Une technologie peu éprouvée et exigeante
En conséquence, le four incriminé a été fermé dans des conditions qui avait d'ailleurs fait polémique, et une enquête a été menée par l'exploitant, le groupe TIRU, pour connaître l'origine du problème. Il s'est avéré que la présence de gros morceaux de ferraille dans les déchets arrivant à l'incinérateur a déréglé le fonctionnement du four et par conséquent la régularité de la combustion. L'incinérateur de Gien accueille en effet des ordures ménagères brutes et est équipé d'un four à lit fluidisé rotatif. Cette technologie est très sensible et très peu mise en œuvre en France. Seuls deux incinérateurs en sont équipés : celui de Mulhouse et celui de Gien.
Le principe de la technique dite du « lit fluidisé » est d'effectuer la combustion des produits solides dans un lit de matériaux inertes mis en suspension par une injection d'air chaud. Il s'agit, le plus souvent, d'un mélange de sable auquel on ajoute une petite fraction de déchets qui forment la base du « lit ». L'ensemble est rendu fluide par injection d'air (vertical, horizontal, à la base ou en parois du four...). Cette technique moins éprouvée que celle des fours à grille peut toutefois présenter plusieurs intérêts : le débit d'air étant réglable, il est possible théoriquement de diminuer la quantité de fumée et par conséquent les coûts de traitement. Ce type de four peut également accueillir tout type de déchets (ordures ménagères, boues…).
Encouragé à l'époque par l'ADEME, le test de cette technique à Gien s'est révélé plus complexe que prévu et de gros travaux ont dû être apportés par l'exploitant. Ainsi, afin de remédier à la présence de ferraille dans les déchets entrants du fait de l'absence de collecte sélective, l'exploitant a installé une chaîne de préparation de déchets équipée de séparateurs magnétiques, de broyeurs et d'un crible rotatif qui, au final, homogénéise les déchets à une granulométrie de 100 mm. Des réglages minutieux ont également été apportés au four : changement du sable, complément d'instrumentation, changement de la température, du débit d'air…
Un redémarrage prudent
Ces travaux et ces réglages auront duré plus de trois ans avec l'appui de la Préfecture du Loiret et d'un expert en dioxine indépendant. Aujourd'hui les deux lignes de combustion sont modifiées et fonctionnelles. Le 3 janvier dernier, la Préfecture a autorisé le redémarrage de l'installation. Les dernières analyses effectuées pendant les tests de redémarrage révèlent des émissions de dioxines inférieures à la norme en vigueur depuis décembre 2005 : 0,035 ng/Nm3 le 28 février dernier pour une norme fixée à 0,1 ng/Nm3. Les travaux effectués ont également permis de rendre l'incinérateur conforme aux nouvelles normes d'émissions concernant les autres polluants : poussières, SO2, CO, HCL, COT. D'autres améliorations sont prévus dans les années à venir pour assurer la conformité des émissions de NOx. Depuis le début de l'année 2008 la limite des 400 mg/Nm3 (moyenne journalière) a en effet été dépassée une fois.
La surveillance environnementale mise en place au moment de l'incident sur les recommandations de la DRIRE va peu à peu être allégée. Depuis 2005, les fumées et le biotope environnant (œufs, sols, lait, végétation) font l'objet d'analyses hebdomadaires. D'ici quelques mois, les analyses à la cheminée et dans le biotope reprendront le rythme applicable à tout incinérateur à savoir 2 analyses par an pour les fumées et 1 analyse par an pour le biotope.
Les syndicats de gestion des ordures ménagères de Gien et de Chateauneuf, propriétaires de l'incinérateur, sont désormais à la recherche de nouveaux déchets à incinérer. En 2008, l'installation devrait recevoir 40.000 tonnes d'ordures alors qu'elle a été conçue pour en recevoir 80.000 tonnes. Les deux syndicats comptent sur le nouveau schéma départemental de gestion des déchets en cours de révision pour réorienter certains déchets vers l'incinérateur de Gien notamment des déchets d'activités de soin infectieux et des déchets industriels banals.
Les deux syndicats sont en parallèle en cours de procédure judiciaire contre le constructeur de l'incinérateur pour défaut de conception. Condamné, le constructeur a fait appel. La fin du procès est attendue dans un ou deux ans.