L'idée de faire frire des boues d'épuration dans des huiles ou déchets graisseux, pour produire des pellets combustibles à très haut pouvoir calorifique (PCI) est une voie de valorisation imaginée depuis début 2010. Mais il aura fallu quelques années de R&D pour faire sauter les verrous techniques et économiques permettant de mettre en œuvre industriellement cette idée qui permet de co-valoriser deux déchets en produisant un biocombustible au bilan carbone favorable, du fait de l'origine organique des deux flux.
C'est désormais chose faite avec le démonstrateur développé par Cleef System. Celui-ci tourne depuis plusieurs mois sur le site industriel de Roussillon en Isère à l'échelle significative de 200 kg/h (soit 1.000 t/an de boues ou une station de 15.000 EH). "Nous venons notamment de finir avec succès une campagne de tests en continu où l'installation tourne jour et nuit sur cinq jours", explique Nicolas Secondi, ingénieur développement et associé de l'entreprise. Une étape essentielle qui permet de cibler maintenant un déploiement commercial à une échelle supérieure. "Nous visons pour être économiquement pertinent des unités capables de traiter 1t/h de boues sur ce rythme continu hebdomadaire", précise-t-on chez Cleef System. Soit un marché cible de stations d'épuration (urbaines ou industrielles) de 70.000 à 100.000 EH, même si ce dimensionnement pourra être revu à la baisse sur certaines niches de boues.
Ces mois d'avancée industrielle ont aussi permis de valider en parallèle quelques autres points, en particulier la possibilité d'utiliser des huiles minérales pour réaliser la "friture" et le développement d'un système simple de purification des graisses pour les mettre en œuvre dans le procédé.
Une nouvelle voie pour la valorisation des boues
La fiabilité industrielle du procédé Cleef System est en tous cas démontrée. Le fort PCI du "pellet" obtenu (entre 6,5 et 7,5 kWh/kg), mais surtout sa stabilité (non explosif, sans odeur, hygiénisé...) en font un combustible alternatif bas-carbone de choix pour des chaudières industrielles. Notons cependant que les chaudières devront être autorisées à brûler du déchet, associé à un traitement des fumées adapté, car le produit final garde pour l'instant son statut de déchet.
Les éléments de l'équilibre économique sont aussi bien cernés car l'idée est à la fois de valoriser prioritairement des déchets huileux ou graisseux de faible valeur marchande (qui n'ont pas ou prou de voies de valorisation) et de lever une contrainte grandissante sur le devenir des boues (moins d'épandage possible, logistique coûteuse et polluante du transport des boues à fort taux d'eau…), et tout ça dans un procédé au bilan énergétique le plus optimisé possible. Ce nouveau biocombustible a ainsi une valeur énergétique huit fois supérieure à l'énergie nécessaire à sa production, et des pistes d'amélioration sont à l'étude autour de la valorisation de la chaleur fatale des vapeurs émises à la friture. Ce qui devrait rendre cette nouvelle filière d'écologie industrielle et circulaire encore plus attractive au plan économique.