La ministre de la Transition énergétique a mis en consultation (1) , du 22 novembre au 22 décembre, les grandes orientations énergétiques de la très attendue Stratégie énergie-climat. Le document rappelle les trois grands défis de la prochaine Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour la période 2024 à 2035 : réduire de 40 à 50 % la consommation d'énergie en 2050 par rapport à 2021, sortir du charbon en 2027 (et des énergies fossiles en 2050) et, enfin, augmenter de 55 % la production d'électricité bas carbone et doubler la production de chaleur bas carbone d'ici à 2035, par rapport à 2021. Et décline sa recette pour y parvenir, inspirée des travaux des sept groupes de travail mis en place en mai 2023.À suivre...
Dans les prochaines semaines, cette consultation sera complétée d'un projet de volet programmatique pour la future loi sur la production d'énergie, qui fixera la trajectoire énergétique pour atteindre la neutralité carbone. Cette proposition de loi, qui sera présentée en Conseil des ministres en début d'année, contiendra également des dispositions relatives à la production, aux prix de l'énergie et à la protection du consommateur. Un projet de décret fixant la PPE sera pris en application de cette loi. En parallèle, le projet de stratégie nationale bas carbone 2030 définira la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre jusqu'en 2050 et des objectifs sectoriels à court et moyen termes.
Une hausse nette des besoins d'électricité décarbonée
Le Gouvernement table sur une baisse de 30 % de la consommation d'énergie finale en 2030 par rapport à 2012, pour atteindre 1 209 térawattheures (TWh), contre 1 611 TWh en 2021, grâce à la sobriété et l'efficacité énergétiques. La part des fossiles dans cette consommation finale devra passer de 60 % en 2021, à 42 % en 2030 et 29 % en 2035, grâce à un transfert massif vers l'électricité.
Pour y parvenir, la troisième PPE misera sur une hausse de production d'« électricité décarbonée ». Pour rappel, la deuxième PPE était encadrée par le plafond de 63,2 GW de production nucléaire. Elle actait donc la fermeture de 14 réacteurs d'ici à 2035, sans toutefois exclure le lancement d'un nouveau programme nucléaire.
Cette troisième édition, déplafonnée sur le nucléaire, n'envisage plus de fermetures de réacteurs et mise au contraire sur une optimisation du parc existant (dans l'objectif de produire 400 TWh par an d'ici à 2030) et projette une poursuite de son exploitation au-delà de cinquante ou soixante ans. Elle acte par ailleurs le programme de construction de six nouveaux réacteurs EPR et la poursuite des travaux sur les petits réacteurs modulaires ou innovants.
Solaire avant 2030, éolien en mer au-delà
Avant 2030, le coup d'accélérateur sera cependant mis sur les énergies renouvelables électriques, et particulièrement sur le solaire. Le parc photovoltaïque devra en effet passer de 16 gigawatts (GW) à 54, voire 60 GW en 2030, en vue d'atteindre 75 à 100 GW en 2035, soit un doublement au minimum du rythme d'installation actuel. Le rythme de déploiement de l'éolien terrestre devrait être maintenu au rythme actuel, pour atteindre entre 33 et 35 GW installés en 2030 et 40 à 45 GW en 2035, en comptant aussi sur l'optimisation des parcs existants (repowering).
Pour l'éolien offshore, le Gouvernement table sur 4 GW en 2030, avec sept parcs en service à cet horizon. L'accélération se fera ensuite, avec la mise en service de parcs déjà attribués, planifiés ou en discussion et le lancement de 10 GW de projets supplémentaires en 2025 pour viser un parc de 18 GW en 2035. « Soit 36 parcs comme ceux de Saint-Nazaire et Saint-Brieuc ou l'équivalent de la production d'électricité de 13 réacteurs nucléaires », indique le document. Un appel d'offres équivalent pourrait être lancé en 2030 pour poursuivre la cadence d'installation des parcs. « Sur les autres énergies marines renouvelables, la PPE 3 pourra prévoir le lancement de premiers appels d'offres commerciaux hydroliens, sous réserve de l'évolution des coûts de la technologie », peut-on lire.
Le parc hydroélectrique (26 GW) sera, quant à lui, optimisé et développé, notamment sur la petite hydroélectricité, pour gagner 2,8 GW de puissance installée d'ici à 2035, dont 1,7 GW de stations de transfert d'énergie par pompage (Step).
L'atteinte de ces objectifs a minima permettrait de produire près de 200 TWh d'électricité renouvelable en 2035, nécessaires à la croissance de la demande. « Cette transition imposée au système énergétique nécessitera, pour le système électrique, un développement des flexibilités décarbonées (stockage, effacement, interconnexions, thermique décarboné, etc.) de manière à inciter au décalage des consommations en dehors des périodes de tensions », souligne le document. La PPE 3 devrait détailler les outils pour développer cette flexibilité, indique-t-il.
Doubler la production de chaleur renouvelable d'ici à 2035
La future PPE misera également sur un doublement de la production de la chaleur renouvelable d'ici à 2035, pour atteindre 330 à 419 TWh. Un objectif intermédiaire de 297 TWh est fixé pour 2030, contre 183 TWh aujourd'hui. Cette hausse s'appuiera sur toutes les filières, y compris la récupération de chaleur fatale. Si « la hausse la plus importante est due au déploiement des pompes à chaleur, toutefois, proportionnellement, le développement du solaire thermique, du biogaz et de la géothermie représentent les défis les plus importants », note le document.
Il s'agit de passer pour le solaire de 1,3 TWh à 6, en 2030, et 10, en 2035. Pour y parvenir, un plan national sera lancé sur le modèle du Plan géothermie, les cadastres solaires thermiques seront généralisés et des appels d'offres « grandes installations » seront lancés. Pour le biogaz, l'objectif est d'installer 37 TWh supplémentaires en 2030, pour atteindre entre 50 et 85 TWh installés en 2035, contre 10,5 TWh en 2021. « Le développement du biométhane serait principalement porté par le développement des cultures intermédiaires à vocation énergétique et la mobilisation des effluents d'élevage », indique le document.
Il faudra également quadrupler la production de géothermie de surface (de 3,9 TWh à 10, en 2030, et entre 15 et 18 TWh, en 2035) et de géothermie profonde (de 2,3 TWh à 6, en 2030, et entre 8 et 10, en 2035).
« Le développement concomitant des réseaux de chaleur est indispensable pour développer l'utilisation de cette chaleur renouvelable, souligne le document. Le Gouvernement a donc décidé de fixer également des objectifs pour les quantités de chaleur livrées par les réseaux. Celles-ci devront croitre de 30 TWh, dont 60 % de chaleur ENR&R en 2021, à 68 TWh, dont 75 % de chaleur ENR&R en 2030, puis jusqu'à 90 TWh, dont 80 % de chaleur ENR&R en 2035 ». Soit entre 300 000 et 360 000 logements raccordés en moyenne par an jusqu'en 2035.