Les députés ont adopté le 17 janvier en nouvelle lecture la proposition de loi remaniée du député socialiste François Brottes "visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre". Ce texte avait rencontré de nombreux obstacles en première lecture au Parlement pour aboutir à un rejet par le Sénat le 31 octobre dernier, puis à l'échec le 19 décembre de la commission mixte paritaire chargée de trouver un compromis.
"Première étape vers la transition énergétique"
Le Front de Gauche, qui avait voté contre le texte en première lecture, a choisi cette fois-ci de s'abstenir. Il faut dire que des réunions de concertation avec le ministère de l'Ecologie ont été organisées afin de travailler sur la nouvelle version et que le Conseil d'Etat a été consulté entre-temps.
L'objectif principal du texte est de faire payer un bonus/malus sur la facture d'énergie pour favoriser la sobriété énergétique. Il étend aussi les tarifs sociaux de l'énergie à 4 millions de foyers et applique à tous la trêve hivernale. Il comporte également des dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.
"Ce texte est une première étape vers la transition énergétique, la deuxième, la plus importante, étant le résultat de la conférence énergétique", indique François Brottes. L'enjeu ? "Consommer moins et mieux, polluer moins, importer moins", précise le président de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée.
Dispositif effectif en 2016
Quelles sont les modifications apportées par rapport à la version antérieure ? En ce qui concerne le risque d'effet pervers du malus pour les personnes vivant dans des passoirs thermiques, deux réponses leur ont été apportées, explique la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho : d'une part, "un dispositif permettra, par arrêté, d'éviter tout effet pervers pour les personnes bénéficiaires des tarifs sociaux" et, d'autre part, "le report de la date d'entrée en vigueur du texte (…) permettra d'attendre que le plan de rénovation thermique ait trouvé sa pleine efficacité".
Le dispositif devrait en effet n'être effectif qu'en 2016. "En 2013, après la promulgation de la loi, les textes réglementaires seront pris. En 2014, les données de chaque ménage seront collectées : l'adresse, pour le climat, le mode de chauffage, le nombre d'unités de consommation par logement, et les statistiques de consommation", détaille François Brottes. L'année 2015, quant à elle, sera consacrée à l'information des citoyens. Il s'agira d'une année blanche, pendant laquelle "le malus ne sera pas facturé, mais où nos concitoyens apprendront à utiliser le dispositif", explique le député.
Les énergies soumises au bonus-malus sont l'électricité, le gaz naturel et la chaleur en réseau. La collecte des données nécessaires à l'instauration de la tarification progressive sera confiée à un organisme habilité et non plus à l'administration fiscale.
Les résidences secondaires seront concernées mais avec un volume de base fixé à la moitié de la consommation annuelle d'une personne seule et seront seulement assujetties au malus. "Ce choix découle directement de l'avis du Conseil d'État, qui a estimé que l'attribution d'un bonus pour les résidences secondaires amènerait certains ménages disposant de plusieurs résidences à ne pas payer de malus", poursuit la ministre.
"75% des ménages seront bénéficiaires"
"Le bonus-malus sera calculé par rapport à la consommation des 25% de Français les plus sobres", indique Delphine Batho. "Pour les consommations supérieures au volume de base, un premier niveau de malus, dit « pédagogique », s'appliquera, mais son surcoût sera modéré. Le second niveau de malus, dit renforcé, s'appliquera aux consommations réellement excessives, c'est-à-dire trois fois supérieures au volume de base, afin d'inciter à leur réduction", ajoute la ministre.
Au final, "la progressivité du bonus-malus connaîtra un étalement plus important puisque 75% des ménages seront bénéficiaires du dispositif, tandis que les 25% restants seront ceux dont la consommation est un peu extravagante", estime François Brottes.
"Donner une valeur au « négawatt » est essentiel si l'on veut redonner de la rationalité à l'économie. Aller vers une tarification progressive qui protège les précaires énergétiques, d'un côté, et qui incite à faire des économies d'énergie, de l'autre, c'est élaborer un outil essentiel à la transition énergétique", s'est félicité Denis Baupin pour le groupe écologiste, qui a soutenu le texte. Mais ce dernier aurait souhaité aller plus loin en s'attaquant à la part fixe de la facture. "Aujourd'hui, ce sont les petits consommateurs qui payent pour les gros", dénonce le député écologiste.
"Le dispositif du bonus-malus permettra surtout un repérage exhaustif des consommations anormales tout en donnant les moyens au nouveau service public de la performance énergétique, instauré par ce texte, de garantir un accompagnement personnalisé à tous ceux qui seraient dans l'excès afin que l'origine de cet excès soit diagnostiquée et corrigée à moindre frais", analyse le député socialiste Yves Blein.
"Occasion manquée"
Mais si l'opposition a reconnu des améliorations dans la nouvelle version, elle ne désarme pas pour autant. Ainsi, Denis Fasquelle, pour le groupe UMP a notamment dénoncé, comme l'avait fait les communistes en première lecture, un texte qui remet en cause "cet acquis extrêmement précieux de la péréquation tarifaire, la possibilité pour les Français d'avoir accès au gaz et l'électricité au même prix sur l'ensemble du territoire national".
De son côté, Bertrand Pancher pour l'UDI parle d'"occasion manquée". Le groupe ne se dit pas opposé au principe du bonus-malus mais il considère le dispositif retenu comme "socialement injuste et écologiquement inefficace", d'une part parce qu'il va créer "une rupture d'égalité entre usagers du service public de l'énergie" et, d'autre part, parce qu'il va "déresponsabilis[er] les usagers concernés par le tarif social".
La proposition de loi est maintenant entre les mains du Sénat. La chambre haute lui réservera-t-elle un accueil plus favorable que celui reçu par la version précédente ?