Lundi 20 février 2012, Greenpeace France a présenté le rapport "Sûreté nucléaire en France post‐Fukushima (1) " rédigé par le professeur Arjun Makhijani, président de l'Institute for energy and environmental research (IEER) et Yves Marignac, directeur de WISE-Paris. L'"analyse porte sur le processus d'évaluation technique et n'étudie pas les premières conclusions et prescriptions qu'en a tirées l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)", précisent les auteurs, ajoutant qu'elle n'est pas exhaustive (2) .
Le document de 176 pages, sous-titré "Analyse critique des Evaluations complémentaires de sûreté (ECS) menées sur les installations nucléaires françaises après Fukushima", s'appuie sur "l'ouverture qu'a représentée l'accès dès leur publication aux rapports ECS des exploitants et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)" et sur les "différents échanges organisés autour des ECS, notamment par l'Association nationale des comités et des commissions locales d'information (Anccli) et l'IRSN avec le concours de l'ASN". Une "transparence inédite" saluée par les auteurs qui "[espèrent] vivement que de tels échanges vont se poursuivre et se structurer pour conduire à un véritable processus d'expertise pluraliste".
Points forts et confirmations
En préambule, les auteurs jugent que "les rapports ECS étudiés présentent des points forts qu'il est important de souligner". En particulier, les stress test constituent une première puisqu'ils évaluent "pour la première fois, des hypothèses écartées à la conception et dans la conduite des installations". De même, "conformément au cahier des charges, ils étudient de façon systématique les scénarios d'accident grave" associés aux séismes et inondations, ainsi que "l'ensemble des situations pouvant découler d'une perte des alimentations électriques et/ou des sources de refroidissement". Troisième point positif, "les dispositifs qui devraient être mis en place pour prévenir des rejets radioactifs importants sont décrits en détail, et des propositions de dispositifs de renforcement sont introduites".
Par ailleurs, l'analyse "confirme" que plusieurs scénarios d'accident majeur sont plausibles, avancent les auteurs. S'agissant des 58 réacteurs français, il s'agit des scénarios de fusion du cœur conduisant à une rupture brutale de l'enceinte et/ou un percement du radier (3) et des scénarios liés à un accident de vidange de piscine d'entreposage conduisant à un feu du combustible et à des rejets très importants faute d'enceinte de confinement de ce bâtiment. Des "risques ne peuvent pas être totalement écartés" avec l'EPR.
Quant à l'usine de la Hague, l'audit de sûreté confirme qu'"un accident majeur peut se produire sur une piscine de combustible ou sur un stockage de déchets liquides hautement radioactifs".
Cinq lacunes importantes
Néanmoins, au-delà de ce "bon point de départ", les auteurs considèrent que les rapports remis à l'ASN "présentent en l'état trop de limites et de lacunes pour fonder des décisions définitives". Des lacunes qualifiée d'"importantes".
En premier lieu, "une réserve générale" concerne les conclusions des exploitants qui reposent sur une analyse limitée de l'état réel des installations et ne sont pas étayés par de nouvelles études. "De nombreuses conclusions reposent ainsi sur la justification par les « jugements d'experts » et la confiance des ingénieurs", déplorent les auteurs.
Ensuite, la liste des évènements pouvant déclencher ou aggraver un accident n'est pas complète. Ne sont pas pris en compte les scénarios découlant de défaillances matérielles, d'erreurs humaines et d'actes de malveillance, les défaillances et agressions secondaires (4) pouvant résulter d'éléments évalués par les audits de sûreté.
Par ailleurs, des facteurs susceptibles de rendre plus difficiles la gestion d'un accident, tels que la contamination sur le site due à la défaillance de certaines installations secondaires, ne sont pas pris en compte. Pourtant, "la contamination du site s'est révélée être un facteur important dans les difficultés auxquelles les autorités et le personnel se sont heurtés pour gérer l'accident de Fukushima", rappelle le document.
Autre reproche formulé : "plusieurs questions génériques importantes ne sont pas examinées". Il s'agit des questions liées aux limites imposées par les choix difficilement réversibles de conception, notamment les limites liées au dimensionnement des installations, et au vieillissement des équipements.
Enfin, le rapport déplore que la constitution d'un "noyau dur" d'équipements de secours "[répond] par l'aval sans réduire en amont le potentiel de danger".
Face à ces "limites" et "lacunes", le document émet une série de recommandations visant les scénarios d'accident sur les réacteurs, le zircaloy (5) , le mélange d'oxydes (MOX) (6) , les choix de conception, les conformités et le vieillissement, l'EPR et le site de la Hague.