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''La multiplication par 6 de la production d'énergie à partir de géothermie, il va falloir aller la chercher !''

La géothermie Actu-Environnement.com - Publié le 14/02/2011
La géothermie  |    |  Chapitre 1 / 6
Philippe Vesseron, Président d'honneur du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), préside le Comité national de la géothermie, installé le 4 octobre 2010 par Jean-Louis Borloo afin d’accélérer le développement de la géothermie en France. Il revient sur les objectifs ambitieux liés au Grenelle et sur les atouts et les freins de la géothermie en France.

Actu-Environnement.com : La France, lors du Grenelle de l'environnement, a fixé des objectifs ambitieux pour la géothermie…
Philippe Vesseron :
La France a de nombreux atouts dans ce domaine, mais on en parle peu. En 2008, selon les chiffres d’EurObserv’ER, la France disposait d'une capacité de production de chaleur géothermique de 1.678 mégawatts (MW) contre 11.000 MW au niveau européen. Pour l'électricité, elle atteint 16,5 MW contre 719 MW en UE, largement portés par l'Italie avec 670 MW de capacité. La France possède donc le deuxième parc installé en Europe, après la Suède. Elle se place en première position au niveau des emplois liés à la géothermie, avec 13.700 emplois contre 29.000 en Europe.
La France a été pionnière dans le développement de la géothermie. De nombreux réseaux de chaleur en Ile-de-France et en Aquitaine ont été créés entre 1975 et 1985 avec des investissements importants pendant toute cette période. Mais tout s'est arrêté brutalement en 1985 pour deux raisons indépendantes mais simultanées : d’une part, le contrechoc pétrolier a affaibli la compétitivité de la chaleur géothermale, d’autre part, quelques-uns des réseaux de chaleur ont connu d'importants problèmes de corrosion, qui ont entraîné des difficultés économiques graves. Le développement de la géothermie a été arrêté sans malheureusement que l'on tire de véritable retour d'expérience. Et en plus, exactement au même moment, l’Etat demandait à l'Agence Francaise pour la Maîtrise de l'Énergie (ancêtre de l'ADEME) et au BRGM de réduire leurs effectifs assez fortement, dans tous leurs domaines d’activités. Il a fallu attendre les années 2000 pour que la géothermie redevienne un sujet de réflexion collective. Les choses se sont accélérées avec les Etats généraux de l'Outre-mer et le Grenelle de l'environnement qui ont souligné l'importance des énergies renouvelables.

AE : Quels sont les atouts de la géothermie ?
PV :
La géothermie est une énergie renouvelable non intermittente, qui produit jour et nuit et en toute saison, contrairement à d'autres EnR. C'est une énergie compétitive, mais chaque forme de géothermie a ses bons domaines d’application. Atouts et blocages sont différents pour les différentes géothermies.
Les pompes à chaleur géothermiques (PACG) se développent fortement car, dans le tertiaire et le résidentiel, la tendance est à l'utilisation de diffuseurs à basse température qui sont très cohérents avec les PAC à haut rendement : c’est en particulier le cas des planchers chauffants ou chauffants et rafraichissants. Entre 10.000 et 20.000 PACG sont installées chaque année actuellement. La plupart des emplois que je citais sont liés à cette forme de géothermie.
Les réseaux de chaleur, qui utilisent la chaleur souterraine à une profondeur moyenne d'un à deux kilomètres, ont été principalement développés en Ile-de-France et en Aquitaine et plusieurs réseaux réalisent actuellement des extensions avec des doublets supplémentaires. Mais ceci pourra concerner aussi d'autres régions. La seule difficulté est que les ressources ne sont pas toujours situées à proximité des lieux de consommation.
La géothermie permet également de produire de l'électricité avec une ressource à très haute température. D'abord dans les îles volcaniques, qui sont très dépendantes au niveau énergétique : on parle des « Zones Non Interconnectées ». Cette technique est développée en Islande, en Indonésie, dans les Açores et chez nous en Guadeloupe, via des installations de quelques dizaines de mégawatts. Un projet de recherche très européen est également en cours à Soultz-Sous-Forêts pour exploiter la géothermie de très grande profondeur. Aujourd'hui, sur le continent européen, le prix de l'électricité est bas et l'électricité géothermique est peu compétitive. Ces recherches portent donc sur le moyen et long terme. En revanche, dans les îles volcaniques, où le coût de l'électricité est affreusement élevé, l’électricité géothermique est dès maintenant très intéressante. En juillet 2010, l'Etat a revu à la hausse les tarifs d'achat pour encourager son développement, de 10 cents/kWh en 2006 à 13 cents/kWh en 2010. Dans ces îles, la production d'électricité par le fioul coûte 20 cents/kWh. La loi Grenelle 2 a aussi supprimé plusieurs freins.

Les objectifs du Grenelle sont donc très cohérents : atteindre à l'horizon 2020, 800.000 tonnes équivalent pétrole (tep) pour les PACG, 500.000 tep pour les réseaux de chaleur et 90.000 tep pour l'électricité en Outre-mer. Mais cette multiplication par 6 de la production d'énergie à partir de la géothermie, il va falloir l'obtenir !

AE : Quels sont les principaux freins aujourd'hui ?
PV :
Le premier frein concerne la réglementation. Les procédures administratives qui encadrent le développement de la géothermie ont été définies en 1977-1978. À l'époque, on ne pensait qu’à la géothermie très profonde, avec prélèvement d’eau souterraine ou de vapeur. Les mécanismes mis en place sont très lourds, avec une, deux ou trois autorisations de l’Etat, après autant d’études d’impact et autant d’enquêtes administratives et publiques. Est-ce légitime pour toutes les géothermies ? Les premières recommandations du comité national de la géothermie, présentées à Orly en octobre 2010 à Jean-Louis Borloo, concernaient ce point. Une ordonnance vient d'être publiée amorçant la refonte du code minier : nous sommes donc bien au début d'un processus de modernisation. Ce sera une longue marche mais il y a urgence.
Le deuxième point de blocage porte sur les ressources humaines. Pour atteindre ses objectifs, la France doit disposer de professionnels formés. On estime à 80.000 le nombre d'emplois liés à la géothermie d'ici 2020. Une réflexion doit être menée sur l'offre de formation. À l'heure actuelle, la géothermie se développe parce qu'elle bénéficie d'une bonne image chez ceux qui construisent leur maison ou un bâtiment municipal. Il faut faire attention à ce que cela ne change pas, et mettre l'accent sur la qualité, la certification, la maîtrise des coûts, le service demandé par chaque type d’utilisateur. Il faut également diffuser davantage d'informations auprès de tous les publics – en particulier via l’internet - et permettre à chacun d’avoir les moyens de former son jugement.

Propos recueillis par Sophie Fabrégat

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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