La loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne a été définitivement adopté le 21 décembre 2016.
L'objectif de ce texte est de moderniser et d'adapter aux nouveaux enjeux le cadre fixé par la précédente loi du 9 janvier 1985. Deux députés, Annie Genevard, députée UMP du Doubs, et Bernadette Laclais, députée socialiste de la Savoie, ont travaillé à l'élaboration de la charpente du projet de texte au cours d'une mission de préparation d'un acte II de la loi Montagne. Présenté en conseil des ministres, le projet n'a pas suscité l'engouement du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Saisi en juillet dernier par le premier ministre, ce dernier avait considéré que le texte "manquait de souffle". "L'avant projet de loi Montagne manque de stratégie au regard de l'adaptation de la montagne au changement climatique", avait notamment estimé Michèle Nathan, rapporteur (groupe CFDT) au nom de la section de l'aménagement durable des territoires de l'avis du Cese.
Quelques petites avancées sont toutefois à noter dans la version définitive. Ainsi le texte intègre désormais la prise en compte et l'anticipation des effets du changement climatique "en soutenant l'adaptation de l'ensemble des activités économiques à ses conséquences, notamment dans les domaines agricole, forestier et touristique".
Les surcoûts climatiques sont inclus dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales ainsi que les services écologiques et environnementaux.
Toujours pas d'objectif de protection de l'eau et des milieux aquatiques
En revanche, la protection de l'eau et des milieux aquatiques - autre manque relevé par le Conseil - ne figure toujours pas parmi les objectifs.
Le texte mise sur le développement d'une politique d'usage partagé de la ressource en eau. Il introduit ainsi dans le code de l'environnement la promotion du stockage de l'eau afin "de garantir l'irrigation (…) et [le] maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales". Déjà introduite dans la loi Patrimoine, la loi Montagne s'est également vue proposée la même disposition de protection des moulins : "la gestion équilibrée de la ressource en eau ne doit pas faire obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques".
Dans le même temps, le texte fait un petit pas en faveur des trames vertes et bleues. Il indique que le document d'orientation stratégique, le schéma interrégional d'aménagement et de développement de massif doit prendre en compte les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques. Ce dernier sera intégré dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires.
Le texte précise également que les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) peuvent être adaptés aux spécificités des zones de montagne. Il ne donne néanmoins pas d'obligation au schéma interrégional d'aménagement et de développement de massif de prendre en compte les Schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage).
Enfin, lorsque l'agence de l'eau intervient sur des territoires situés en montagne, le comité de bassin devra veiller à ce que soient pris en compte les surcoûts liés aux spécificités de la montagne dans l'élaboration des décisions financières.
Les milieux les plus remarquables, notamment les gorges, grottes, glaciers, lacs, tourbières, marais, ainsi que les cours d'eau principalement peuplés de truites devront être désignés et les modalités de leur préservation définies. De la même manière, en fonction de la sensibilité des milieux concernés, les seuils et critères des études d'impact spécifiques devront être adaptés aux zones de montagne.
Unités touristiques nouvelles : un encadrement par les Scot ou PLU à partir de 2019
L'acte II de la loi Montagne est également revenu sur les unités touristiques nouvelles (UTN), issues de la loi de 1985. Leur objectif était de permettre le développement d'opérations touristiques en zone de montagne, tout en assurant une protection des espaces naturels et évitant un étalement urbain. Les modifications proposées ont provoqué le débat notamment lors de la Commission mixte paritaire (CMP) : la version du texte dans sa rédaction issue de l'assemblée prévoyait de revoir l'encadrement des projets d'urbanisation. Ainsi la création et l'extension d'unités touristiques nouvelles structurantes devront être prévues par le schéma de cohérence territoriale (Scot) et les UTN locales par le plan local d'urbanisme. Un décret en Conseil d'Etat doit prochainement préciser les seuils de définition de ces unités.
"Quasiment aucune station de ski aujourd'hui n'est couverte par un Scot, a réagi Martial Saddier, Les Républicains (Haute Savoie) en CMP. Si nous rétablissons le texte de l'Assemblée nationale, presque toutes les UTN devront passer par une révision des PLU, entreprise très difficile dans des zones où la moindre décision d'urbanisme suscite des contentieux". Les parlementaires ont finalement décidé d'accorder un délai de deux ans et fixé que cette disposition serait applicable à partir du 1er janvier 2019.
Durant ce laps de temps, l'autorisation de la création ou l'extension d'une UTN sera soumise à l'autorité administrative après avis de la commission spécialisée du comité de massif (UTN structurante) ou d'une formation spécialisée de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (UTN locale). Cette précision est d'autant plus importante que, par ailleurs, les règles d'urbanisme prévoient qu'à partir du 1er janvier 2017, les communes qui ne disposent pas de Scot approuvé ne pourront pas ouvrir de nouveaux secteurs à l'urbanisation.
Enfin, le nouveau texte prévoit que désormais les UTN devront prendre en compte la vulnérabilité de l'espace montagnard au changement climatique.
Dans son avis, le Cese dénonçait la tendance à l'abandon du parc locatif existant, notamment du fait de nécessaires travaux de remise en état et, dans le même temps, la construction de résidences touristiques neuves pour maintenir une offre. La nouvelle loi Montagne encourage la réhabilitation du parc immobilier de loisir existant.
Autre point à noter : l'autorisation d'exécution des travaux de réalisation de remontées mécaniques est assortie d'une obligation de démontage ainsi que de remise en état des sites. Ce démontage et cette remise en état doivent intervenir dans un délai de trois ans à compter de l'arrêt définitif. Le texte prévoit également que lorsque des remontées mécaniques n'ont pas été exploitées durant cinq années consécutives, le représentant de l'État dans le département puisse mettre en demeure l'exploitant de procéder à leur mise à l'arrêt définitive.
Par ailleurs, la loi propose différentes dispositions pour étendre la couverture du réseau de téléphonie mobile et de très haut débit dans les territoires de montagnes.
Faciliter l'accès aux massifs forestiers en vue de leur exploitation
Parmi les objectifs fixés par la loi figure un soutien à la gestion durable des forêts et le développement de l'industrie de transformation des bois, de préférence à proximité des massifs forestiers. Le texte souhaite faciliter l'accès aux massifs forestiers en vue de leur exploitation, d'encourager leur aménagement durable, de favoriser le reboisement et d'encourager l'entreposage et le stockage de bois sur des sites appropriés et la présence d'outils de transformation à proximité des zones d'exploitation du bois. Ces objectifs peuvent être pris en compte par les documents d'urbanisme.
Pour encourager la reconquête des terres agricoles de montagne, la loi supprime en zones de montagne l'obligation de compensation au défrichement de boisements spontanés de première génération, intervenus sans aucune intervention humaine et âgés de moins de quarante ans.
Dans un communiqué, les chambres d'agriculture ont toutefois regretté "la définition floue autour de l'état de boisement d'une parcelle qui laisse libre court à des interprétations subjectives et pourraient entraîner des conflits d'intérêt entre agriculteurs et administration territoriale". Une aide directe au revenu sera néanmoins allouée aux exploitants agricoles en montagne "proportionnée au handicap objectif et permanent qu'il[s] subi[ssent]".
Le texte encadre également les sanctions pour coupes illicites de bois : il aligne les sanctions encourues pour coupes illicites en forêt publique sur celles qui sanctionnent de telles coupes pratiquées en forêt privée, et instaure ainsi un plafonnement des amendes à quatre fois et demie la valeur du bois coupé.
L'acte II de la loi Montagne introduit dans le code rural et de la pêche maritime que les moyens de lutte contre les actes de prédation d'animaux d'élevage sont adaptés, dans le cadre d'une gestion différenciée, aux spécificités des territoires, notamment ceux de montagne.
Initialement,le projet de texte prévoyait que la charte des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux situés en montagne puisse définir des zones de tranquillité qui garantiraient l'absence de nuisances pour les espèces animales et végétales sauvages. Cette disposition a été supprimée de la version définitive." Les zones de tranquillité auraient menacé les pâturages traditionnels, les parcs nationaux peuvent être protégés autrement", a estimé Gérard Bailly, sénateur Les républicains (Jura), lors des discussions en séance publique au Sénat.