La société Aliapur, créée en 2002 par sept manufacturiers*, se présente comme l'acteur leader en France. L'entreprise collecterait près de 80 % du gisement existant et affiche un taux de collecte supérieur à 100 % (du fait du défaut de déclaration des producteurs). Si des pneumatiques échappent encore à la collecte, la filière, malgré sa jeunesse, connaît un certain succès.
Ainsi, 14,5 % des pneus collectés par Aliapur sont rechapés et réemployés, 47,1 % connaissent une valorisation matière et 38,4 % partent en valorisation énergétique. Mais cette répartition est-elle cohérente d'un point de vue environnemental ? C'est ce qu'a voulu savoir Aliapur en commandant à Ecobilan PricewaterhouseCoopers des analyses de cycle de vie des 9 voies de valorisation des pneus usagés non réutilisables (PUNR) existantes aujourd'hui. L'objectif était de comparer les impacts environnementaux générés et évités par chaque voie.
Les sols synthétiques et la cimenterie obtiennent le meilleur bilan environnemental
Les voies de valorisation étudiées ont été réparties en deux catégories : les voies destructives (cimenterie, fonderie, aciérie, chaufferie urbaine) et non destructives (bassin de rétention, bassin infiltrant, objets moulés, sols synthétiques et équestres). Huit indicateurs environnementaux ont été pris en compte : les consommations d'énergie primaire totale, de ressources non renouvelables et d'eau, la contribution à l'eutrophisation, les émissions de gaz à effet de serre d'origine fossile et de gaz édifiants, la création d'ozone troposphérique et la production de déchets dangereux.
Conclusion de l'étude : ''quelle que soit la filière de valorisation et quel que soit l'impact auquel on s'intéresse, la gestion des pneus en fin de vie se traduit dans la majorité des cas par un bénéfice environnemental significatif, dans d'autres cas, le résultat a été jugé non significatif mais montre plutôt une tendance favorable''.
Ainsi, selon l'étude, la production de gazon synthétique, la fabrication d'objets moulés et la cimenterie apparaissent comme étant les voies les plus intéressantes sur l'ensemble des indicateurs environnementaux étudiés. Ces résultats sont donnés au regard des autres produits utilisés traditionnellement par ces filières (produits issus du pétrole en général).
Les bassins de rétention et les bassins infiltrants constituent des voies de valorisation dont les bénéfices restent relativement minimes. Concernant la fonderie, filière émergente, les bénéfices apparaissent minimes mais pourraient être prometteurs à moyen terme selon l'étude.
Pour les autres voies de valorisation, les avantages peuvent s'avérer plus ou moins marqués selon les indicateurs considérés.
Sur l'ensemble de ces voies de valorisation, les ''étapes de collecte, de tri et de broyage/granulation apparaissent secondaires par rapport aux bénéfices apportés par la valorisation''.
Des travaux qui méritent d'être poursuivis
Si les membres de la revue critique saluent ''ce travail considérable'' et en approuvent globalement la conclusion, ''ce regard est intermédiaire et pas définitif'', explique Jacky Bonnemains. Les experts ont notamment regretté la non prise en compte de la fin de la deuxième vie des produits utilisés dans les voies non destructives. Ainsi, les résultats du bilan environnemental du gazon synthétique et des sols équestres seraient-ils aussi bons si leur destruction ou revalorisation étaient prises en compte ?
Jacky Bonnemains regrette également que la pollution de l'air, notamment l'émission de COV, ne soit pas prise en compte dans l'étude, notamment dans le cas de l'utilisation de sols synthétiques en milieu fermé (gymnases…).
La société Aliapur entend poursuivre les travaux, notamment en incluant les futures voies de valorisation et la prise en compte de la fin de la deuxième vie des produits utilisés jusqu'à leur élimination complète.
Pour les acteurs présents, malgré son imperfection, l'étude est un exemple : ''il serait bien que l'ensemble des filières de responsabilité élargie des producteurs (DEEE…) réalisent de tels ouvrages pour porter un regard sur les différentes voies de valorisation et d'élimination'', déclare le président de Robin des bois.
Pour Dominique Maguin, président du Bureau international du recyclage, cette étude ''est une première. L'unicité du produit a facilité cette démarche, cependant, d'autres devraient s'en inspirer. Les métiers du recyclage ne peuvent pas se couper de l'environnement.'' Et de rappeler que le recyclage au niveau mondial permet d'éviter l'émission de 800.000 tonnes de CO2 par an.
* Bridgestone, Continental, Dunlop Goodyear, Kléber, Michelin et Pirelli, qui représentent 70 % des pneumatiques neufs mis chaque année sur le marché français.