Attendue pour janvier 2024, puis pour le Salon de l'Agriculture, le Gouvernement vient d'acter sa stratégie Ecophyto 2030 pour réduire l'usage des pesticides en France. Focus sur les mesures phares qui divisent professionnels et écologistes.
C'était l'un des points sensibles de la colère des agriculteurs en ce début d'année 2024. Le Gouvernement vient de présenter, lundi 6 mai 2024, les détails du nouveau plan Écophyto 2030 (1) . Sur le papier, il maintient l'objectif de réduction de 50 % des produits phytosanitaires d'ici à 2030 poursuivi depuis le premier plan Écophyto datant de 2008. Mais, comme annoncé par le Premier ministre, le 27 avril 2024, l'indicateur de mesure des usages change : exit le Nodu, place au HRI1.
Un changement d'indicateur qui fait des remous
Utilisé uniquement en France, l'indicateur actuel du nombre de doses utiles, ou Nodu, était fortement décrié par les agriculteurs. Le Gouvernement lui a préféré l'indicateur européen de risque harmonisé de type 1 (HRI1), par souci d'alignement avec les autres pays membres de l'Union européenne ainsi que pour une meilleure prise en compte du risque spécifique propre à chaque produit. « L'important, sur la question des produits phytosanitaires, ce n'est pas de dire à l'aveugle : "Je veux aller vers le zéro", c'est de réduire ceux dont on sait qu'ils peuvent produire une toxicité », justifie sur Franceinfo Marc Fesneau, le ministre de l'Agriculture. Une décision vivement critiqué par les associations environnementales, comme Générations futures, qui assène dans un communiqué : « Le Gouvernement [fait] le choix d'un indicateur HRI1 trompeur puisqu'il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le Nodu, lui, met en évidence une augmentation de 3 % de l'usage des pesticides pendant la même période ». Un choix controversé, dont se défend sur X (ex-Twitter) Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire : « J'entends que cet indicateur n'est pas parfait. Pas plus ni moins que le précédent. C'est pour cela que j'ai demandé à l'Inrae de travailler avec ses homologues à faire des propositions pour l'améliorer. »
Une enveloppe pour accompagner le changement
“ Cet indicateur n'est pas parfait. C'est pour cela que j'ai demandé à l'Inrae de travailler avec ses homologues à faire des propositions pour l'améliorer ” Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaireAutre nouveauté de cette version d'Écophyto : la concrétisation de la doctrine « pas d'interdiction sans alternative ». Et pour financer la recherche des solutions alternatives aux produits phytosanitaires les plus dangereux – qui auront vocation à être interdits – ainsi que l'accompagnement des agriculteurs dans ce changement de pratique, une enveloppe de 250 millions d'euros a été mise sur la table au titre de la planification écologique. Dans le détail, 146 millions seront alloués à la recherche, 50 millions à l'accompagnement des agriculteurs dans le changement de pratiques, et 20 millions seront réservés aux collectivités territoriales pour financer des mesures curatives de traitement des eaux contaminées par des substances phytopharmaceutiques. En outre, est « envisagée » la possibilité de mettre en œuvre et de financer un dispositif d'indemnisation des riverains, voire d'autres catégories de personnes ayant contracté une maladie d'origine non professionnelle en lien avec l'exposition prolongée et répétée aux produits phytopharmaceutiques. Une mesure « indispensable », mais qui « ne peut être considérée comme une politique préventive », pour un collectif regroupant des centaines de chercheurs et soignants dans une tribune du journal Le Monde.
Clap de fin pour le conseil stratégique
250 millions d'euros
C'est l'enveloppe attribuée à la recherche de solutions alternatives aux pesticides les plus dangereux et à l'accompagnement des agriculteurs pour changer de pratiquesLa stratégie Écophyto 2030 voit aussi disparaître le conseil stratégique phytosanitaire dans sa forme actuelle, comme annoncé par Gabriel Attal en février 2024, à cause de « difficultés de déploiement », lit-on dans le dossier de présentation. Le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux planche actuellement sur un remplaçant « facultatif » et « simple d'accès », incluant « un aménagement de la séparation de la vente et du conseil pour prévenir les risques de conflits d'intérêts, tout en rendant le dispositif opérationnel et économiquement viable ». Le 27 avril 2024, le Gouvernement a par ailleurs annoncé la présentation d'un texte de loi, d'ici à la fin de l'été, pour simplifier et rendre opérationnel le conseil stratégique et la séparation de la vente et du conseil.
« Démarche cohérente » pour Phytéis, organisation professionnelle représentant les fabricants de produits, « gros mensonge » pour les ONG environnementales, « choix du cancer » pour des chercheurs et soignants, cette nouvelle stratégie Écophyto ne fait clairement pas l'unanimité. À rappeler que les plans Écophytos successifs n'ont jamais rempli le contrat de faire baisser de 50 % l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, comme l'a pointé une commission d'enquête en décembre 2023.
Article publié le 07 mai 2024