Ils se faisaient attendre… les nouveaux tarifs d'achat d'électricité et d'injection au réseau du biogaz ont été présentés le jeudi 24 février par les ministères de l'Ecologie, de l'Agriculture, de l'Economie et de l'Energie.
Les ministres sont venus préciser le nouveau cadre de soutien à la méthanisation à la ferme, désormais reconnue comme activité agricole depuis la parution du décret le 19 février au JO. Promis dans la loi de modernisation agricole (LMA) de juillet 2010 par le ministre de l'agriculture Bruno Le Maire, le texte donne (enfin…) un fondement légal à l'activité - qui permet de produire du compost et du biogaz - et lui confère un avantage fiscal. Les exploitants méthaniseurs peuvent dorénavant commercialiser de l'énergie ( chaleur, biogaz et électricité) dans le cadre de leur exploitation agricole ou via une structure sociétaire où ils détiennent la majorité du capital. Les déchets agricoles (organiques, effluents d'élevage…) doivent néanmoins provenir de l'exploitation à hauteur de 50 % au minimum.
Depuis le remaniement de novembre dernier, il ne restait plus qu'au gouvernement de se positionner sur les nouveaux tarifs d'achat (électricité et injection), condition sine qua non pour développer la filière française, selon les acteurs de la méthanisation, alors que plusieurs projets sont dans les starting blocks.Les objectifs du Grenelle
Le Grenelle prévoit notamment de multiplier par 10 la production de chaleur et par 4 la production d'électricité issue du biogaz d'ici 2020. Or, la France compte seulement aujourd'hui 30 installations de méthanisation, selon l'Ademe, et reste très loin des 5.000 installations allemandes. Plus d'une centaine de projets seraient en cours de développement en France, selon la même agence qui table sur une augmentation de 15 unités/an. L'ATEE prévoit un potentiel de production du biogaz de 2.300 ktep d'ici 2015-2020.
Les installations de production électrique issue du biogaz cumulaient une puissance installée de 164, 8MW fin juin 2010, selon le dernier baromètre Observ'er. 87MW étaient également en attente de raccordement d'après ERDF.
Un tarif d'achat maximal d'électricité à 20,1 c€/kWh
Le tarif maximal passerait à 20,1 c€/kWh contre 15,2 c€/kWh aujourd'hui. Les ministres considèrent que ce tarif deviendra ''comparable au tarif existant en Allemagne'' alors qu'Outre-Rhin, il est déjà en moyenne de 26 c€/kWh (soit le double de la France actuellement).
Seules les installations agricoles dont la puissance est inférieure ou égale à 150 kW pourraient bénéficier de ces 20,1 c€/kWh, primes d'efficacité énergétique plafonnées à 4 c€/kWh et de traitement des effluents d'élevage de 2,6 c€/kWh comprises. Le tarif d'achat d'électricité de base étant de 13,5 c€/kWh pour ces installations contre 11,3 c€/kWh pour celles de plus de 2.000 kW.
Mais les critères pour bénéficier de ces primes restent à préciser d'ici avril. D'autant que celle liée au traitement des effluents est nouvelle, variant de 0 (pour les installations supérieures à 1.000 kW) à 2,6 c€/kWh, en fonction de la puissance exploitée. Mais reste encore à définir les pourcentages de la masse de déjections animales à incorporer dans la ration globale du digesteur pour être tributaire de la prime.
''En moyenne, les tarifs vont augmenter de 20 %'', assurent les ministres. Cette revalorisation ''entraînera d'ici à 2020 une hausse d'environ 1 % de la facture d'électricité des consommateurs, correspondant à un soutien de 300 M€/an'', affirment-ils.
Injection du biogaz : un tarif situé entre 5 et 10,3 c€/kWh selon le débit
Quant à l'autre décret (attendu depuis novembre 2010) fixant cette fois le tarif d'achat pour l'injection au réseau du biogaz, celui-ci devrait intervenir ''cet été", selon les ministres. Le Président de la République avait d'ailleurs précisé ''fin juillet''. Ce nouveau tarif se situerait entre 5 et 10,3 c€/kWh maximum selon le débit d'injection livré sur les réseaux de gaz naturel. Pour bénéficier des 10,3 c€/kWh, ce débit devrait être inférieur ou égal à 60m3/h (mètres cube par heure). Ce tarif reste toutefois inférieur au 13ct€/kWh, annoncé en octobre dernier par Jean-François Carenco, alors directeur de cabinet de l'ex-ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo. Or, le tarif d'achat doit prendre en compte le coût de la production, de l'épuration et de l'injection de gaz pour lancer la filière, avait indiqué en décembre Cédric Aubry, chargé du projet Biométhane au réseau de distribution de gaz naturel (GrDF) à Actu-Environnement. L'obligation d'achat pourrait, selon lui, porter sur un contrat de 15 ans.
GrDF évalue entre 2,8 TWh et 8,7 TWh le biométhane qui pourrait être injecté annuellement dans le réseau à l'horizon 2020, via 280 à 700 sites. Une centaine de dossiers ont déjà été déposés auprès de GrDF. Reste à savoir, dès parution des textes réglementaires, si ces tarifs assureront la ''durabilité'' des projets de méthanisation en France. D'autant que les exploitants avaient également déploré, lors du colloque de la FNSEA en décembre dernier, des délais de raccordement des installations d'un an jugés ''trop longs'' contre 4 à 5 mois en Allemagne.