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Conférence des Nations unies sur l'eau : « Les engagements ne sont pas à la hauteur des enjeux »

La 2e conférence des Nations unies sur l'eau depuis 1977 s'est achevée le 24 mars dernier. Bilan de l'événement avec Sandra Métayer, coordinatrice du groupement d'associations engagées sur les questions de l'eau et l'assainissement, la Coalition Eau.

Interview  |  Eau  |    |  D. Laperche
Actu-Environnement le Mensuel N°435
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°435
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Conférence des Nations unies sur l'eau : « Les engagements ne sont pas à la hauteur des enjeux »
Sandra Métayer
Coordinatrice du groupement d’associations engagées sur les questions de l’eau et l’assainissement, la Coalition Eau.
   

Actu-Environnement : Quelles sont les avancées de cette conférence des Nations unies sur l'eau ?

Sandra Métayer : Le format de la conférence ne permettait pas de négociations formelles et donc n'aboutit pas à un document adopté par les États. Nous avons calibré nos attentes en fonction. Le débat général s'est présenté sous la forme de déclarations de chaque État, qui se sont assez souvent résumés à des présentations des enjeux des politiques nationales, avec parfois la mise en avant d'enjeux internationaux. Mais généralement, ces prises de parole étaient des déclarations d'intentions.

Le principal livrable de la conférence est le programme d'action pour l'eau (Water Action Agenda) : tous les autres acteurs – entreprises, ONG, institutions académiques, etc. - pouvaient enregistrer des engagements sur une plateforme en ligne. Aujourd'hui, plus de 700 engagements ont été enregistrés. L'opération continue : le Water Action Agenda reste ouvert. Mais les engagements ne sont pas à la hauteur des enjeux pour atteindre l'ODD 6. Ils constituent un programme d'actions complétement disparates et non contraignantes. Bien loin de la réponse collective, coordonnée et stratégique attendue des États face à la crise de l'eau.

Il y a eu toutefois des avancées non tangibles : de plus en plus de pays se sont exprimés en faveur du renforcement du rôle de l'ONU sur l'eau et pour l'organisation régulière de réunions et de conférences. En parallèle du débat général, au cours des dialogues interactifs, des États ont adopté des positions assez fortes, comme Singapour qui, à travers son ministre de l'Environnement, a proposé que la prochaine Conférence des Nations unies sur l'eau se tienne en 2026. C'est assez ambitieux, sachant que la conférence de cette année était seulement la deuxième organisée depuis la création des Nations unies, quarante-six ans après la première organisée en Argentine, à Mar-del-Plata, en 1977. Autre fait marquant : beaucoup d'États dans leurs déclarations ont mis en avant les questions d'interdépendance à travers l'eau. Avant, l'eau était considérée comme un enjeu local, comme un stock, une ressource présente à un endroit et non comme un flux.

AE : Est-ce que cette prise de conscience de cette interdépendance peut se traduire en une structuration de la gouvernance de l'eau ? Le manque de gouvernance mondiale de l'eau fait en effet partie des freins identifiés à l'atteinte de l'Objectif de développement durable n°6 (ODD 6) – de garantir l'accès universel et équitable à l'eau potable, à l'hygiène et à l'assainissement d'ici à 2030.

SM : Cette question a été un vrai sujet en filigrane de la conférence. Avant, parler de la gouvernance de l'eau à l'échelle mondiale constituait un vrai tabou : beaucoup d'États voyaient d'un mauvais œil les discussions onusiennes sur l'eau parce qu'ils considéraient que cela pourrait menacer leur souveraineté nationale, cette ressource vitale faisant l'objet de concurrence.  Ce que nous avons vu à la conférence était toutefois encourageant : un certain nombre de déclarations d'États allaient dans le sens d'une prise de conscience du manque d'espace et d'échange entre États sur les enjeux de l'eau.

Car le problème de la thématique de l'eau est que nous considérons qu'elle est traitée partout – elle fait partie du portefeuille de 32 agences et programmes des Nations unies -, mais en fait, elle ne l'est réellement nulle part et pas dans une vision cohérente et holistique des enjeux. À aucun moment, nous réfléchissons l'eau en tant que cycle global, comme une seule et même ressource qu'il convient de gérer de façon partagée entre les usages, etc.

Le sujet est quasiment absent de l'agenda international : en dehors de conventions sur les eaux transfrontalières - ratifiées par seulement un tiers des États -, nous n'avons pas de traité international, ni d'agence des Nations unies ou de fonds internationaux consacrés aux questions de l'eau. L'ODD 6 et les Nations unies ont reconnu l'accès à l'eau potable et à l'assainissement comme un Droit de l'homme (1) en 2010 - reconnaissance d'ailleurs très tardive -, mais nous ne disposons pas non plus d'espace intergouvernemental ou de cycle de réunions onusiennes régulières sur l'eau.

Pourtant, nous considérons que c'est une question qui devrait être traitée sur le plan international parce que les États sont interdépendants en matière d'eau. Ils s'échangent également de l'eau virtuelle à travers les biens de consommation qui circulent. Dans un contexte de multiplication des crises humanitaires, l'eau est aussi un enjeu de solidarité internationale.

AE : Pour améliorer la situation, vous soutenez la proposition de création d'un poste d'envoyé spécial des Nations unies sur l'eauQu'en est-il de sa concrétisation ?

SM : Nous avons progressé dans l'installation d'un envoyé spécial des Nations unies sur l'eau. Cette proposition est portée par 150 États. Initialement, nous nous attendions à ce que sa création soit annoncée en clôture de la conférence. Mais António Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a indiqué qu'il allait considérer cette proposition dans les prochains mois. Nous sommes assez confiants sur l'aboutissement de la démarche, ce serait une avancée forte pour la question de la gouvernance.

Ce que nous avons compris, c'est que les États sont encore en train de négocier sur les termes de référence de ce poste. Même s'il y a un consensus assez large sur sa création, la question derrière est celle de son mandat, de son poids politique, de ses objectifs. Et des États qui soutiennent sa création en façade peuvent aussi essayer d'influencer pour que son mandat et son poids politique soient très limités. Notre compréhension est qu'il y a encore des tractations diplomatiques assez fortes sur ce qu'on met à l'intérieur de ce poste d'envoyé spécial.

AE : Quels sont vos souhaits pour le dimensionnement de ce poste ?

SM : Nous aimerions que l'envoyé spécial ait un mandat politique qui lui permette d'interpeler les États sur des enjeux d'eau et de convoquer des réunions intergouvernementales régulières. Dans l'idéal, il faudrait qu'il puisse examiner certaines situations particulières, par exemple des cas de violation des droits humains à l'eau et l'assainissement, des compétitions entre États ou usagers autour du partage des ressources en eau. Mais ce point est utopique, car il fait partie des sujets brûlants que les États ne souhaitent pas aborder au niveau des Nations unies. En guise d'illustration, les outils dont dispose la communauté internationale - les deux conventions sur les eaux transfrontalières - sont ratifiées seulement par un tiers des États. Donc beaucoup de situations ne sont pas encadrées.

Une autre de nos attentes serait que l'envoyé spécial puisse jouer un rôle dans le suivi des engagements pris. Il faudrait également trouver un « champion de l'eau », qui incarne la thématique et la rende très visible au niveau de l'ONU, en particulier dans les autres espaces politiques qui traitent indirectement de l'eau (agriculture, santé, commerce, environnement, etc.). L'objectif serait d'éviter que nous nous retrouvions dans des situations comme dans le cadre de l'Accord de Paris sur le climat où l'eau ne figure pas dans le texte alors qu'elle est le principal vecteur par lequel nous ressentons les effets du changement : inondations, sécheresse, évolutions des précipitations, etc.

Nous aimerions que l'envoyé soit conseillé par un comité constitué d'États, mais aussi de représentants de la société civile qui illustreraient la diversité des acteurs du domaine de l'eau.

AE : Quelles sont les prochaines étapes ?

SM : Nous sommes dans une séquence internationale intéressante cette année pour faire des progrès concrets sur les questions de l'eau. En septembre 2023 s'ouvre la prochaine Assemblée générale des Nations unies, mais également le Sommet des Objectifs de développement durable dans le cadre de l'agenda 2030. L'ODD 6 va y être passé en revue.

L'enjeu est que le secrétaire de l'ONU nomme l'envoyé spécial d'ici à septembre. Nous espérons également que l'Assemblée générale des Nations unies adopte une résolution pour que soient organisées des réunions intergouvernementales régulières sur l'eau, dans l'idéal dès 2026, comme le propose Singapour. Nous cherchons des mécanismes qui permettent de passer de déclarations d'États à des prises de décisions et à une plus grande redevabilité sur la mise en œuvre des engagements nationaux et internationaux.

1. Lire Le droit à l'assainissement, un nouveau droit de l'homme<br /><br /><br />
https://www.actu-environnement.com/blogs/henri-smets/142/droit-assainissement-academie-eau-henri-smets-221.html

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