Saisi par le ministère de l'Ecologie, le Conseil National de l'Air (CNA) s'est réuni mardi 28 juin pour donner un avis sur les zones d'actions prioritaires pour l'air (ZAPA) qui seront expérimentées l'an prochain en France dans certaines agglomérations de plus de 100.000 habitants. Prévues dans la loi Grenelle 2, les ZAPA visent à réduire la pollution atmosphérique liée à la circulation routière en zone urbaine dépassant les seuils d'émissions de particules fines (en particuliers les PM10) et d'oxyde d'azote (NOx).
L'objectif est de restreindre ou interdire dans ces zones l'accès aux véhicules les plus émetteurs et limiter leurs impacts sur la santé publique. ''Près de 40.000 personnes dans notre pays meurent chaque année prématurément à cause de ces dépassements de seuil" des particules fines, a rappelé Martial Saddier, député UMP de Haute-Savoie et président du CNA. Elles sont ''à l'origine, notamment, de l'augmentation significative de l'asthme chez les enfants, de l'augmentation des maladies cardio-vasculaires, cancers'', a-t-il souligné.
En France, huit collectivités (Paris, Saint-Denis, Clermont-Ferrand, Nice, Grenoble, Lyon, Aix-en-Provence, Bordeaux) se sont aujourd'hui portées volontaires pour tester à partir de 2012 les ZAPA et ce, au moins pendant 3 ans. D'autres collectivités peuvent candidater jusqu'au 13 juillet 2012 pour mettre en place ces zones basses émission.
Classification étendue des véhicules
Le CNA a émis hier son avis sur le projet d'arrêté du ministère de l'Ecologie établissant la nomenclature des véhicules autorisés ou non à circuler dans les expérimentations de ZAPA. Le texte était soumis à consultation publique (1) en avril dernier. Plusieurs groupes de véhicules y sont définis, en fonction de leur date de première immatriculation (l'ancienneté), en lien avec leur niveau d'émissions polluantes (norme Euro). La nomenclature proposée par le ministère établit quatre catégories de véhicules des plus polluants (catégorie 1) au moins émetteurs (catégorie 4). Sont concernés les deux, trois roues et quadricycles à moteurs, les voitures particulières, les utilitaires légers, les poids lourds et les bus. Le choix des groupes de véhicules interdits dans la ZAPA appartiendra à la collectivité.Une efficacité prouvée
Plus de 180 zones à bas niveaux d'émissions ont déjà été créées dans neuf pays européens, rappelle le ministère. Ces ZAPA auraient permis au bout de deux à quatre ans, une diminution des PM 10 de 19 % à Londres, 25 % à Berlin et 40 % à Stockholm. Une baisse de 15% des émissions d'oxyde d'azote a également été observée à Berlin.
Mais le CNA veut aller plus loin et propose une cinquième catégorie "pour distinguer les véhicules les plus propres'', c'est-à-dire ceux immatriculés depuis le 1er janvier 2011 respectant la norme d'émission Euro 5 (effective depuis octobre 2009) et équipés de filtres à particules. A l'inverse, les voitures et utilitaires légers ne respectant pas la norme Euro 2 fabriqués avant 1997 figureraient parmi les plus émetteurs (catégorie 1) et seraient concernés par l'interdiction de circulation. Idem pour les deux roues fabriqués avant 2004 et les poids lourds datant d'avant 2001 ne respectant pas Euro III.
Le Conseil national de l'air recommande également d'intégrer dans la nomenclature une distinction selon le type de motorisation des véhicules essence ou diesel. Sachant que ''les véhicules diesel émettent plus de particules que les véhicules essences dans un certain nombre de cas", a expliqué le député. Le CNA appelle aussi à prendre en compte les véhicules roulant au Gaz de Pétrole Liquéfié (GPL) et au Gaz Natural pour Véhicules (GNV) dans le classement mais aussi les émissions de CO2.
Des amendes et des dérogations
Des amendes pouvant aller de 68 euros pour les véhicules légers et utilitaires à 135 euros pour les poids lourds sont aussi proposées, en cas d'infraction à l'interdiction de circuler dans une ZAPA. Des dérogations nationales restent néanmoins prévues pour certains véhicules, comme ceux de secours (SAMU, SMUR, ambulances, pompiers…), des forces de l'ordre (police, gendarmerie, armées), ou des véhicules électriques.
Les recommandations du CNA doivent encore être validées par le gouvernement. Le dispositif national des ZAPA sera examiné par le Sénat ''en septembre puis en décembre'', a indiqué M. Saddier. L'arrêté définitif devrait quant à lui être publié par le ministère ''à l'automne''.
Une mesure du plan national ''Particules''
La France entend accélérer la mise en place de ces zones alors qu'elle est assignée depuis mai devant la Cour de justice de l'UE pour non-respect des normes européennes en matière de PM 10. La France risque une amende de 40 millions d'euros et des astreintes journalières pouvant aller ''de 300.000 à 700.000 euros'', a rappelé Jean-Louis San Marco, vice-président du CNA. ''Il y a une obligation de résultats compte tenu de l'injonction de l'UE''.
Le dispositif ZAPA est l'une des mesures du plan national ''Particules'' mis en place dans la loi Grenelle 2. Ce plan fixe à l'horizon 2015 un objectif de réduction de 30 % des particules fines de diamètre inférieur à 2,5 micromètres (PM 2,5) dans tous les secteurs d'activité en cause : transports, agriculture, industries, résidentiel-tertiaire. Les particules fines proviennent ''de 30% à 40% de la circulation automobile, une proportion similaire du chauffage au bois'', et les 20% restants de l'industrie ou de l'agriculture, a souligné M. Saddier. Parmi les mesures d'urgence lors des pics de pollution préconisées par le CNA dans le cadre du Plan figurent ''l'interdiction d'utiliser du chauffage au bois d'agrément'' (les cheminées) et le report des épandages agricoles. 33 plans de protection de l'atmosphère (PPA) sont également ''en cours de révision ou en création'' au niveau local.
Enfin, le CNA a souligné l'importance de l'élaboration locale de ces dispositifs. Alors que l'accueil de ces ZAPA a pour le moins été mitigé, il a également rappelé ''l'absolue nécessité de pédagogie'' vis-à-vis du grand public pour améliorer la qualité de l'air.