L'autorisation d'utilisation du glyphosate, l'herbicide controversé, sera finalement renouvelée pour dix ans en Europe à partir du 15 décembre 2023. La décision a été prise par la Commission européenne, ce jeudi 16 novembre, à la suite d'un second vote non conclusif en la matière devant le Comité d'appel de l'Union européenne. Les représentants des États membres de l'UE ne sont en effet pas parvenus à constituer une majorité pour ou contre la proposition de règlement d'exécution de la Commission portant sur ce renouvèlement. La même issue était advenue, le 13 octobre dernier, lors d'un premier vote au sein du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (Scopaff).
La controverse continue
En France, le Gouvernement tient à rappeler qu'il n'est « pas contre le principe du renouvellement de la molécule », mais affirme avoir souhaité que « l'Europe encadre plus strictement les usages du glyphosate » et regrette que ces demandes en ce sens, notamment un « délai de réhomologation plus court que les dix ans proposés », n'aient pas été retenues. « La France invite la Commission à accélérer les travaux pour mettre au point les méthodes scientifiques qui doivent permettre de mieux évaluer les risques indirects pour la biodiversité via les chaînes trophiques. » Pour rappel, la France s'était abstenue de voter pour ou contre ce renouvèlement en octobre dernier – abstention renouvelée ce jour.
La Fondation pour la nature et l'homme (FNH) dénonce, elle, un « passage en force » de l'exécutif européen « malgré les avertissements des scientifiques et contre l'avis de deux millions d'Européens » (en écho à plusieurs pétitions précédentes), sollicitant un « véritable plan de sortie de ce pesticide ». La Ligue pou la protection des oiseaux (LPO) souligne par exemple le « mépris du principe de précaution et des conséquences sanitaires et écologiques » du « désherbant le plus vendu au monde ». La Confédération paysanne qualifie, quant à elle, de « scandaleux » la décision prise par la Commission européenne, fustigeant « l'erreur monumentale » de cette réautorisation « ignorant la réalité qui veut que les paysans et paysannes sont les premières victimes des pesticides ». De son côté, Arnaud Rousseau, le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), a salué l'absence « d'interdiction sans solution » et invite la France à investir « maintenant pour trouver des solutions, sans surtransposition et sans augmenter la charge administrative » des agriculteurs.
Une réautorisation sous conditions
La Commission européenne rappelle avoir pris cette décision en s'appuyant sur les avis de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa) et de l'Agence européenne des produits chimiques (Echa). La première n'avait pas identifié, en décembre 2019, puis en juillet 2023, de « domaine de préoccupation critique » concernant l'impact du glyphosate sur la santé humaine et l'environnement, mais avait constaté de sérieuses lacunes s'agissant des éventuels effets délétères de la molécule. En mai 2023, la seconde avait écarté le possible caractère « cancérogène » du glyphosate de sa classification officielle. Cela étant, Bruxelles s'est engagée à « agir immédiatement pour amender ou annuler son autorisation » dans le cas où de nouveaux avis scientifiques le recommanderaient.
Par ailleurs, le règlement de la Commission européenne comporte de nouvelles mesures d'encadrement. L'exploitation du glyphosate sous forme de déshydratant d'avant-récolte sera désormais interdite. Les produits contenant du glyphosate ne pourront pas l'associer à plus de cinq autres substances considérées comme des « impuretés ». L'application du glyphosate devra également être soumise à un nombre limité d'utilisations (sans plus de précision). Enfin, chaque agriculteur devra soumettre une certaine quantité d'informations sur « les possibles impacts indirects sur la biodiversité locale ». Le document réglementaire associé doit encore être élaboré par l'Efsa.
Il appartient maintenant aux États membres de continuer à appliquer ou à restreindre cette autorisation sur le plan national d'ici à 2033. En France, l'usage de la substance est limité « aux situations dans lesquelles le glyphosate n'est pas substituable à court terme ». Un nouveau plan Écophyto 2030, en consultation, doit participer à s'en émanciper.