"Nous avons placé cet hiver sous le signe d'une forte vigilance", annonce d'emblée François Brottes, président de RTE, à l'occasion de la présentation, ce mardi 8 novembre, de l'analyse prévisionnelle (1) annuelle de l'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver. Si l'hiver est "normal", il ne devrait pas y avoir de problème pour assurer l'approvisionnement électrique français. En revanche, si une vague de froid devait sévir et si la disponibilité du parc nucléaire français devait encore se dégrader, la situation serait plus délicate. Toutefois, la France ne serait confrontée à des difficultés que sur certaines périodes, insistent les responsables de RTE. Ce serait le cas pour le pic de consommation de 18h-20h, et tout particulièrement pour les "quelques minutes ou quelques dizaines de minutes" du pic de consommation de 19h, lors des jours les plus froids, explique Jean-Paul Roubin, directeur de l'exploitation de RTE. Cette année, le gestionnaire du réseau de transport a insisté sur les moyens qu'il compte mettre en œuvre pour éviter une telle situation.
5% de scénarios à "marge nulle"
La question d'un possible black out est minutieusement étudiée par RTE. "Tout est prêt pour que nous ne soyons pas confrontés à ce type de problème", assure François Brottes. RTE a réalisé 2.000 scénarios combinant les hypothèses de température et d'approvisionnement du réseau. Seuls 5% de ceux-ci présentent un risque de "marge nulle", explique Clotilde Levilain, directrice générale adjointe de RTE. L'entreprise reste prudente sur les situations susceptibles d'entrainer une vaste coupure de courant. Concrètement, il n'y a pas de difficulté insurmontable à affronter une baisse de 5°C sous la normale saisonnière. Cette situation, qui peut arriver une fois par décennie, entrainerait un pic à 97 MW. Les marges de manœuvre pourraient devenir nulles si les températures chutaient de 6 à 10°C sous les normales saisonnière, comme en février 2012. Cet aléa climatique se présente tous les 20 ans, selon Météo France. Mais là encore, les hypothèses de production, d'importation et d'efficacité des gestes d'économie d'électricité rendent délicates les prévisions plus précises.
Des mesures graduées
De quels moyens disposent RTE pour équilibrer l'offre et la demande en situation de grand froid ? Tout d'abord, compte tenu de la disponibilité du parc des pays voisins, le gestionnaire de réseau mise sur l'importation de 7.000 à 9.000 MW. Pour les périodes les plus tendues (mi-décembre, début janvier et de fin janvier à début février) RTE peut actionner des leviers exceptionnels dès que les températures descendent de 3°C sous la normale. Ces solutions seraient activées "de façon graduée", insiste Jean-Paul Roubin.
RTE s'appuiera d'abord sur l'interruptibilité : 21 sites industriels français ont répondu à un appel d'offres et se sont engagés à couper leur consommation électrique en cinq secondes en cas de besoin. En contrepartie, ils bénéficient d'avantages tarifaires le reste de l'année. La consommation française pourrait ainsi être écrêtée de 1.500 MW quasi instantanément.
RTE ferait ensuite appel aux gestes citoyens. L'entreprise va lancer le 5 décembre un nouveau dispositif d'alerte. Il sera disponible via l'application (2) éCO2mix et fera la promotion de gestes simples d'économie d'énergie (3) . RTE n'indique pas dans quelle mesure cela réduira la demande. "Nous y croyons", se contente d'indiquer Clotilde Levilain, rappelant que le dispositif Ecowatt déployé en Bretagne et Provence-Alpes-Côte d'Azur permet une baisse de 1% de la consommation de ces régions. A l'échelle de la France, la demande pourrait être réduite de plusieurs milliers de MW.
Troisième mesure envisagée : réduire la tension électrique de 5%. Cela permettrait de baisser la demande de 4.000 MW supplémentaires. L'efficacité des équipements serait légèrement moindre, mais l'ensemble du réseau resterait alimenté.
Enfin, si malgré ces trois mesures, un "déséquilibre extrême" était constaté, RTE demanderait aux gestionnaires de réseau de distribution de réaliser des "délestages programmés, momentanés et tournants". Ces coupures localisées dureraient deux heures au plus et seraient échelonnées. L'entreprise n'indique pas qui serait concerné, mais explique que les clients prioritaires, tels que les hôpitaux ou les sites Seveso, ne seraient pas impactés. Il s'agit là d'une solution de "dernier recours", insiste Jean-Paul Roubin.