Nouveau rebondissement dans l'affaire Stocamine. Le Conseil d'État a annulé, ce vendredi 16 février, l'ordonnance du tribunal administratif de Strasbourg du 7 novembre dernier. À la demande de l'association Alsace Nature et de plusieurs personnes physiques, ce dernier avait suspendu l'arrêté préfectoral autorisant le confinement définitif des déchets dangereux dans le site de stockage en couches géologiques profondes situé à Wittelsheim (Haut-Rhin).
La Haute Juridiction estime que le juge des référés du tribunal strasbourgeois a commis une erreur de droit en ne s'étant pas livré à « une appréciation objective, globale et concrète de la situation d'urgence », tenant compte de « l'urgence à exécuter l'arrêté litigieux au regard des intérêts publics [en jeu] ». Pour caractériser cette urgence, le Conseil d'État relève que les déchets les plus dangereux (déchets mercuriels, pesticides) pour la nappe phréatique d'Alsace ont été déstockés du site entre 2014 et 2017, tandis qu'aucun élément ne permet d'établir que le démarrage des travaux présenterait un danger immédiat pour l'environnement et la santé des populations.
Le Palais-Royal relève ensuite que l'option du déstockage intégral ne peut plus être envisagée compte tenu du risque d'effondrement à brève échéance des galeries souterraines, qui ne permet de réaliser les travaux dans des conditions suffisantes de sécurité que jusqu'à fin 2027. Pour l'affirmer, il se fonde sur plusieurs expertises, notamment celle du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Enfin, ajoute le Conseil d'État, la décision d'autoriser pour une durée illimitée le stockage des déchets, qui a reçu des avis favorables de plusieurs instances (conseil municipal, commission d'enquête publique, Coderst, CSPRT), a été prise sur le fondement de ces expertises « convergentes » qui concluent que la solution retenue constitue « aujourd'hui, en l'état des meilleures techniques disponibles, la plus susceptible de préserver l'environnement des atteintes que ce site de stockage de déchets dangereux pourrait entraîner à court, moyen et long termes ». La solution technique prévue consiste en la construction de barrières de béton et au remblayage des puits et des galeries vides, afin de contenir la remontée vers la nappe phréatique d'eau contaminée par les déchets stockés sur le site.
Cette décision du Conseil d'État est rendu suite au pourvoi de l'exploitant, Les Mines de potasse d'Alsace, et du ministre de la Transition écologique. Le pourvoi est motivé « par l'urgence et la conviction que l'option prise de procéder au confinement des déchets est la plus protectrice de l'environnement », avait justifié Christophe Béchu en novembre dernier. « Le Gouvernement a fait le choix de confiner pour des raisons uniquement financières, estime de son côté la députée écologiste du Bas-Rhin Sandra Regol. Pourtant, plusieurs études ont démontré que même confinés, ces déchets finiront forcément par contaminer la plus grande nappe phréatique d'Europe, mettant en péril l'accès à l'eau de millions de personnes ».
« Après cette décision, les voies de recours s'amenuisent, admet la députée, mais nous ne pouvons pas abandonner (…). Je me tiendrai bien sûr en soutien des associations comme Alsace Nature qui annoncent vouloir saisir la Cour européenne des droits de l'Homme ».