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Politiques environnementales : une évaluation brouillonne de la part de l'État, selon la Cour des comptes

La loi Climat et résilience prévoyait une évaluation des mesures par la Cour des comptes un an après son entrée en vigueur. L'exercice met en lumière un manque criant de méthode en la matière de la part de l'État.

Gouvernance  |    |  N. Gorbatko
Politiques environnementales : une évaluation brouillonne de la part de l'État, selon la Cour des comptes

Afin de pouvoir analyser correctement les politiques publiques mais aussi d'informer et de mobiliser les citoyens, premiers acteurs de la transformation, la loi Climat et résilience de 2021 confie à la Cour des comptes le soin d'évaluer chaque année la mise en œuvre des mesures de transition prévues par le texte, avec l'appui du Haut Conseil pour le climat (HCC). Cette demande répond à l'engagement du Gouvernement, pris en mai 2019, lors du premier Conseil de défense écologique, d'examiner les grandes lois d'orientation sous l'angle de leurs impacts sur les gaz à effet de serre (GES), un an après leur entrée en vigueur.

La juridiction financière s'est donc mise au travail à partir du mois de février 2023, mais sans le HCC, occupé à d'autres chantiers et confronté à ce moment-là à une insuffisance de ressources pour mener à bien de nouvelles missions. Publiée vendredi 15 mars 2024, son étude insiste sur l'importance d'un tel exercice : « Tous les acteurs rencontrés (…) ont souligné le besoin de pilotage et d'évaluation de la transition climatique et environnementale et la nécessité de développer un cadre et des instruments adaptés, particulièrement à l'heure où se déploie une ambition de planification écologique », notent les rapporteurs.

“ Il est indispensable de disposer de supports d'évaluation bien adaptés à chacune des grandes phases de la vie d'une mesure ” Cour des comptes
Mais elle révèle également les failles des pouvoirs publics en termes de méthode. Le suivi du lancement des mesures contenues dans la loi ne pose pas réellement de problème, puisqu'il est déjà assuré par le Parlement, le Commissariat général au développement durable et le HCC. Mais il n'en va pas de même pour la mesure de l'impact de ces politiques publiques déjà engagées, en aval de leur mise en œuvre. Sur ce plan, la mission s'avère aujourd'hui impossible, estime la Cour des comptes.

Une inflation de mesures

Forte de plus de 300 articles, plus ou moins structurants, la loi Climat et résilience nécessite en effet la publication de plus d'une centaine de textes d'application, sans compter les dispositifs d'application directe. Mais deux ans après son adoption, tous les textes d'application et rapports requis ne sont toujours pas publiés ou réalisés. L'été dernier, il en manquait encore une cinquantaine jugés obsolètes, inutiles ou nécessitant une concertation, des consultations ou encore des analyses complémentaires, note la Cour des comptes. La mise en place de certains d'entre eux était en outre prévue plus tard et leurs effets pourraient être décalés jusqu'en 2050.

Une évaluation à l'échelle annuelle en regard des objectifs climatiques semble donc peu adaptée, estiment les rapporteurs. Mais surtout, les indicateurs figurant dans l'étude d'impact de la loi sont jugés par le HCC insuffisants et suivis « de manière dispersée ». Les données recueillies sont mal gérées, voire inexistantes dans le cadre des dispositifs territoriaux, et difficilement exploitables.

À la demande de l'État, le HCC avait pourtant produit en 2019 un cadrage de la marche à suivre pour garantir la qualité des méthodes d'évaluation mises en œuvre. Le Haut Conseil avait notamment placé la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) au cœur du référentiel d'actions du pays pour atteindre ses engagements internationaux découlant de l'Accord de Paris. L'évaluation d'un texte ou d'une action en regard des objectifs climatiques devait ainsi permettre de déterminer sa contribution positive ou négative et de suivre ces trajectoires. 

Loi Climat et résilience : qui examine quoi ?

La Cour des comptes recense plusieurs rapports de contrôle de la loi Climat et résilience établis par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Certains permettent de relever une opposition entre les textes réglementaires et la volonté du législateur – en matière de lutte contre l'artificialisation des sols par exemple – ou des insuffisances : dans l'accès au prêt à taux zéro des habitants des ZFE pour l'achat d'un véhicule propre notamment. Mais ces informations très riches restent difficiles d'accès du fait de leur dispersion. Elles peuvent être complétées par les rapports annuels du Haut Conseil pour le climat qui mettent en lien les dispositions de la loi avec la stratégie climatique du pays et qui offrent une analyse détaillée de leurs avancées ou leurs carences, mais sans vision d'ensemble. Le Gouvernement s'est engagé à publier semestriellement un tableau complet de suivi de l'application du texte.

Hiérarchiser les évaluations

Le HCC recommandait aussi de sélectionner l'évaluation des mesures en fonction de l'importance des enjeux, quitte à ne retenir que des mesures phares. « Une loi ne constitue pas nécessairement le meilleur objet d'évaluation », remarque d'ailleurs la Cour des comptes. Pour celle-ci, il apparait par exemple plus intéressant de suivre les effets produits par les mesures relatives à la rénovation du parc résidentiel dans le cadre des lignes directrices de la SNBC grâce à divers indicateurs : liés à l'isolation résidentielle par exemple ou à l'investissement en faveur du climat consacré à la rénovation énergétique de l'ensemble du parc résidentiel.

Le HCC préconisait en outre de s'assurer de l'indépendance de l'évaluateur et de diffuser les résultats aux parties prenantes, d'insérer une méthodologie spécifique pour l'évaluation des lois dans le guide logistique utilisé pour la préparation des textes normatifs et de prévoir, dans les textes, le dispositif d'évaluation envisagé, en vérifiant la disponibilité des données nécessaires. Ces conseils n'ont pas été suivis, ni au moment de la rédaction du texte et de ses amendements ni après.

La Cour des comptes propose donc de revoir la démarche, en s'appuyant désormais sur ces conseils, sur les cadres stables de la SNBC et de la planification écologique, avec l'appui d'une gouvernance pérenne associant l'ensemble des acteurs. Le Gouvernement assure qu'un travail est en cours pour élaborer ce nouveau cadre d'évaluation. L'objectif est de le rendre opérationnel courant 2024. Pour les rapporteurs, un tel travail, compatible si possible avec les standards internationaux, pourrait notamment reposer sur deux types d'outils : un tableau synthétique annuel composé d'indicateurs de moyens et de résultats bien choisis permettant de faire le pont entre les mesures mises en œuvre et leurs effets au regard des bénéfices escomptés, d'une part, sur des travaux d'évaluation plus complets et plus ciblés réalisés selon une fréquence pluriannuelle, d'autre part.

Les territoires mal pris en compte

Dans le cadre du déploiement de la planification écologique, l'exercice d'évaluation devrait aussi s'effectuer par référence à chacun des 22 chantiers ou aux 52 vecteurs définis. « Au vu des manques identifiés dans le système d'évaluation de la loi Climat et résilience, il est indispensable de disposer de supports d'évaluation bien adaptés à chacune des grandes phases de la vie d'une mesure : lors de son élaboration, lors de sa mise en œuvre et a posteriori lorsqu'elle aura produit ses effets », insiste la Cour. L'engagement pluriannuel de l'État en faveur de la transition écologique reste par ailleurs à étayer, via une loi de programmation pluriannuelle sur la transition écologique notamment.

Enfin, la déclinaison territoriale de l'évaluation est encore à concevoir. La moitié des articles de la loi Climat et résilience touchent directement aux compétences des collectivités locales et les Régions ont une compétence sur des secteurs clés, notamment sur les trois plus émetteurs de gaz à effet de serre. Mais « à ce jour, l'État n'est pas en capacité de mesurer l'impact en CO2 et le coût des mesures mises en œuvre à l'échelon territorial, rappelle la Cour des comptes. Et aucun indicateur et/ou outil de suivi n'est partagé entre les administrations centrales et les collectivités territoriales ».

Un rapport triennal d'évaluation de l'action des collectivités territoriales en matière de réduction des gaz à effet de serre était attendu du HCC, ainsi qu'un observatoire des actions mises en œuvre par les collectivités. Ces deux dispositions apparaissent remises en cause par les nouvelles modalités de déclinaison territoriale de la planification écologique.

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