Il faut "sauver la taxe poids lourds [,il s'agit d']une urgence pour l'économie, les territoires, l'écologie". C'est en substance le message de Ronan Dantec qui est en charge du rapport budgétaire du Sénat sur les transports routiers rédigé dans le cadre du projet de loi de finances 2014. Pour cela, le sénateur EELV de Loire-Atlantique émet des propositions "pour une sortie par le haut sur ce dossier" et appliquer l'écotaxe "dès que possible en 2014". Ces propositions ont été "développées dans un esprit de dialogue avec l'ensemble des acteurs économiques concernés", précise le sénateur.
Selon l'élu, l'écotaxe doit être sauvée car elle permettrait de gagner sur plusieurs tableaux. Tout d'abord, elle "vise à faire enfin peser le coût des infrastructures routières sur leurs utilisateurs, au lieu d'un financement par l'impôt dans le cadre du budget général". Un argument de poids, puisque la recette annuelle est évaluée à 1,1 milliard d'euros. De plus, la taxe, ou plutôt l'effort réalisé par les assujettis pour en minorer le montant, "aboutira à rationaliser l'organisation des transports, au bénéfice de l'état des routes, de la qualité de l'air et en favorisant la rationalisation des circuits et le report modal". Enfin, étant payé au kilomètre par l'ensemble des transporteurs, "elle contribue à réduire la concurrence déloyale et favorise la compétitivité des circuits économiques courts au détriment des transports longs".
Néanmoins, il constate "que certains semblent déjà considérer inéluctable un report au moins jusqu'en 2015". Hasard du calendrier ou pas, Stéphane Le Foll, interrogé ce matin par RMC/BFMTV, a estimé que "si on doit changer les règles de ce qui était l'écotaxe votée, eh bien ça passe par une loi de finances. Donc, on est à l'automne 2014". Dans l'esprit du ministre de l'Agriculture, l'écotaxe s'appliquerait alors en 2015… Néanmoins, en cas de modifications mineures, la signature de nouveaux textes règlementaires suffirait, a concédé Stéphane Le Foll, admettant de fait qu'un calendrier plus serré était envisageable. Matignon a pour sa part simplement indiqué que le calendrier "n'est pas arrêté", rapporte l'AFP.
PME, agriculture, 44 tonnes et autoroute comme variable d'ajustement
Pour mettre en œuvre rapidement l'écotaxe, Ronan Dantec suggère tout d'abord de "remédier aux difficultés révélées par les transporteurs, en particulier les TPE, PME ou ETI". Constatant que la taxe "désavantage (…) les petites et moyennes entreprises de transport" et qu'elle pourrait favoriser la concentration du secteur du transport routier, "alors que ce n'est pas dans ses objectifs", le sénateur émet des propositions afin de faire disparaître ces inégalités. Supprimer les différences de traitement financier entre transporteurs abonnés et non abonnés, envisager la suppression de la caution sur le matériel embarqué, créer un fonds de modernisation destiné aux TPE, ETI et PME du transport et accroître les contrôles sur les pratiques de concurrence déloyale, constituent autant de pistes en ce sens.
Apporter des réponses à la filière agricole constitue un deuxième axe d'amélioration. Pour cela, le sénateur juge que "plusieurs types d'exonérations sectorielles sont possibles". Il s'agit "surtout [d'exonérer] le transport de toutes les matières agricoles exploitées en amont du produit fini, en ayant une lecture restrictive de la notion de « bien » évoquée dans la directive qui serait assimilée à celle de « produit non fini »". Seul le transport du produit fini serait alors taxé. De même, le transport d'animaux vivants, de déchets d'animaux ou de carcasses dans un rayon de 50 kilomètres pourrait être exonéré.
L'augmentation destaux d'écotaxe applicables aux poids lourds de 44 tonnes à cinq essieux, "responsables de la dégradation accélérée des chaussées", est une autre piste proposée. Ce type de poids lourds est surtout utilisé pour les grandes distances et le trafic de transit, constate le sénateur, ajoutant que "leur autorisation n'était pas demandée par les professionnels du transport routier". Les routes s'usant plus vite avec ce type de camion, "il apparaît logique de leur facturer un coût kilométrique plus important".
Enfin, la quatrième suggestion ouvre indirectement la voie à un abaissement de l'écotaxe payé sur le réseau non concédé tout en maintenant les recettes globales. Pour réussir pareille tour de force, Ronan Dantec propose que "l'Etat [trouve] les moyens de récupérer la majeure partie des bénéfices nouveaux que génèrera l'écotaxe pour les sociétés privées d'autoroute, du fait d'un report prévisible de camions des routes soumises à écotaxe vers les autoroutes". Mais la partie s'annonce bien difficile, admet à demi-mots le sénateur, conscient "des difficultés de l'administration à collecter des données auprès des sociétés d'autoroute et du déséquilibre des rapports entre l'Etat et les concessionnaires". Dans ce contexte, la réalisation d'un "point zéro" sur le premier semestre 2014 "doit être une priorité", afin de connaître le report de trafic sur les autoroutes lié à la taxe poids lourds. Selon Ronan Dantec, la somme en jeu serait de l'ordre de 250 à 400 millions d'euros annuels, soit près 25 à 40% des recettes escomptées. C'est autant qui pourrait être accordé en ristournes diverses et variées aux opposants sans réduire à peau de chagrin les recettes…