Après la ratification du protocole de Kyoto* par la Russie le 18 novembre 2004 et la récente annonce de l'entrée en vigueur, le 16 février 2005, pour 129 États parties, du Protocole de Kyoto à la Convention devaient donner un nouvel élan aux discussions mais à peine les célébrations pour l'entrée en vigueur du protocole, les opposants à Kyoto ont tout fait pour freiner la suite du processus. En effet, le véritable enjeu de cette conférence n'était pas la mise en oeuvre du protocole mais l'orientation du sort du protocole après la première période d'engagement, entre 2008-2012. Les pays qui ont ratifié Kyoto ont fixé des cibles de réduction pour cette période uniquement alors que les pays en développement n'était soumis qu'a des obligations d'inventaires. Après 2012 rien n'est encore défini et les dissonances sont réapparues au grand jour et les clans se constituant pour les négociations pour ses futurs engagements.
Invoquant l'accélération de l'effet de serre, les Européens jugent aujourd'hui indispensable d'engager les Etats-Unis dans de nouvelles réductions de gaz à effet de serre pour la période post-2012. Ils souhaitent aussi obtenir des grands pays en développement un infléchissement de leurs émissions polluantes qui augmentent avec la croissance économique.
La conférence avait donc en fait pour objectif de ramener les Etats-Unis à la table des négociations climatiques. Les États-Unis ont clairement refusé toute possibilité de se joindre au protocole, même dans une version moins contraignante, surnommée Kyoto- Lite avancée par le premier ministre britannique, Tony Blair.
Tout porte à croire que les États-Unis de George W. Bush ne ratifieront jamais Kyoto, ce qui n'exclu pas forcément la limitation de leurs émissions de GES mais illustre leur volonté de faire cavalier seul sur l'effet de serre comme sur d'autres dossiers internationaux. Parmi les solutions envisagées, le système cap and trade fait de plus en plus d'adeptes – principe au coeur du protocole de Kyoto et du marché de carbone. Le dernier organisme à le suggérer est la Commission nationale sur la politique énergétique (NCEP), un groupe d'experts reconnus. Le système utilise les forces du marché et a déjà fait ses preuves dans le cadre de la réduction des émissions de sulfure, responsables des pluies acides. Selon le scénario de la NCEP, les États-Unis pourraient mettre en place ce système dès 2010, limitant la croissance des émissions de 0,5 à 1,5 % par an sur 10 ans.
Le premier Ministre britannique précise toutefois que la participation des Etats-Unis au Protocole de Kyoto est essentielle et leur absence nuit à la participation d'autres États. L'entente internationale serait en effet beaucoup plus crédible si le principal producteur mondial de GES y adhérait, sans quoi, il sera très difficile de convaincre la Chine, responsable de la moitié de la croissance des GES au cours des dernières années, d'accepter de limiter volontairement ses émissions.
La position des Américains semble en convaincre d'autres de tourner le dos à une nouvelle participation après 2012. L'Italie pourrait ainsi être de ceux-là brisant ainsi l'unité européenne sur le sujet.
Pour sauver les apparences, la présidence argentine de la conférence a proposé aux pays réunis de programmer des ''séminaires'' gouvernementaux où chacun expliquerait sa conception pour renforcer la lutte contre le réchauffement planétaire.
Alors que durant toute la conférence de Buenos Aires, les américains ont combattu férocement les ''séminaires'', y voyant l'ouverture indirecte de négociations. Finalement, le compromis conclu dans la nuit de vendredi à samedi après 24 heures de tractations a donné satisfaction aux deux parties. Il n'y aura finalement qu'une réunion informelle et non plusieurs comme le souhaitait par l'UE qui se rassure toutefois en prévoyant qu'un compte-rendu fournira d'utiles éclairages pour les négociations officielles de Kyoto.
Les échanges de vues ne devraient pas se limiter aux mesures de lutte déjà prises, comme l'ont défendu les Etats-Unis, mais aussi aborder les ''actions de réduction et d'adaptation'' au changement climatique ''à entreprendre''.
Mais c'est finalement l'Inde, avec l'appui du Brésil, qui ont failli faire échouer le compromis transatlantique et prolongé les travaux jusqu'à samedi matin en considérant que tout engagement de maîtrise de gaz à effet de serre serait une entrave à leur développement et en précisant que tout ''nouvel engagement'' climatique serait un sujet tabou au séminaire.
Par ailleurs, la conférence a été l'occasion de présenter de nombreux rapports. Un rapport du European Climate Forum, présenté à cette conférence, souligne les conséquences qu'un réchauffement du climat de 1,5 à 2 C** aurait sur les écosystèmes de plusieurs régions du monde. La sécurité alimentaire à cause d'une réduction significative des précipitations pourrait menacer sérieusement l'Asie. La Chine verrait la productivité de ses récoltes de riz amputée de 10 à 20 % et dans l'Arctique, des espèces animales seraient menacées de disparaître, comme les ours polaires, certaines espèces de phoques et plusieurs espèces d'oiseaux.
Les ouragans augmentent déjà en intensité et en fréquence dans les Caraïbes, observe le rapport conjoint du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et du secrétariat d'Etat mexicain pour l'Environnement (SEMARNAT).
En Argentine et au Brésil, des modifications dans les précipitations et une hausse du niveau des fleuves est observé. En Patagonie et dans les Andes, les glaciers diminuent.
Tout le monde semble donc s'accorder sur le fait qu'il faut faire quelque chose mais personne n'est d'accord sur les moyens pour y parvenir.
*Le protocole de Kyoto vise à réduire le réchauffement climatique en imposant aux pays industriels de réduire leurs émissions de certains gaz à effet de serre. Le respect des règles de ce protocole n'aurait cependant qu'un impact restreint : il prévoit seulement une diminution de 5,2% des gaz à effet de serre en moyenne d'ici 2012, d'où la nécessité de continuer les négociations pour aller plus loin. Ainsi, au titre du Protocole de Kyoto, les pays industrialisés auront à réduire leurs émissions combinées des six principaux gaz à effet de serre durant la période 2008-2012 en deçà des niveaux de 1990. L'Union européenne, par exemple, aura à baisser ses émissions combinées de 8% tandis que le Japon devrait réduire ses émissions de 6%. Aujourd''hui, seuls quatre pays industrialisés n'ont pas encore ratifié le Protocole de Kyoto : à savoir l'Australie, les États-Unis, le Liechtenstein et Monaco. L'Australie et les États-Unis ont indiqué qu'ils n'avaient pas l'intention de le faire; à eux deux, ils comptent pour plus d'un tiers des gaz à effet de serre du monde industrialisé.
**Selon le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les recherches scientifiques les plus à jour suggèrent que les émissions de gaz carbonique d'origine humaine ainsi que des autres gaz à effet de serre augmenteront les températures moyennes mondiales entre 1,4 et 5,8°C d'ici la fin du siècle.