Quels sont les facteurs physiques propices au développement des cyanobactéries retrouvées sous forme de biofilms dans les rivières ou les grands fleuves ? Si les réponses sont cruciales pour les territoires confrontés à la présence de ces bactéries dites benthiques, pour l'instant, les données manquent pour mieux les gérer. Certaines de ces cyanobactéries produisent pourtant des toxines à l'origine d'intoxications responsables chez l'homme de fièvre, de nausées et de vomissements, mais également d'irritations oculaires, d'éruptions cutanées, de douleurs musculaires ou encore d'atteintes hépatiques et rénales.
« Avec le réchauffement climatique et la réduction des débits, la présence des cyanobactéries va être de plus en plus fréquente et importante », a souligné Gaela Le Béchec, chargée de projet qualité, quantité au SR3A, le syndicat de la rivière d'Ain aval et ses affluents, à l'occasion d'un atelier de la Zone atelier du bassin du Rhône (1) (Zabr) consacré à ce sujet, lundi 18 mars. Pour tenter d'obtenir des réponses, le syndicat a soutenu financièrement une thèse portant sur les risques liés aux cyanobactéries dans l'Ain aux cotés de la fondation Pierre-Vérots, de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse et de l'école universitaire de recherche (EUR) H2O'Lyon.
Des mortalités canines constatés en France
« Cela fait quelques années que nous observons des développements d'algues vertes, mais aussi de cyanobactéries qui nous posent problèmes, explique Gaela Le Béchec. Nous avons également eu notamment, en 2017, une mortalité de chiens venus boire à la rivière. » Les toxines produites par certaines cyanobactéries sont en effet relâchées lorsque ces cellules meurent ; avec la dilution, les concentrations dans l'eau s'avèrent alors faibles. En revanche, les mammifères en s'abreuvant peuvent ingérer du biofilm et s'intoxiquer de façon aigüe. Pour mémoire, concernant les baigneurs, dans les zones surveillées, le gestionnaire de la baignade doit réaliser un suivi pour les sites identifiés comme à risque de développement de cyanobactéries.
Les conditions de développement des cyanobactéries
La thèse (2) s'est intéressée, tout d'abord, aux conditions de développement et à la production de toxines, et plus particulièrement d'anatoxine (parmi les plus impliquées dans les cas d'intoxications des chiens). Premier constat : les quatre genres de cyanobactéries (3) recherchés dans l'Ain ne semblent pas réellement limités dans leur développement par les contraintes hydrauliques ou même les concentrations en nutriments. « Les lâchers d'eau d'environ 100 m3/sec sont insuffisants pour gêner les cyanobactéries ; elles sont encore capables de se maintenir, car il y a beaucoup de microhabitats potentiels derrière les cailloux, a précisé Joël Robin, enseignant chercheur à l'Isara qui a contribué à superviser la thèse. Nous supposons qu'il faudrait aller au-delà, mais quid également de l'échouage des biofilms sur les bancs de galets. »
En revanche, les températures sembleraient les favoriser. « Dans certaines situations, à des profondeurs intermédiaires, les algues vertes dominent par rapport aux cyanobactéries », a noté également Joël Robin.Deux types de cyanobactéries
Deux grandes catégories de cyanobactéries ont été identifiées : les planctoniques qui s'installent dans les eaux stagnantes eutrophisées. Celles-ci se maintiennent en suspension dans la colonne d'eau. À l'inverse, les cyanobactéries benthiques se développent dans des eaux courantes peu profondes (rivières et certains grands fleuves).
Concernant la production de toxines, elle ne semble pas rattachée à un moment du cycle de développement des cyanobactéries ou avoir un lien avec le volume de ces dernières. En revanche, la vitesse du courant et la profondeur la limiteraient. Pour le scientifique, un plan de surveillance doit être mis en œuvre en s'appuyant sur une détection visuelle. Comme la production de toxine est indépendante du volume des cyanobactéries, des dosages d'anatoxine sont indispensables. Un suivi du débit semble également intéressant. « L'Agence nationale de sécurité sanitaire a développé un protocole de surveillance, rappelle Joël Robin. Mais pour les baignades non surveillées, il faut identifier le gestionnaire. »