« Cela paraît peut-être impensable à l'heure actuelle mais, comme pour le textile ou le mobilier, le marché automobile se dirige vers une forme de fast fashion », insiste Laetitia Vasseur, cofondatrice et déléguée générale de l'association Halte à l'obsolescence programmée (HOP). Ce mercredi 17 avril, cette dernière a publié un rapport sur les failles de la conception et des pratiques commerciales concernant les véhicules électriques – et l'a accompagné d'une pétition adressée à la Commission européenne et aux futurs eurodéputés de la prochaine mandature.
« Une voiture électrique est vendue avec la promesse d'un véhicule plus fiable, requérant moins d'entretien, et dont le coût est donc facilement amortissable avec le temps, souligne Flavie Vonderscher, directrice du plaidoyer de l'association. Néanmoins, nous constatons que les constructeurs renversent les codes de réparabilité et d'économie circulaire jusqu'ici bien établis dans le secteur automobile en France et en Europe. » Et, à la lecture du rapport (1) de HOP, ce n'est pas exactement pour le meilleur.
Des pratiques anticirculaires
Forte de recherches, de tests et de témoignages de professionnels, l'association confirme que « les pannes et les dysfonctionnements ne sont pas à exclure », même pour un véhicule électrique. L'ennui, c'est que la réparabilité n'est pas au rendez-vous. « Un constructeur sur deux insère de la mousse ou de la résine dans les batteries électriques, pour empêcher d'ouvrir ou de désassembler leurs composants alors qu'il suffit parfois de remplacer l'un des modules défectueux pour régler leur dysfonctionnement », explique Flavie Vonderscher. Une façon pour ces entreprises de pousser à l'achat d'une batterie neuve, qui représente « environ 40 % du prix du véhicule ».
En outre, qui dit véhicule électrique ou hybride connecté, dit supports logiciel et électronique. Or, dans son rapport, HOP relève l'apparition de « verrous logiciels » résultant d'une forme de « sérialisation » de certains composants. Celle-ci empêche la portabilité logicielle d'une pièce d'un véhicule de série A vers un véhicule de série B. De surcroît, la plupart des constructeurs conservent un accès exclusif aux données informatiques des véhicules, rendant impossible la réalisation de certains diagnostics pour les réparateurs indépendants. Et « là encore, nous n'avons aucune assurance que la maintenance logicielle sera effective très longtemps », ajoutent les coautrices du rapport.
Anticiper les dix années à venir
Environ 40 %
C'est ce que représente le prix d'une batterie neuve par rapport au prix d'un véhicule électrique
Cependant, le parc automobile n'a encore qu'une petite dizaine d'années pour faire la bascule vers un marché de véhicules neufs uniquement électriques et respecter la nouvelle obligation européenne fixée à 2035. « Malheureusement, il faut généralement compter dix ans entre la conception d'un véhicule et sa mise en vente sur le marché. Il ne faut donc pas attendre une minute pour interdire les pratiques à l'œuvre chez les constructeurs si nous ne voulons pas voir un parc uniquement composé de véhicules irréparables ! » prévient Flavie Vonderscher.
Renforcer les normes européennes
Pour faire face à cette « obsolescence accélérée », HOP appelle la France et les futurs eurodéputés européens à encadrer plus strictement les pratiques des constructeurs du Vieux Continent, lorsque la proposition de règlement sur l'écoconception des véhicules, présentée en juillet 2023 par la Commission, reviendra sur la table des négociations après les élections de juin. « En l'état, le texte n'est pas satisfaisant : il n'envisage par exemple qu'à obliger les constructeurs à fabriquer des batteries démontables, mais ne dit rien sur leur ouverture ou leur désassemblage, commente la déléguée générale de l'association. Maintenir une forte diversité dans la circularité et l'occasion des véhicules et pièces détachées est à l'avantage des entreprises européennes, qui possèdent déjà ce savoir-faire, face à leurs concurrents américains et chinois. »
Hormis l'instauration d'une garantie de réparabilité complète pour les batteries pour au moins dix ans, HOP milite également pour la démontabilité et la mise à disposition de toutes les pièces durant vingt ans ainsi que l'introduction d'une garantie de maintenance logicielle pendant une période similaire (à l'instar de ce que l'Union européenne a déjà prévu avec son règlement sur les smartphones) et d'une obligation d'accessibilité aux données du véhicule pour les réparateurs.