Le 22 décembre 2010, Ron Kirk, le représentant américain au commerce extérieur, a indiqué que l'enquête préliminaire lancée mi-octobre 2010 au sujet des aides chinoises versées aux technologies vertes est partiellement transformée en plainte officielle auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Pour l'instant la plainte ne concerne que le programme chinois appelé Fonds spécial pour l'industrie éolienne. Selon le gouvernement américain, les aides versées via ce fonds seraient conditionnées au fait que les assembleurs chinois d'éoliennes utilisent prioritairement des composants chinois. Les Etats-Unis considèrent qu'une telle mesure est assimilable à une barrière à l'entrée sur le marché chinois qui défavorise les producteurs américains. De telles barrières sont prohibées par l'OMC.
En l'état, les Etats-Unis ont demandé la médiation de l'Organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC. La Chine et les Etats-Unis ont deux mois pour régler à l'amiable le litige et si les négociations échouent l'OMC devrait trancher.
Plusieurs centaines de millions de dollars d'aides
Les services du représentant américain au commerce extérieur indiquent que les subventions délivrées par le Fonds vont de 6,7 à 22,5 millions de dollars. Les fabricants de turbines ou d'éléments d'éoliennes ayant bénéficié de ces aides ont par ailleurs pu les recevoir à plusieurs occasions en fonction de l'évolution de leurs produits. Ce serait, selon le gouvernement américain, "plusieurs centaines de millions de dollars" qui auraient été versés de cette façon depuis 2008.
Par ailleurs, le gouvernement américain reproche à la Chine de ne pas avoir notifié la mesure à l'OMC. En effet, selon l'accord de l'OMC sur les subventions et les mesures compensatoires, la Chine est tenue de signaler à l'OMC l'existence d'une telle mesure. De même, les documents établissant le Fonds auraient dû être traduits dans l'une des langues officielles de l'organisation régulant les échanges commerciaux.
Le syndicat de la métallurgie à l'origine de la plainte, l'United Steel Workers (USW), accueille favorablement l'annonce de Ron Kirk visant à stopper "les pratiques prédatrices et protectionnistes chinoises dans le secteur des technologies énergétiques propres." Le responsable des questions internationales pour l'USW, Leo Gerard, a rappelé que "le dossier présenté par l'USW est exhaustif et complexe", précisant que "l'Administration a consulté les métalurgistes en toute confiance afin d'établir une stratégie en trois étapes." Tout d'abord, il s'agit, selon le syndicat, de résoudre les contentieux en collaborant avec les autorités chinoises concernant les pratiques que la Chine s'apprête à stoper. S'agissant des mesures pour lesquelles les autorités américaines disposent de preuves suffisantes mais que les chinois n'envisagent pas d'arrêter, l'administration américaine va engager des négociations. Enfin, le gouvernement américain se serait engagé à poursuivre l'enquête sur les sujets qui pour l'instant ne sont pas suffisement étayés. Pour l'USW, la création d'emplois verts dépend des négociations en cours et des potentiels poursuites à venir.
Les prémices d'une longue saga
"Ce n'est que le premier chapitre d'une saga visant à pousser la Chine à respecter ses engagements", a préciser le représentant syndical. De même, Ron Kirk a indiqué que l'administration américaine "allait continuer dans les mois à venir à collaborer étroitement avec l'USW et les parties prenantes concernant les autres sujets [soulevés par l'USW]", ajoutant que "si des preuves suffisantes pouvaient être réunies pour appuyer certaines accusations et que les sujets relevaient de l'OMC, alors [les Etats-Unis] allaient faire valoir leurs droits auprès de l'Organisation."
Pour sa part, la Chine a indiqué, par l'intermédiaire de son ministère du commerce, être "très préoccupée" par les poursuites engagées par les Etats-Unis, d'autant plus qu'il juge que les mesures chinoises en faveur des technologies vertes sont conformes aux règles de l'OMC. Le ministère indique qu'il va "examiner attentivement les requêtes américaines pour une médiation et régler ce litige au moyen des réglementations de l'OMC" ajoutant que la Chine se réserve un possible recours aux "droits appropriés." Enfin, les autorités chinoises rappellent que le soutien apporté à l'industrie éolienne chinoise a permis, avant tout, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d'économiser l'énergie et de protéger l'environnement.
La collaboration sino-américaine continue malgré tout
Paradoxalement, les services du représentant américain au commerce extérieur font aussi états de progrès dans leurs relations avec l'empire du milieu. En effet, ils indiquent qu'à l'occasion de la réunion de la Commission Etats-Unis Chine sur le commerce et les échanges, organisée les 14 et 15 décembre 2010, la Chine a annoncé qu'elle allait modifier certaines mesures relatives au développement des parcs éoliens. Ainsi, la Chine a indiqué qu'elle n'allait plus limiter l'accès au marché de la réalisation des parcs éoliens sur son sol aux seuls opérateurs étrangers ayant déjà participé à de tels projets en Chine. Elle se serait donc engagée, selon le gouvernement américain, à permettre aux opérateurs étrangers d'accéder à son marché éolien dès lors qu'ils auraient une expérience des grands projets éoliens, que cette expérience ait été acquise en Chine ou à l'étranger. De même le gouvernement aurait réitéré son engagement, pris en 2009, à supprimer le versement d'aides sous condition d'incorporation d'élément chinois.
Le 15 octobre, à la demande du syndicat de la métallurgie, Ron Kirk avait ouvert une enquête afin d'évaluer si la Chine agit au détriment de ses concurrents internationaux dans le secteur des technologies vertes. Sont en cause, une série de mesures prises par le gouvernement chinois, allant de la restriction de l'accès aux terres rares à des obligations de transferts de technologies, en passant par des subventions publiques. Le bilan de ses mesures est chiffré par l'USW à 216 milliards de dollars pour l'année 2009. Soit "plus du double" du total des aides accordées par les États-Unis aux entreprises des secteurs concernés et "près de la moitié des subventions accordées à ce secteur au niveau mondial."