"La nature se meurt en silence. Les oiseaux ne chantent plus, les abeilles se font rares, et nos enfants ne verront certaines espèces que sur leurs écrans d'ordinateurs. Je lance le plan biodiversité à Marseille pour refuser la résignation", a déclaré Nicolas Hulot ce vendredi 18 mai dans la cité phocéenne.
Plus qu'un plan, qui doit prendre le relais de l'actuelle stratégie nationale pour la biodiversité qui couvre la période 2011-2020, c'est un appel à la mobilisation qu'a pour l'heure lancé le ministre. Un appel destiné à trois cibles. Au grand public, tout d'abord, à travers une consultation publique (1) , qui se tiendra jusqu'au 7 juin et dont les remontées permettront de nourrir le plan qui sera, lui, présenté "à l'été 2018". Aux ONG et à la société civile, ensuite, via une concertation menée notamment à travers le Comité national pour la biodiversité. Au reste du gouvernement enfin à travers une concertation interministérielle qui donnera lieu à un comité ad hoc qui se tiendra le 28 juin.
La biodiversité indissociable du climat
Pour l'heure, la communication du ministre tourne essentiellement sur l'action internationale de la France en lien avec sa politique en matière de climat. "Pour gagner la bataille du climat, il nous faut réussir à préserver la biodiversité, car les deux enjeux sont indissociables !", a en effet rappelé Nicolas Hulot. Ce sont donc plusieurs rendez-vous internationaux qui sont mis en avant. Tout d'abord, l'accueil en avril-mai 2019 de la septième session plénière de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services éco-systémiques (IPBES) et la mobilisation des membres du G7 dont la France assurera la présidence au même moment. Evénements auxquels s'ajoutera l'action en faveur de la biodiversité au niveau européen, précise le ministère.
C'est ensuite l'accueil du septième congrès mondial de la nature organisé par l'UICN. Cet événement aura lieu en juin 2020 à Marseille. L'accueil de cet événement "offre à la France l'opportunité d'inscrire la biodiversité dans une stratégie nationale et mondiale (…) et permettra à la France d'appuyer l'adoption d'un cadre international ambitieux (...) lors de la COP15 de la Convention sur la diversité biologique en Chine".
Au plan international, "2020 représente une échéance importante pour la biodiversité à deux titres", indique en effet l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). D'une part, sera réalisé le bilan des politiques de la biodiversité pour la décennie 2010-2020 dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique et des objectifs d'Aichi, explique l'institut. D'autre part, car c'est l'échéance à laquelle de grandes entreprises réunies au sein du Consumer Goods Forum, rejointes par d'autres acteurs au sein de la Tropical Forest Alliance 2020, se sont engagées à mettre en œuvre une politique d'approvisionnement "zéro déforestation".
"Arme de destruction massive du vivant"
Ces annonces, qui s'apparentent plus à un calendrier qu'à des mesures de fond, s'inscrivent dans un contexte pourtant alarmant pour l'état de la biodiversité. Fin mars, l'IPBES adoptait quatre rapports régionaux inquiétants sur cette question et un rapport thématique, pas moins préoccupant, sur la dégradation des terres. Quelques jours plus tôt, le CNRS et le Muséum national d'histoire naturelle révélaient qu'un tiers des populations d'oiseaux vivant en milieu agricole avaient disparu en 20 ans. Cette annonce faisait elle-même suite à une étude allemande montrant que près de 80% des insectes avaient disparu en moins de trente ans.
"Nous sommes devenus une arme de destruction massive du vivant", a gravement déclaré l'ancien présentateur d'Ushuaia. Pas sûr que ces déclarations suffisent toutefois à satisfaire les attentes des ONG et de nombreux observateurs qui restent très dubitatifs sur l'action menée par ailleurs par le gouvernement. Le feu vert donné à Total pour exploiter sa bio-raffinerie avec des huiles de palme et l'appel interjeté par l'Etat en faveur du projet Europacity sont les derniers exemples en date de ce défaut de cohérence au plus haut sommet de l'Etat.