Coordinatrice du projet Enos pour le BRGM
Actu-Environnement.com : En quoi consiste le projet européen Enos (Enabling onshore CO2 storage in Europe), que le BRGM pilote ?
Marie Gastine : Le projet Enos (1) est financé par la Commission européenne, dans le but d'étudier, pendant quatre ans, sur plusieurs sites de
Nous allons également simuler des fuites sur deux sites en Italie et en Angleterre, un aquifère et une faille. Là, le CO2 est injecté à 200 mètres de profondeur afin d'analyser notre capacité à les détecter, à les contrôler et à prévoir leur comportement. Le principal risque est que le CO2 retourne dans l'atmosphère. Mais il peut également polluer l'eau en interagissant avec les roches.
Le CSC dans le monde
Selon le BRGM, il existe actuellement dans le monde 15 projets de CSC de taille industrielle en opération, ayant permis de stocker 50 Mt de CO2. Six autres projets sont en cours de construction et 17 au stade de conception. L'AIE évalue les besoins en stockage à 90 Gt à l'horizon 2050 pour contribuer à limiter le réchauffement climatique à 2°C.
MG : Il existe beaucoup de réservoirs naturels de CO2 en France. Les études montrent que ce gaz reste capturé dans la roche sur le long terme, il ne remonte pas. Au contraire, petit à petit, il va se dissoudre dans l'eau, à travers un processus très lent, et il aura tendance à descendre et à minéraliser. Cela prend des milliers d'années.
AE : Quel est le potentiel de stockage du CO2 ?
MG : Les études sur le potentiel de stockage montrent qu'il est possible, au niveau mondial, de stocker au moins 100 ans d'émissions de CO2, voire plus. Mais la répartition des sites n'est pas forcément corrélée avec les zones d'émission. En Europe, le stockage est surtout envisagé en mer, pour des problèmes d'acceptabilité du public. La Norvège injecte depuis plus de vingt ans du CO2 dans cette zone. Ces pays essaient d'ailleurs de promouvoir leurs sites de stockage et cherchent des accords avec d'autres pays européens, puisque le CO2 peut être transporté. En France, en onshore, le potentiel est surtout localisé sur le bassin parisien et un peu sur le bassin aquitain et la basse vallée du Rhône. Si la possibilité de trouver un site unique où stocker 200 millions de tonnes de CO2 a été écartée par une étude en 2011, les acteurs se tournent maintenant vers le développement d'une multiplicité de sites de stockages, à proximité des sites d'émissions, dans chaque région par exemple. Mais les forages profonds ont un coût important…
AE : Beaucoup de projets de captage et stockage de CO2 semblent freinés par ces questions de coût…
MG : Le captage représente la plus grande partie des investissements, bien que le coût du stockage ne soit pas négligeable. Mais tant qu'émettre du CO2 ne coûtera rien, toute technologie qui permet de réduire ces émissions ne sera pas rentable. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), le captage et le stockage de CO2 (CSC) est nécessaire pour traiter de grandes quantités émises. C'est l'une des technologies les moins coûteuses. Cependant, l'investissement initial est très fort et très peu d'entreprises sont prêtes à le faire en l'absence de visibilité. Il manque un cadre économique et réglementaire incitatif.
Une partie de nos travaux porte également sur l'insertion du stockage de CO2 dans l'économie du territoire. Il peut notamment être utilisé pour faciliter l'extraction de pétrole mais aussi comme matière première pour certains produits. Certains envisagent aussi un stockage tampon, à côté du stockage permanent, afin d'utiliser une partie du CO2 pour d'autres activités. Aux Pays-Bas par exemple, le CO2 pourrait être réintroduit dans les serres pour faire pousser les plantes plus vite. Jusqu'à présent, ces serres étaient chauffées grâce à des brûleurs à gaz, qui produisaient également du CO2. Mais de plus en plus de sites sont convertis à la géothermie, il n'y a donc plus de carbone produit…