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AZF : retour sur l'accident qui a marqué la gestion du risque industriel en France

Risque industriel : quelles évolutions depuis AZF ? Actu-Environnement.com - Publié le 19/09/2011
Risque industriel : quelles évolutions...  |    |  Chapitre 1 / 6
Le 21 septembre 2001, l'explosion de l'usine AZF provoquait une onde de choc. L'accident, qui a entraîné 31 décès, des milliers de blessés et de nombreux dommages matériels a mis en lumière les failles de la gestion du risque industriel en France.

Vue aérienne de lVue aérienne de l'usine AZF en 1996
© Archives Grande Paroisse

Dix ans après, la catastrophe AZF est encore dans toutes les mémoires. Le 21 septembre 2001, l'usine chimique classée Seveso 2 explosait à Toulouse. Soit dix jours après les attentats du World Trade Center de New York. La détonation était telle qu'elle équivalait à un séisme de puissance de 3,4 sur l'échelle de Richter ! Le site de l'usine, propriété de la société Grande Paroisse, filiale de Total, a été totalement détruit. Les alentours ont été soufflés à plusieurs centaines de mètres à la ronde à l'Est et au Sud de la ville rose.
Bilan : 31 morts (dont 21 travaillant au sein de l'usine AZF) et plus de 2.500 blessés. La catastrophe a également détruit 30.000 foyers et fait 85.000 sinistrés. 71.000 dommages matériels ont été recensés, pour lesquels le groupe Total a versé plus de 2 milliards d'euros d'indemnités. 40 à 50 millions d'euros ont été débloqués par Total pour dépolluer la zone de fin 2004 à 2007. L'ancien site chimique qui s'étendait sur 78 hectares a aujourd'hui fait place à un projet de Cancéropôle.

La piste de l'accident privilégiée par les experts

L'explosion d'AZF était-elle due à un accident ? Un acte volontaire, malveillant voire terroriste ? De nombreuses hypothèses ont été avancées pour tenter d'expliquer l'explosion de 300 tonnes de nitrate d'ammonium, équivalent, selon les experts, à 100 tonnes de TNT, stockées dans le hangar 221 de l'usine AZF produisant des engrais.

Cratère après lCratère après l'explosion de l'usine
© Archives Grande Paroisse
Après avoir évoqué la piste d'un attentat, dans le contexte post-11septembre, l'instruction qui a duré sept ans a conclu à un accident chimique provoqué par une erreur de stockage. Le rapport final des experts judicaires sur les causes de l'explosion a été remis en mai 2006. Le nouveau scénario reprenait les conclusions d'une expertise de détonique qui a reproduit l'explosion en 2005. Selon les experts, un ouvrier d'une entreprise sous-traitante aurait mélangé par inadvertance du nitrate d'ammonium avec des produits chlorés à l'origine de l'explosion. Le DCCNa (note : Dichloro isocyanurate ou troclosène de sodium), un dérivé chloré aurait été déversé sur le tas de nitrate d'ammonium stocké dans le hangar 221. Un rapport d'étape remis en juin 2002 avait déjà pointé les négligences dans la manutention et le stockage des deux produits.
Pour les experts, cette catastrophe est due au stockage imprudent dans le même hangar des matières chlorées et nitratées explosives lorsqu'elles sont combinées. Selon la thèse de l'instruction, quelques kilos de DCCNa auraient été ''pris en sandwich entre le nitrate d'ammonium mouillé et le nitrate industriel sec''. Le DCCNa aurait réagi avec l'eau et libéré du trichlorure d'azote (NCl3), piégé au milieu du sandwich avec du nitrate dessus (NAI) et du nitrate dessous. Le trichlorure d'azote aurait alors produit une micro-explosion ''qui a entraîné la détonation du tas de nitrate d'ammonium''. Le rapport final a dénoncé ''les négligences et manquements en série'' et ''la méconnaissance de la réelle dangerosité des nitrates''.

La piste de l'accident chimique a donc toujours été privilégiée par les experts judiciaires. Ces derniers avaient balayé toutes les autres hypothèses envisagées depuis 2001 : attentat, incendie, foudre ou encore trafic de chlore par certains salariés… Y compris l'hypothèse établie par une commission d'enquête interne à l'usine AZF qui accusait la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), une entreprise voisine, d'avoir provoqué un arc électrique à l'origine de l'explosion. AZF soutenait que l'arc aurait été issu d'un court-circuit produit dans le transformateur d'une intensité de 5.500 ampères.

Premier procès en 2009 : aucune condamnation

Mais après huit ans de procédure, Total a toujours contesté cette thèse accidentelle retenue par la justice mettant en cause sa responsabilité. Le 23 février 2009 s'ouvrait le premier procès du genre devant le tribunal correctionnel de Toulouse. Il a duré quatre mois. Sur le banc des prévenus figuraient Serge Biechlin, l'ancien directeur d'AZF (mis en examen en juin 2009) et la société Grande Paroisse (mise en examen en mai 2006), poursuivis pour ''homicides et blessures involontaires'' et ''destruction de biens''. Plus de 1.800 parties civiles, une soixantaine d'avocats et des dizaines d'experts avaient également pris part aux audiences.

Le site de lLe site de l'usine a été totalement détruit
© Marco Dufour
Ce procès fleuve était censé apporter des éléments de réponse sur les causes du drame. Mais le verdict, rendu le 19 novembre 2009, s'est finalement soldé par une relaxe générale ''au bénéfice du doute'' des prévenus. Or, en juin 2009, le parquet avait requis trois ans de prison avec sursis et 45.000 euros d'amende contre Serge Biechlin, et 225.000 euros contre Grande Paroisse. Mais le tribunal a jugé que les preuves manquaient pour soutenir la thèse de l'instruction. ''Le dommage est patent, les fautes sont toutes en lien avec le croisement de deux produits incompatibles, le DCCNa et le nitrate d'ammonium qui a explosé, mais il manque le dernier maillon, la preuve de la présence de DCCNa dans la benne déversée sur le tas de nitrates une demi-heure avant l'explosion", avait alors expliqué le président du tribunal. Toutefois, ''une franche collaboration de Grande Paroisse et de sa commission d'enquête interne auraient permis l'analyse de la benne et aurait rendu inutile l'intervention d'institutions judiciaires", avait-il ajouté. ''Le tribunal ne peut fonder son jugement sur des hypothèses et des probabilités'', indique le texte du jugement.
Le tribunal a en revanche dénoncé des négligences de la société Grande Paroisse dans l'usine : stockages anormaux, absence de caméras de sécurité, de système de chauffage ou de lutte contre l'incendie dans le hangar. Mais le lien de causalité entre ces fautes et les dommages provoqués par une ''série de dérives organisationnelles'' demeure ''incertain''. Le tribunal a donc jugé qu'on ne pouvait prouver que les défaillances de Grande Paroisse étaient à l'origine de l'explosion. En 2004, un non-lieu avait déjà été confirmé pour 10 salariés de l'usine AZF et l'un des salariés d'un sous-traitant mis en examen pour non-observation des règles de sécurité et autres manquements.
Le scénario exact de l'accident n'a donc pas pu être établi. Quant au groupe pétrolier et son ex-dirigeant Thierry Desmarest, ils ont été mis ''hors de cause'' par le tribunal, au grand dam des parties civiles qui réclamaient leur comparution.

La vétusté du site et des négligences de Total en débat

L'ex-directeur d'AZF condamné pour pollution de la Garonne
Moins d'un mois après l'explosion, entre le 17 octobre et le 19 octobre 2001, l'usine AZF a rejeté plus de trois tonnes d'ammonium dans la Garonne. Ce déversement a pollué le fleuve sur 1,5 km et entraîné la mort de 8.000 poissons de 14 espèces. Les associations environnementales France nature environnement (FNE), les Amis de la Terre et l'Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER-TOS) ont porté plainte contre Serge Biechlin pour pollution de la Garonne. Les trois associations se sont portées parties civiles dans ce dossier aux côtés du Syndicat mixte d'études et d'aménagement de la Garonne (SMEAG). La cour d'appel de Toulouse a confirmé le 30 juillet 2008 la condamnation de l'ex-directeur de l'usine chimique pour ''avoir jeté, déversé et laissé écouler dans la Garonne de l'eau ammoniacale dont l'action ou les réactions ont détruit le poisson ou nui à sa nutrition, sa reproduction ou sa valeur''. La cour a maintenu le jugement de première instance d'avril 2007 qui prévoyait le versement de 28.125 euros de dommages et intérêts à chacune des parties civiles. En revanche, la cour a ramené l'amende de 10.000 à 8.000 euros. Les parties civiles se sont félicitées de cette décision.''Nous espérons que cette nouvelle condamnation permettra d'éviter de nouvelles pollutions sur le terrain'', avait alors déclaré Raymond Léost, Vice-président de FNE.
La vétusté du site classé ICPE (Installations classées pour la protection de l'environnement) depuis 1976 avait pourtant été pointée du doigt lors du procès pouvant accabler Total. L'usine a été construite en 1924, mais l'essentiel des installations d'AZF datait de 1960, selon Grande Paroisse. ''Le site était vétuste, il y avait des pollutions régulières d'ammonium dans la Garonne. Pour le stockage du chlore, il y avait un hangar avec des portes en bois. L'eau s'infiltrait'', a déclaré Gabriel Ullmann, responsable d'audit environnement, l'un des témoins appelés à la barre, selon le quotidien La Dépêche du Midi. Ce dernier avait audité trois fois l'usine AZF en 1998, 1999 et 2000. Il avait également fait état d'une ''mauvaise gestion des déchets'', de ''mélange de déchets'', de ''pollution régulière diffuse dans la Garonne'' et d'un ''climat social mauvais''. ''J'ai vu une benne avec des déchets venant de différentes parties du site qui n'auraient jamais dû se trouver ensemble (…). Certains ateliers étaient à même le sol, sans étanchéité, débordant dans la Garonne (…) Et ces tas d'ammonitrates qui traînaient : même le personnel s'en plaignait !'' Même son de cloche chez l'association des sinistrés du 21 septembre : ''tout le monde savait qu'AZF était vétuste et beaucoup craignaient un drame'', expliquait Franck Biasotto, le vice-président lors de l'audience.

AZF était classé Seveso depuis 1989, date à laquelle la préfecture de Haute-Garonne avait défini une zone de protection autour de l'usine. Puis le site a été classé Seveso seuil haut depuis la transposition en mai 2000 de la directive Seveso 2 en France visant à renforcer la prévention des risques technologiques majeurs des installations. Soit un an avant la catastrophe. La nouvelle directive plus contraignante que la précédente durcit notamment les obligations de sécurité pointées du doigt par le tribunal mais aussi par les parties civiles qui estiment que la branche chimie de Total n'a pas pris les précautions nécessaires pour éviter l'accident. Mais Total et Grande Paroisse se sont toujours défendus d'avoir assuré la mise en sécurité du site. ''L'usine que j'avais l'honneur de diriger respectait toutes les normes de sécurité et n'avait absolument rien d'une usine poubelle", a déclaré l'ex-directeur de l'usine AZF Serge Biechlin lors du procès. ''Aucun accident avec arrêt n'avait été à déplorer entre 1988 et 2001. Le site de Toulouse répondait pleinement aux exigences de la réglementation Seveso 2''''était certifiée ISO 9002 (management de qualité, ndlr) depuis le milieu des années 1990 et se trouvait être le premier site de la branche Chimie du Groupe à avoir une certification ISO 14001 (management environnemental,ndlr) depuis 1998'', a fait valoir le groupe. L'ancien délégué syndicaliste CGT de l'usine, Jacques Mignard (à la tête de l'association Mémoire et solidarité) avait également évoqué un ''souci constant'' de sécurité alors qu'il est accusé par d'autres associations de victimes d'être instrumentalisé par Total. Le site n'était toutefois pas certifié par la norme OHSAS 18001 dédiée au management de la sécurité lancée en 1990.

La fermeture d'AZF pour des raisons économiques avait également été plusieurs fois envisagée : les effectifs de l'usine étaient passés de 3.800 employés en 1960 à 1.150 en 1995 puis 450 en 2001 (et plus de 200 employés en sous-traitance). La catastrophe s'est produite alors que la rentabilité de cette usine vieillissante n'aurait plus été suffisante pour justifier de réparations coûteuses, selon les associations. Or, Grande Paroisse a souligné avoir mené des ''importants travaux'' de maintenance de l'usine avant l'explosion en 1997.

Bientôt un procès en appel

En novembre 2009, le parquet a fait appel du jugement. Le procès s'ouvrira le 3 novembre 2011 devant la cour d'appel de Toulouse, pour quatre mois.

Rachida Boughriet

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Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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