordre public, de défense et sécurité nationale, de nécessité de comparution personnelle de l'usager ou encore de "bonne administration".
Quatre-vingt-une exceptions
Ainsi, si un seul décret (3) a été pris pour mettre en place ce nouveau droit, quatorze décrets ont été publiés le même jour afin de lister les exceptions par département ministériel. Le décret pris pour le ministère de l'Ecologie ne liste pas moins de 81 exceptions à titre définitif ou transitoire.
Parmi les premières figurent, pour motif d'ordre public, les démarches liées au transit de déchets radioactifs ou d'autorisation de pêche par des navires étrangers. Y figurent également, pour motif de défense et sécurité nationale, les démarches relatives à des dérogations "défense" au titre des règlements Reach ou "biocides", ainsi qu'au transport de matières nucléaires. Parmi les multiples exceptions prises pour motif "de bonne administration", on notera les procédures liées aux installations nucléaires de base (INB), les demandes d'autorisation de travaux en site classé, les autorisations d'exploiter une installation de production d'électricité, les demandes d'agrément des citernes de transport ferroviaire de marchandises dangereuses, les demandes d'autorisation d'une canalisation de transport, les demandes d'autorisation ou d'enregistrement d'une installation classée (ICPE), ou encore les demandes de mise en exploitation de navires de pêche.
Parmi les exceptions transitoires, certaines courent jusqu'au 7 novembre 2016 : demandes d'autorisation de mise en service ou d'exécution de travaux sur des remontées mécaniques. Les autres ont pour terme le 7 novembre 2017 : demandes de certificats d'économie d'énergie (CEE), allocation de quotas de gaz à effet de serre (GES), demandes de subventions ou d'arrêt d'activité en matière de pêche maritime et d'aquaculture, etc.
Malgré le nouveau dispositif, il apparaît donc loin d'être acquis que les usagers obtiennent rapidement satisfaction en adressant leur demande par voie électronique au ministère de l'Ecologie. Le recours au Défenseur des droits n'apporte pas plus de garantie : un rapport du CGEDD de décembre 2014 pointait le mauvais traitement par le ministère de l'Ecologie des demandes qui lui parvenaient via ce canal.