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Engrais azotés : une mission suggère de mettre fin à l'utilisation des ammonitrates haut dosage

Le Gouvernement publie, onze mois après sa remise, un rapport qui confirme les risques liés au stockage d'ammonitrates en agriculture. La mission préconise d'abaisser les seuils ICPE ou de supprimer l'utilisation des ammonitrates haut dosage.

Agroécologie  |    |  L. Radisson
Engrais azotés : une mission suggère de mettre fin à l'utilisation des ammonitrates haut dosage

Les priorités données à l'Inspection des installations classées (ICPE) pour 2024 en donnaient une idée. Les conclusions de la mission (1) sur les risques liés aux stockages d'engrais à base d'ammonitrates dans les installations agricoles confirment les risques accidentels qui y sont liés.

En mai 2021, une première mission avait spontanément pointé les risques dans ce secteur alors qu'elle était initialement saisie des risques de stockage dans les ports. À la suite, le ministère de la Transition écologique avait élaboré un projet de renforcement de la réglementation, consistant en un abaissement des seuils des ICPE relevant du régime de la déclaration, qui avait été soumis à la consultation du public en janvier 2022. Mais les textes n'ont jamais été publiés face à l'opposition des fabricants d'engrais et des coopératives agricoles.

À la place, les ministres chargés de la Transition écologique, de l'Agriculture et de l'Industrie ont confié, en mai 2022, une nouvelle mission à leur inspection respective afin d'évaluer les scénarios d'abaissement des seuils ICPE et d'une interdiction de la vente en vrac des ammonitrates haut dosage (plus de 28 % d'azote). La mission a remis son rapport aux ministres en juin 2023, mais celui-ci n'a été publié qu'en ce début mai 2024, soit près de onze mois plus tard, la crise agricole n'ayant certainement pas aidé à la publication.

Absence de données disponibles

Quelles sont les conclusions des auteurs de la mission ? Alors que les ministres avaient demandé de recenser les sites concernés par un abaissement des seuils, ceux-ci ont constaté « l'absence de données disponibles », en particulier sur les stockages d'un tonnage inférieur au seuil bas du classement ICPE (250 tonnes pour le vrac, 500 tonnes pour les stockages en big bags). Le questionnaire que la mission a adressé à la profession n'a permis de ne recueillir que « quelques réponses », tandis que les fédérations professionnelles ont refusé de lui communiquer les résultats de l'enquête détaillée qu'elles ont elles-mêmes menées en janvier 2023. Les auteurs estiment toutefois à « 600 le nombre d'installations de tonnage compris entre 300 et 500 tonnes, et 400 le nombre d'installations de stockage en vrac entre 150 et 250 tonnes, soit 1 000 pour les deux ».

“ Tous les accidents mortels dans le monde ont concerné du haut dosage. ” Mission d'inspection
Le rapport préconise d'abaisser drastiquement les seuils du régime de la déclaration pour l'ammonitrate haut dosage, en le faisant passer à 50 ou 100 tonnes, en phase avec les conclusions de la mission précédente. Le projet de réglementation, qui avait été mis en consultation, prévoyait, quant à lui, un seuil intermédiaire de 150 tonnes. Seuil que le ministère de la Transition écologique n'a pas réussi jusque-là à imposer.

La mission estime le coût d'une mise en conformité liée à un abaissement des seuils de déclaration compris entre 80 000 et 100 000 euros par installation. « Parfois, les coûts peuvent être plus importants (bassin de rétention, désamiantage), mais ceux-ci peuvent concerner à la fois le stockage d'engrais et le silo de céréales attenant », indique cependant le rapport.

Interdire l'ammonitrate haut dosage

Les auteurs de la mission proposent toutefois une alternative à l'abaissement des seuils, celle de supprimer l'utilisation d'ammonitrates haut dosage, comme le suggérait déjà un rapport d'inspection de… 2004. « En France, il n'est pas fait de différences de dangers entre le haut et le moyen dosage », relève le rapport, alors que « tous les accidents mortels dans le monde ont concerné du haut dosage ». Vis-à-vis des risques, la réglementation française se révèle « trop exigeante pour le moyen dosage et pas assez pour le haut dosage », résument les hauts fonctionnaires.

Si la France consomme du haut dosage, alors que la moitié des pays européens l'ont supprimé, c'est parce qu'il est fabriqué dans l'Hexagone. L'argument de souveraineté avait été mis en avant pour s'opposer à une réforme par un représentant des coopératives agricoles devant la commission de l'aménagement du territoire du Sénat, en janvier 2022. Mais la fabrication sur le sol national, qui relève de deux entreprises seulement, Yara et Boréalis, repose sur « un outil et une technologie parfois ancienne et de pérennité incertaine », pointe la mission. Celle-ci préconise donc d'aider ces deux entreprises, pourtant pas connues pour leur exemplarité en matière de risques industriels, à transformer leur outil de production pour le moderniser et ne produire que du moyen dosage, tout en augmentant la production d'ammonitrates en France.

Les hauts fonctionnaires y voient un enjeu de souveraineté alimentaire et de sécurité. « C'est aussi un enjeu environnemental, car l'ammonitrate est la forme d'engrais azoté minéral la moins nocive s'agissant des relargages de polluants (ammoniac, gaz carbonique) dans l'air, font-ils aussi valoir. « Au demeurant, c'est la forme la plus efficace agronomiquement. L'ammonitrate moyen dosage est moins émetteur d'ammoniac que l'ammonitrate haut dosage », ajoutent-ils. Au final, la mission estime que l'interdiction du haut dosage permettrait de gagner sur quatre tableaux : sécurité, souveraineté, environnement et performance agricole. Et ce, en dépit de la nécessité de transporter, stocker et épandre 20 % de matières en plus afin de maintenir le même apport en azote dans les sols.

Sans attendre, elle propose de réintroduire des mesures douanières sur les engrais azotés et d'étudier la mise en place d'une redevance sur les émissions atmosphériques des engrais, permise par la loi Climat et résilience, dans le but d'éviter un report de consommation vers l'urée, « nettement plus nocive en termes de relargage d'ammoniac dans l'air ».

Supprimer la vente du haut dosage en vrac

A défaut d'interdiction des ammonitrates haut dosage, les hauts fonctionnaires recommandent de les distinguer de manière beaucoup plus nette des ammonitrates bas dosage, ces derniers n'étant pas considérés comme dangereux par la réglementation sur le transport des marchandises et la directive Seveso.

De manière prioritaire, ils préconisent de supprimer la vente d'ammonitrates haut dosage en vrac. « Alors que les risques du vrac sont nettement plus importants (contamination par des combustibles, vols, terrorisme), la France accepte ce mode de distribution en exploitant abusivement des dispositions dérogatoires d'un règlement européen », déplore le rapport.

Enfin, la mission préconise d'exercer une pression de contrôle forte sur les installations soumises à déclaration. « De nombreuses installations soumises à déclaration ne sont pas connues, et seule la moitié des installations connues sont conformes. »

Il reste à savoir si le Gouvernement est décidé à mettre en œuvre ces préconisations ou… s'il commande un nouveau rapport sur la question.

1. Télécharger le rapport de mission Igedd/CGE/CGAAER
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-44026-rapport-mission-ammonitrates-stockage.pdf

Réactions1 réaction à cet article

Si ces ammonitrates à haut dosage sont bénéfiques pour le cash-flow de l'agrobusiness, le ministère de l'agriculture ne va surtout rien faire pour en règlementer l'emploi et encore moins l'interdire, quant bien même ils font courir des risques industriels graves.
Puisque les disciples des docteurs Mabuse et Follamour sont manifestement aux commandes des destinées du pays (et de l'UE) en ce moment, le pire en matière de dégradation des timides mesures de protection de l'environnement et de la santé publique qui existaient jusqu'alors est largement possible !

Pégase | 13 mai 2024 à 16h46 Signaler un contenu inapproprié

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