Alors que l'efficacité de ces zones protégées pour la conservation de la biodiversité corallienne fait l'objet de nombreuses études spécifiques au niveau local, l'Université d'Auckland en Nouvelle-Zélande, avec l'aide de plusieurs institutions internationales, s'est penchée sur la situation au niveau mondial. Elle a donc réalisé une étude dont les résultats ont été publiés dans le magazine Science afin de vérifier que les objectifs de conservation émis par les instances internationales qui exigent 20 à 30% des récifs mondiaux sous protection en 2012, soient bien respectés et justifiés.
Pour cela, des bases de données à grande échelle ont été constituées : répartition géographique et efficacité des AMP, étendue des récifs coralliens… Au total ce sont plus de 980 aires marines protégées qui ont ainsi été répertoriées, classifiées et étudiées. Au regard des premiers résultats, il apparaît que ces AMP couvrent 98.650 km2 de récifs coralliens soit 18,7% de la superficie totale des habitats récifaux.
Cette base de donnée prend également en compte divers types d'espaces protégés, selon les objectifs et les procédures de gestion qui leur sont associés. Ainsi, sur l'ensemble des récifs coralliens du monde soit environ 527.000 km2, 5,3 % sont situés dans des réserves marines où la pêche est autorisée, 12 % dans des réserves polyvalentes acceptant la pêche, les activités récréatives et la recherche, et 1,4 % seulement dans des réserves strictes où tout prélèvement est interdit.
Par ailleurs, en considérant le taux de braconnage comme un indicateur indirect de la gestion de ces aires marines, les chercheurs constatent que sur les 1,6 % des récifs coralliens dans le monde théoriquement protégés contre toutes activités illicites, moins de 0,1 % sont réellement exempts de toute exploitation.
L'étude révèle également que l'efficacité des mesures de gestion varie d'un pays à l'autre, mais elle est particulièrement faible pour des zones à forte diversité corallienne comme la région Indo-Pacifique ou les Caraïbes. En Australie, 69 % des récifs coralliens sont strictement préservés contre 7 % dans le Pacifique central et l'Océan Indien ouest et seulement 2 % dans l'Océan Indien central.
En étudiant plus précisément la taille des aires marines protégées, les chercheurs ont démontré leur inadéquation. Il est maintenant établi que la capacité des coraux à revenir à un état initial après une perturbation des récifs coralliens dépend de l'organisation de l'écosystème, par exemple la présence de poissons herbivores et de leurs prédateurs. La mise en réserve protège localement les organismes marins de la pression de pêche. Cependant, ces populations sont souvent caractérisées par des mouvements migratoires qui exposent juvéniles et adultes au risque de pêche hors des limites des réserves. Certains poissons ont parfois des territoires de plusieurs kilomètres carrés. Des réserves d'une superficie inférieure à 1 ou 2 km2 (soit 40% des AMP) ne peuvent donc prétendre exercer une protection suffisante pour plusieurs groupes fonctionnels clés. Ainsi les chercheurs préconisent une taille critique minimum de l'ordre de 10 km2.
Compte tenu de ces critères de taille et d'isolement des AMP ainsi que de la répartition des récifs coralliens dans le monde, la constitution d'un réseau d'aires marines protégées, qui comporterait des réserves de 10 km2 chacune, distante d'une quinzaine de kilomètres, impliquerait la création de plus de 2.500 nouvelles AMP. Ceci correspondrait à une protection plus optimale de 25.590 km2 de récifs, soit 5 % des récifs coralliens dans le monde, ce qui reste encore loin des objectifs énoncés en 2002 lors du sommet mondial sur le développement durable : 20 à 30 % des écosystèmes majeurs à protéger d'ici 2012.