« Les populations d'oiseaux et de poissons d'eau douce stagnent de manière inquiétante en France. » C'est avec ce constat que s'ouvre le nouveau rapport « Pour des rivières vivantes » (1) de la section française du Fonds mondial pour la nature (WWF), publié le 22 mai 2024, à l'occasion de la Journée mondiale de la biodiversité. Cet état des lieux de la vie sauvage dans les eaux douces françaises intègre le nouvel indice rivières vivantes (IRV), qui agrège des données sur diverses espèces d'oiseaux et de poissons. L'IRV est en diminution de 0,4 % depuis une vingtaine d'années. En d'autres termes : depuis 2001, le nombre d'individus des populations (2) de poissons et d'oiseaux observés en rivières a diminué en moyenne de 0,4 %.
Une baisse qui peut paraître anecdotique, en première lecture, mais qui est à mettre en perspective avec les investissements massifs – près de 500 milliards d'euros – déployés depuis vingt ans pour assurer la préservation des rivières. En outre, selon les agences de l'eau, plus de la moitié (56,9 %) des eaux françaises ne sont pas en bon état écologique. La France est donc bien loin de l'objectif fixé par la directive-cadre sur l'eau : atteindre un bon état écologique pour 100 % de ses eaux à l'horizon 2027, alors qu'il s'agit déjà de la seconde dérogation par rapport à l'ambition initiale fixée à 2015.
Une moyenne qui cache de grands écarts
56,9 %
des eaux françaises ne sont pas en bon état écologique, selon les agences de l'eau.
« L'eau des villes va mieux, l'eau des champs va moins bien, pour le dire comme ça », résume Yann Laurans, directeur des programmes du WWF France. La progression des populations d'espèces invasives se trouve aussi noyée dans la masse de données, alors que les populations de grèbes huppés et de truites des rivières, deux espèces mises en avant dans le rapport car considérées comme « emblématiques », ont diminué respectivement de 91 % et 43 % en vingt ans.
Un appel à l'action
Le rapport se veut aussi comme un signal d'alarme envers les pouvoirs publics, et n'est pas avare de recommandations à leur égard. En particulier, le WWF exhorte le gouvernement français à réaffirmer et mettre en œuvre l'engagement de protection et de restauration des écosystèmes d'eau douce pris à l'occasion des Assises de l'eau en 2018 : préserver 25 000 km de cours d'eau et leur continuité à l'horizon 2030. « Soit 4 % des cours d'eau français, clarifie le directeur des programmes de l'association. Il ne s'est pas rien passé [depuis 2018], mais c'est trop lent, et souvent entravé par des actions des lobbies. On vide l'océan à la petite cuillère. » L'ONG demande aussi une réévaluation de la fiscalité de l'eau pour appliquer le principe de pollueur-payeur face aux impacts des pollutions agricoles sur la ressource, et inciter à réorienter les pratiques agricoles vers l'agroécologie.
Enfin, le rapport appelle également les particuliers à se mobiliser pour la préservation des rivières. « Plus qu'un simple décor bucolique », ces écosystèmes remplissent des fonctions hydrauliques (régulation des crues, autoépuration, remplissage des nappes phréatiques) et écologiques essentielles.