Entre 59 et 189 milliards d'euros. Tel est le coût de la pollution atmosphérique et des émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par les principaux sites industriels européens en 2012, selon un rapport publié le 25 novembre par l'Agence européenne à l'environnement (AEE). Se basant sur les méthodes d'évaluation socioéconomique des projets, l'AEE a pris en compte le coût des décès prématurés, d'hospitalisation, des pertes de journées de travail, des problèmes sanitaires, des dommages causés aux bâtiments et des pertes de rendements agricoles. Le document (1) , intitulé "les coûts de la pollution de l'air liée aux installations industrielles", note une tendance à l'amélioration, même si des marges de progrès existent encore.
Les polluants pris en compte sont les principaux polluants atmosphériques (particules, oxydes d'azote, ammoniac, composés organiques volatils et dioxyde de soufre), les métaux lourds (plomb, cadmium, arsenic, chrome, mercure et nickel) et certains composés organiques (benzène, dioxines, hydrocarbures aromatiques polycycliques). A cela s'ajoutent les émissions de CO2 "qui représentent la majorité des dommages évalués".
Le secteur énergétique domine
Annuellement, le coût de la pollution atmosphérique et des émissions de GES est équivalent au PIB de la Finlande ou à la moitié de celui de la Pologne. Cependant, les chiffres de l'AEE montrent que sur la période étudiée, le coût des dommages a régulièrement baissé, passant d'une fourchette de 79 à 251 milliards en 2008 à une fourchette de 59 à 189 milliards en 2012. L'AEE estime que "cela pourrait être dû à l'impact de la législation, l'amélioration de l'efficacité des industries et la récession économique en Europe qui a limité le taux d'utilisation des capacités industrielles depuis 2008". Sur les cinq années étudiées, l'évaluation globale des dommages atteint entre 329 et 1.053 milliards d'euros.
S'agissant des secteurs industriels, l'énergie domine très largement le classement avec des coûts évalués entre 205,5 et 476,7 milliards d'euros sur la période. Suivent les processus de fabrication (de 82,5 à 190,6 milliards) et les unités de combustion des industries manufacturières (de 26,5 à 67,8 milliards). La place tenue par le secteur énergétique n'est pas surprenante, car "26 centrales électriques figurent parmi les 30 sites industriels causant les dommages les plus élevés". Ces sites sont "principalement alimentés au charbon et au lignite et se situent principalement en Allemagne et en Europe de l'Est", constate le rapport.
Globalement, les coûts des dommages causés par les sites industriels français sont évalués entre 26,4 et 63,3 milliards d'euros sur la période étudiée. L'Allemagne (avec des coûts allant de 56,7 à 124,6 milliards d'euros), la Pologne (de 43,4 à 105 milliards) et le Royaume-Uni (de 39,9 à 93,4 milliards) devancent la France. Ce n'est pas une réelle surprise puisque 8 des 30 sites les plus polluants sont allemands, six sont polonais et trois sont anglais.
Une marge de progrès
L'AEE classe aussi les sites européens (2) selon le coût des dommages associés à leurs émissions polluantes. On y apprend que la centrale au lignite de Maritsa Itzok 2 en Bulgarie est le site le plus polluant à l'échelle de l'Union européenne. Entre 2008 et 2012, il aurait causé des dommages sanitaires et environnementaux évalués entre 7,6 et 22,4 milliards d'euros.
S'agissant de la France, le trio de tête est constitué des sites d'ArcelorMittal-Dunkerque à Grande Synthe (Nord), avec des dommages évalués entre 1,2 et 2,5 milliards d'euros sur 5 ans, la centrale thermique EDF de Blenod située à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), avec des coûts estimés entre 1 et 2,7 milliards, et le site d'ArcelorMittal à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), avec une évaluation allant de 1 à 2,4 milliards.
Par ailleurs, des écarts très importants apparaissent entre les sites. Ainsi, 147 sites représentent 50% des émissions de l'ensemble des 14.325 sites étudiés par l'AEE. De même, 4% des sites représentent les trois quarts des émissions. Mais, si les grosses installations sont les plus polluantes, le rapport alerte néanmoins à plusieurs reprises sur le fait que "dans certains cas, les plus grandes installations peuvent être plus efficaces que les petites".
Enfin, le rapport note qu'il existe un potentiel immédiat de réduction du coût des dommages de 11,1 à 32,7 milliards d'euros par an si les 1.500 plus importantes unités de combustion appliquaient les meilleures techniques disponibles afin de respecter les valeurs limites pour les oxydes d'azotes et le dioxyde de soufre de la directive émissions industrielles.