La liste de ces secteurs potentiellement exemptés est en cours d'élaboration par la Commission européenne qui cherche à savoir quelles industries pourraient être fortement affectées économiquement par ces mises aux enchères. Ainsi, les producteurs d'aluminium, d'acier ou encore de ciment, grands consommateurs d'énergie, ont été évoqués. La Commission va prochainement se pencher sur l'industrie du cuivre, de la chimie, de la céramique et de la pâte à papier et prévoit de présenter une liste définitive en 2010 au plus tôt.
Mais les pressions s'intensifient. Selon Euractiv, la présidence Française de l'Union européenne a demandé à la Commission de dévoiler la liste au plus vite, appuyée par l'Allemagne et la Pologne. La menace de récession ne rassure pas les Etats membres qui commencent à prendre peur de l'effet des objectifs climatiques de l'UE et espèrent limiter l'impact du marché du carbone pour leur économie.
Les secteurs industriels font également pression et mettent en garde contre l'augmentation des coûts de production et des prix de l'énergie ainsi que les délocalisations que cette mise aux enchères des quotas entraînerait. Ces délocalisations se traduiraient au final par un déplacement des émissions de CO2 autrement dit des « fuites de carbone ».
Mais un rapport récent commandé par le Fonds mondial pour la nature WWF Internatioanl balaye ces menaces. Contrairement aux nombreuses protestations, le prix de l'électricité ne sera pas augmenté par la vente aux enchères totale des allocations d'émissions, précise l'étude effectuée par New Carbon Finance. Le rapport montre que dans les marchés libéralisés comme en Allemagne, les producteurs d'énergies intègrent le coût du pétrole et la valeur des allocations carbone dans leur prix, indépendamment du fait que les allocations soient allouées gratuitement, vendues aux enchères ou achetées sur le marché, explique le WWF. New Carbon Finance conclu par conséquent que la mise aux enchères des quotas n'aura aucun impact sur les prix. Le WWF estime que la mise aux enchères permettra d'accélérer les investissements dans les technologies propres et évitera surtout des bénéfices records.
En avril dernier une étude réalisée par Point Carbon à la demande du WWF avait démontré qu'au cours des quatre prochaines années, les entreprises d'électricité dans cinq pays de l'UE pourraient récolter des bénéfices à hauteur de 71 milliards d'euros dus à l'allocation des permis d'émissions de CO2 gratuits. La plupart des bénéfices sont attendus en Allemagne, où les entreprises pourraient récolter 34 milliards d'euros.
En réponse, le WWF appelle à une réforme en profondeur du marché du carbone et soutient la proposition de la Commission européenne visant à faire payer les permis à partir de 2013. Le revenu de la vente des permis doit être entièrement ré-investi dans la lutte contre les changements climatiques, en Europe et dans les pays en développements, précise Sanjeev Kumar, responsable du marché carbone au WWF.
Cette position est aussi défendue par plusieurs grands opérateurs financiers qui considèrent que le marché carbone est l'outil le plus efficace pour intégrer les coûts du réchauffement climatique, non seulement dans les bilans comptables des entreprises mais aussi dans leurs décisions d'investissement. La mise aux enchères des quotas d'émissions favorisera la répartition du coût carbone dans l'économie toute entière, et non aux seuls actionnaires des grandes compagnies productrices d'énergie, expliquait Adrien Assous, économiste en charge du dossier Changements climatiques chez Natixis E&I à l'occasion d'une table ronde organisée par le WWF.
Pour l'instant, la Commission européenne ne souhaite pas dévoiler trop rapidement la liste des secteurs exemptés des mises aux enchères. Elle craint que cela ne bouleverse les négociations internationales qui doivent se solder fin 2009 par un nouveau protocole international en remplacement de celui de Kyoto.