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Politique agricole commune : quand les écologistes mettent leur nez dans les négociations

Les ONG écologistes ont pesé sur la réforme de la PAC, estime le ministère de l'Agriculture. En introduisant la notion de "biens publics", elles ont obtenu son verdissement, même si les représentants agricoles ont repris la main sur la fin.

Agroécologie  |    |  P. Collet

"Le processus de réforme de la politique agricole commune (PAC) pour la période 2014-2020 s'est déroulé dans un contexte institutionnel inédit, qui a favorisé la participation d'une grande diversité d'acteurs au débat communautaire", explique le ministère de l'Agriculture dans une note (1) de son Centre d'étude et de prospective (CEP) publiée mercredi 15 juillet. Si, l'exercice est "particulièrement codé", "le temps où [il] n'était l'affaire que des syndicats agricoles, des hauts fonctionnaires de la Commission et des diplomates est révolu", explique le document, constatant l'implication des think tanks, des ONG environnementales et des plateformes de la société civile.

Ce document s'intéresse, via l'enjeu environnemental de la réforme de la PAC, à la manière dont certains acteurs se sont mobilisés et ont appris à exercer une influence en amont des négociations. "L'expertise scientifique et économique dont ils ont su faire preuve semble avoir été déterminante dans la mise sur l'agenda politique de la notion de «biens publics», qui s'est traduite ensuite en «verdissement»", estime le CEP, ajoutant qu'"en définitive, le nouveau cadre institutionnel semble renforcer l'importance de la phase amont du processus de décision, phase qui se joue surtout sur le plan des idées".

Le tournant des années 1990

Depuis sa création en 1962, la PAC a été pilotée par la Commission européenne et les organisations agricoles représentées par le Comité des organisations professionnelles agricoles et la Confédération générale des coopératives agricoles de l'Union européenne (Copa-Cogeca). Cependant, la réforme de 1992, en instaurant les aides compensatoires, a rendu plus visibles les contributeurs et bénéficiaires. "Cette soudaine visibilité fait surgir des débats sur l'équité et la justice sociale entre pays, entre agriculteurs, et porte sur la scène européenne la question des relations entre PAC et environnement", explique le CEP.

Toujours durant les années 1990, "les crises sanitaires [ont contribué] aussi à la remise en cause du modèle d'agriculture favorisé par la PAC", estime la note. Ce mouvement a été concomitant à la montée en puissance des ONG environnementales. Quant à la Commission européenne, elle s'est ouverte à ces nouveaux acteurs, notamment "pour promouvoir les réformes auxquelles elle souhaite aboutir".

Enfin, la réforme de la PAC pour 2014-2020, s'est déroulée dans "un contexte inédit", marqué par trois aspects. Tout d'abord, il s'agissait de la première négociation sur la PAC à 27 Etats membres. Ensuite, l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a élargi à l'agriculture les prérogatives législatives du Parlement européen. Enfin, le début des négociations en 2008 a été marqué par "une flambée historique des prix des céréales" et une crise financière.

Concrètement, la consultation publique lancée début 2010 par le commissaire à l'Agriculture, Dacian Ciolos, symbolise ces changements. "Il s'agit d'afficherque la PAC n'est pas qu'une politique pour les agriculteurs", résume la note, faisant état de plus de 5.500 contributions issues d'acteurs variés.

La notion de biens publics s'impose...

L'un des enjeux de la réforme étant de justifier les aides versées aux agriculteurs, certains acteurs ont proposé très tôt de les réorienter pour les légitimer sur la base de la notion de "biens publics", c'est-à-dire de "biens dont aucun bénéficiaire ne peut être exclu,et dont la consommation par un ou des individus n'en diminue pas la disponibilité". "Une approche spécifique se développe", estime le CEP, précisant qu'elle "entend restreindre le champ de l'intervention publique à la correction de défaillances de marché et aboutit à des listes d'externalités, en majorité environnementales (biodiversité, piégeage de carbone, etc.),susceptibles de justifier la dépense d'argent public". Les think tanks économiques (2) sont les premiers à soutenir cette nouvelle approche.

Cette expertise va "très tôt" être reprise par les ONG environnementales. "Dans le cadre de cette réforme, les réseaux d'ONG environnementales vont petit à petit s'élargir à des acteurs non-environnementalistes, augmentant ainsi leur notoriété", explique le document, précisant que "des propositions communes sur la PAC, mobilisant le concept de biens publics, sont publiées fin 2009 par cinq organisations (3) ". Le mouvement se poursuit, et "avec cette coalition inédite, le concept de biens publics est au cœur d'un compromis entre propriétaires fonciers et environnementalistes, l'objectif étant de justifier le budget des aides directes de la PAC par une réorientation de celles-ci vers la rémunération de services environnementaux". Finalement, la notion est inscrite "très en amont" à l'agenda de la réforme.

...et entraîne le verdissement de la PAC

Parallèlement, "[la] «logique molle» [de la notion de biens publics] se prête à des interprétations variées", ce qui va assurer son succès au-delà des écologistes. Ainsi, la Copa-Cogeca réinterprète la notion et ses documents listent une large gamme de biens publics que la PAC permet à l'agriculture de fournir. Cependant, certains acteurs, à l'image de la Coordination européenne-Via campesina, s'y opposent "en raison de la logique de «monétarisation» des paysages et de la biodiversité qu'elle implique", même s'ils souhaitent voir récompensées les pratiques sociales et respectueuses de l'environnement.

"Au total, si l'idée que la PAC doit garantir la fourniture de biens publics est partagée,les avis divergent quant aux moyens d'y arriver", constate l'étude, ajoutant que "pour les uns la notion de biens publics est un argument pour défendre le statu quo, tandis que pour les autres elle justifie un changement radical".

Finalement, la Commission introduit dans sa proposition de réforme le principe d'un "verdissement" du premier pilier de la PAC et propose de verser 30% des aides sous condition du respect de certaines pratiques agro-environnementales. "À travers l'introduction d'une nouvelle forme de ciblage des aides directes, plutôt qu'un renforcement des mesures agro-environnementales du deuxième pilier, c'est donc le principe d'une rémunération des biens publics environnementaux que la Commission reprend pour justifier la PAC", analyse le ministère de l'Agriculture, précisant que "[cette] réorientation n'est que partielle puisque la rémunération n'est pas calculée sur la base des biens publics produits par chaque exploitation".

Avec cette approche, la Commission "cadre fortement le débat qui va suivre" et la discussion sur les biens publics se transforme en débat sur le verdissement. Certaines ONG s'en saisissent et "plusieurs syndicats [agricoles] considèrent que s'opposer publiquement à ces orientations peut compromettre les efforts de défense du budget de la PAC". Ainsi, d'opposant au verdissement, Copa-Cogeca devient "force depropositions sur le contenu des mesures".

Suivent ensuite les négociations au Conseil, au Parlement européen et entre les deux institutions. Les débats au Conseil "vont surtout porter sur la défense d'une application plus flexible [du verdissement]" et "c'est donc au Parlement que se concentre l'action des groupes d'intérêts". De par leur expertise et leur représentativité, les organisations agricoles "[se sont avérées], à ce stade de la négociation, mieux armées que les organisations de la société civile pour défendre leurs visions du verdissement".

1. Consulter le document.
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-22292-Note-CEP-verdissement-de-la-pac.pdf
2. Notamment Notre Europe, l'European Centre for International PoliticalEconomy (ECIPE), l'Institute forEuropean Environmental Policy (IEEP) ou Rural Investment Support for Europe (RISE).3. Il s'agit du document "Proposal for a new EU Common agriculture policy" présenté en 2009 par Bird Life International, le Bureau européen pour l'environnement (BEE), le WWF, l'IFOAM, l'EFNCP.

Réactions1 réaction à cet article

quelle évolution depuis la "res nullius" romaine jusqu' au "bien commun" Ostromien en passant par les questions de qualités, de construction sociale, la multifonctionnalité, la soutenabilité

jmb | 22 juillet 2014 à 11h01 Signaler un contenu inapproprié

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