Arrivé sur les lieux lundi soir, le ministre Jean-Louis Borloo a constaté les dégâts et qualifié de grave la pollution de l'estuaire. Cet estuaire est fragile, indispensable et magnifique et, à la suite de cet incident, on en tirera des leçons pour l'avenir, y compris sur des activités portuaires éventuelles, assure M. Borloo.
Mais, malgré cette assurance, les associations de protection de la nature craignent toujours le pire. La fédération France Nature Environnement (FNE) et la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) rappellent que ce n'est malheureusement pas la première fois que cet espace naturel sensible, refuge pour la biodiversité, est touché par le pétrole. Le groupe pétrolier Total a en effet déjà été impliqué dans une pollution de l'Estuaire en 1999 avec la marée noire de l'Erika, en 2003 lorsqu'une canalisation s'était rompue dans un étier de la raffinerie et en janvier 2006 avec la collision entre deux butaniers qui avait provoqué la dispersion de 30 tonnes de fioul lourd causant la mort de plusieurs milliers d'oiseaux.
Selon les associations, cette fois-ci le pétrole a déjà touché plus de 20 km de berges et atteint par endroit 40 centimètres d'épaisseur : il a commencé à souiller de nombreux oiseaux emblématiques des milieux estuariens à une période de chassé-croisé migratoire : bécasseau variable, pluvier argenté, tadorne de Belon, avocette élégante, barge rousse, canard pilet, sarcelle d'hiver, énumère les associations.
Outre les conséquences écologiques, les associations dénoncent le manque de transparence et de prévention de la part de l'industriel et des autorités : les habitants et les élus des communes concernées, les associations de protection de la nature et la Diren Pays de la Loire n'ont été prévenus, par voie de presse, que tard dans la journée du 17 mars, alors que la fuite avait été détectée la veille, expliquent-elles.
Elles s'étonnent également qu'une telle défaillance technique et humaine puisse encore survenir à la raffinerie et qu'aucun système d'alarme automatique ne soit mis en place. Sur ce point, FNE et LPO sont appuyés par les élus de la Métropole Nantes Saint-Nazaire qui dans un communiqué font part de leur exaspération : il s'agit de comprendre comment un tel événement a pu se produire. Les élus souhaitent que toute la transparence soit faite sur les causes de cet accident dans le cadre de l'enquête judiciaire en cours et estiment qu'il serait pour le moins nécessaire que des mesures techniques de bon sens soient mises en œuvre rapidement, sur la base d'une expertise complète et indépendante afin que les risques industriels liés à l'exploitation de ce site soient correctement appréciés pour être traités.
Il est clair pour les associations et les élus que de telles défaillances ne doivent plus se reproduire. Pour cela, les associations exigent que ces milieux fragiles soient définitivement protégés et demandent que les exploitants mettent en place des plans de prévention efficaces, validés par tous les acteurs locaux et connus du public. Dans l'immédiat, elles souhaitent être intégrées à la cellule de crise mise en place par le Préfet, notamment pour un suivi naturaliste accru dans l'estuaire de la Loire. À l'avenir, elles espèrent surtout que cet accident remettra en cause le projet portuaire de Donges Est pour éviter de nouveaux risques de pollution afin que cette catastrophe écologique soit aussi la dernière.
Rappelons que selon une récente étude de l'association des Robin des Bois, 561 événements de pollutions provoquées par des déversements d'hydrocarbures dans les cours d'eaux ont eu lieu en France entre 2004 et 2007. D'après Robin des Bois et le CEDRE (Centre de Documentation, de Recherches et d'Expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux), ces déversements dans les sources, les ruisseaux, les rivières, les fleuves, les plans d'eau et les canaux représentent environ 50% des pollutions aquatiques accidentelles.