Après l'entreprise familiale Pierre Robert le 6 septembre, c'est au tour du groupe ISB de se voir condamné pénalement pour mise sur le marché illégale de bois importé depuis l'État du Parà au Brésil. Le tribunal correctionnel de Rennes a condamné, ce lundi 11 septembre, le « leader français des produits et solutions bois » à 100 000 euros d'amende et à la publication du jugement dans le journal Ouest France et sur le site de l'association professionnelle Le Commerce du bois (LCB). Le groupe a également été condamné à réparer le préjudice moral subi par Greenpeace France, à hauteur de 10 000 euros, et par France Nature Environnement (FNE) et Canopée, à hauteur de 5 000 euros chacune.
Cette condamnation fait suite à une plainte déposée par Greenpeace France en novembre 2019 après des investigations menées par son homologue brésilienne, par l'Institut brésilien de l'environnement (Ibama), et par l'université de Sao Paulo. Ces derniers avaient constaté des falsifications dans les documents officiels des concessions forestières, falsifications qui permettent ensuite de blanchir du bois illégal, explique l'association. La négligence du groupe a ensuite été confirmée par les enquêteurs de la police judiciaire de Rennes et par l'Office français de la biodiversité (OFB) au cours de leur enquête préliminaire. La société avait en effet évalué comme « négligeable » le risque d'importer du bois illégal de cette zone et n'avait donc pas procéder aux vérifications qu'impose le règlement sur le bois de l'Union européenne (RBUE) au titre de son devoir de diligence raisonnée.
« Contrôles incohérents et complaisants »
« Le tribunal correctionnel ne s'est pas laissé duper par les certifications (FSC), audits privés (FCBA, Le Commerce du bois) et autres expertises (Wala) brandis par ISB France et a fait application de la loi pénale », se félicitent les trois associations dans un communiqué commun. Pas plus, ajoutent-elles, que par les contrôles des services de l'État et par l'avis du ministère de l'Agriculture « incohérents et complaisants qui concluent à la conformité de l'entreprise à la réglementation ». Si le tribunal reconnaît la responsabilité pénale de cette société, qui affiche 289 millions d'euros de chiffre d'affaires, il a toutefois prononcé une peine en deçà des réquisitions.
Dans un communiqué, le groupe ISB dit prendre acte du jugement, mais « réaffirme avec force ne pas avoir commis de violation de la loi ». Il annonce faire appel « immédiatement » de cette décision. Une réaction identique à celles des Établissements Robert condamnés une semaine plus tôt.
« Cette condamnation (…) n'est que la partie émergée de l'iceberg, estime de son côté Laura Monnier, responsable juridique chez Greenpeace France, compte tenu du peu de crédit accordé à la réglementation européenne par la société ISB France qui importe pourtant plus de 450 000 m3 de bois, principalement de Russie et de Chine. » Dans sa défense, l'avocat de la société avait d'ailleurs déploré que des poursuites puissent avoir lieu à partir d'un lot représentant une si faible quantité de bois (83 m3) importé du Brésil.
Pour les associations, il s'agit d'adresser un avertissement aux opérateurs de produits à risque de déforestation. « Dans ces deux affaires sur le bois illégal, les juridictions ont été témoins de la "déconnexion" des importateurs avec les risques environnementaux de leurs propres produits », pointent-elles. Avec l'entrée en vigueur du règlement européen sur la déforestation importée, l'avertissement vaut aussi pour les importateurs des six autres catégories de produits désormais visés : bovins, cacao, café, palmiers à huile, caoutchouc et soja.