Quels impacts les centrales nucléaires, les lignes de transport d'électricité ou encore le trafic routier ont sur la santé ? Dans le cadre du programme national de recherche en environnement santé travail (PNR-EST), le projet Geocap s'est intéressé à cette question.
Matières pour la constitution des plans nationaux santé environnement, les résultats de ces programmes, initiés biannuellement, sont présentés deux fois par an, à l'occasion des Rencontres scientifiques de l'Anses.
La dernière édition, le 28 novembre, s'est notamment penchée sur l'état des connaissances scientifiques des effets des polluants atmosphériques sur la santé humaine mais également les effets sur la santé des expositions à des mélanges ou faibles doses de polluants chimiques, perturbateurs endocriniens et pesticides.
Le projet Geocap s'est concentré notamment sur les liens entre les cas de leucémie chez les enfants et la proximité des lieux d'habitation avec les centrales, les lignes de transport d'électricité et le trafic routier.
Les scientifiques (1) ont inclus dans l'étude 2.760 cas de leucémie diagnostiqués en France de 2002 à 2007 (issus du Registre national des hémopathies malignes de l'enfant) et 30.000 témoins représentatifs de la population générale pédiatrique.
Les adresses résidentielles des sujets ont été géocodées, au moment du diagnostic pour les malades et de l'inclusion pour les témoins, puis la longueur de routes majeures a été calculée dans un rayon de 150 m au voisinage de chaque adresse à l'aide d'un système d'information géographique (SIG).
Les centrales nucléaires à moins de 5 km, impliquées
"Nous avons observé une augmentation du risque de leucémie de l'enfant à moins de 5 km des centrales nucléaires (2) de production d'électricité, pointe l'équipe de scientifiques de l'étude Geocap, dans leur présentation. Cette augmentation apparaissait toutefois indépendante de l'exposition radioactive estimée par modélisation des rejets gazeux par l'IRSN (3) ".
Ils soulignent également que ces premières analyses n'ont pas permis d'attribuer l'augmentation du risque aux facteurs sociodémographiques locaux étudiés. Les chercheurs ont pu également constaté une augmentation du risque de contracter une leucémie pour les enfants lorsque les habitations se situent à moins de 50 mètres des lignes aériennes (4) de 225 ou 400 kV, source de champs magnétiques à extrêmement basse fréquence (CM-EBF).
EDF et le groupe RTE ont réagi à ces résultats dans une lettre d'information (5) : pour eux, l'estimation de l'exposition au champ magnétique de l'étude comporte de grandes incertitudes.
RTE a depuis lancé une estimation des champs électromagnétiques d'extrêmement basse fréquence résidentiels en fonction de la distance à la ligne et au pylône, la hauteur des pylônes, la nature des câbles, la géographie de la ligne mais également le courant moyen annuel dans cette ligne.
Ils ont mis au point une méthodologie d'estimation des champs magnétiques (6) à extrêmement basse fréquence générés par la proximité des lignes. Au cours des mois qui viennent, ils devraient l'appliquer pour estimer les CEM-EBF aux adresses de l'étude Geocap. Les résultats seront ensuite transmis aux scientifiques pour analyse des données. "Au total il faut vraisemblablement compter plus de 18 mois avant que ces résultats soient disponibles", précise Jacqueline Clavel, Directeur de recherche à l'Inserm.
En revanche, les scientifiques n'ont pas constaté de liens entre les leucémies de l'enfant et l'exposition aux radiations ionisantes d'origine naturelle (7) (radon et rayons gamma telluriques). Ils recommandent toutefois, comme cette question reste peu explorée, de poursuivre les études dans d'autres pays.
Le trafic routier en cause ?
Les équipes de Geocap se sont également penchées sur le lien entre leucémies de l'enfant et trafic routier. Des premiers résultats montrent qu'un lien pourrait être établi entre la proximité résidentielle au trafic routier et les leucémies aigues myéloblastiques du fait de l'exposition au benzène (8) (dont le trafic routier est l'une des sources).
Bénéficiant de trois années supplémentaires, l'étude Geocap va se poursuivre, compléter ces premiers résultats et notamment introduire d'autres expositions environnementales (environnement agricole, UV, stations-service, etc.).