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Actu-Environnement

« Une stratégie de protection de la santé de l'enfant ne peut ignorer les perturbateurs endocriniens »

La prématurité est la première cause de mortalité infantile dans le monde. Parmi les explications : les perturbateurs endocriniens. Le Réseau Environnement Santé appelle à une sensibilisation nationale. Explications de son président, André Cicolella.

Interview  |  Risques  |    |  D. Laperche
   
« Une stratégie de protection de la santé de l'enfant ne peut ignorer les perturbateurs endocriniens »
André Cicolella
Président du Réseau Environnement Santé.
   

Actu-Environnement : Le Réseau Environnement Santé interpelle à nouveau les pouvoirs publics pour qu'ils se saisissent de la question des perturbateurs endocriniens, soulignant le lien entre cette contamination et la prématurité. Quels sont les derniers éléments sur ce sujet ?

André Cicolella : L'élément nouveau est apporté par la Conférence sur la prématurité, organisée du 8 au 11 mai à Johannesburg par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). Elle alerte sur le fait que la prématurité est la première cause de mortalité infantile dans le monde. Leurs mots sont pesés : « Une urgence silencieuse dont l'ampleur et la gravité ont longtemps été sous-estimés et qui entrave les progrès en matière de santé et de survie de l'enfant. » C'est la cause de plus d'un décès d'enfant sur cinq survenant avant leur 5e anniversaire. Aux États-Unis, le taux de prématurés a doublé, passant grosso modo de 5 % dans les années 1970 à 10,5 % aujourd'hui. En France, l'association SOS Préma avance un chiffre de 8 %. Des données montrent que les perturbateurs endocriniens sont une partie de l'explication, même s'ils n'expliquent pas tout… Le rapport OMS-Unicef  (1) publié à cette occasion appelle une réponse publique à un niveau élevé.

AE : Quelles sont les dernières études scientifiques qui démontrent le lien entre prématurité et contamination aux perturbateurs endocriniens ?

AC : Une synthèse de 16 études menées depuis les années 1980 par le programme fédéral américain Nhanes - qui est une référence sur le plan mondial en ce domaine – le montre. Les scientifiques ont dosé les métabolites (les produits de transformation) des phtalates dans l'urine de femmes enceintes, principalement. Leurs résultats ne sont pas contradictoires avec ce que nous savons déjà : les phtalates induisent de la prématurité. Mais ce qui est nouveau, c'est le calcul réalisé qui montre que nous baissons le risque de prématurité de 12 % pour une diminution de la contamination de 50 % et de 35 % avec une réduction de 90 %.

Les trois sources d'exposition sont bien connues : l'alimentation ultra transformée. Une étude montre une différence de 39 % entre la contamination des consommateurs réguliers avec des non-consommateurs pour des phtalates utilisés comme plastifiant. La seconde sont les cosmétiques : leur élaboration se fait généralement dans des contenants en plastique, ce qui contribue à charger les produits de soins corporels. Le troisième volet est notre relation au plastique, notamment le fait de le chauffer : les plastifiants sont quasiment toujours des phtalates. La réduction de la contamination est pourtant possible car l'organisme humain sait parfaitement les éliminer. Le problème est que l'exposition est quotidienne.

D'autres études ont notamment montré le rôle de perturbateurs endocriniens tel que le bisphénol A, les pesticides organochlorés et organophosphorés ou polybromés. Il a également été constaté qu'un médicament, l'hormone de synthèse, le distilbène a un effet transgénérationnel : il agit également sur la seconde génération.

Ces polluants (2) sont des sources identifiées sur lesquels nous pouvons agir, grâce à un changement de comportement individuel.

AE : Quelles pourraient être les actions à mener individuellement et de manière plus large à l'échelle nationale ?

AC : Nous menons par exemple un travail de sensibilisation dans les lycées d'Île-de-France. Les élèves éco-ambassadeurs sont invités à porter un bracelet en silicone qui leur donne une indication de leur contamination. À partir de ces résultats, il est plus facile de montrer aux jeunes l'origine de l'exposition et comment l'éviter.

La croissance de l'usage des matières plastiques depuis les années 1970 est vertigineuse : elles sont présentes non seulement dans les produits de consommation immédiate, mais également dans ceux qui demeurent dans l'environnement intérieur. C'est le cas des sols en PVC. Ceux fabriqués il y a quelques années contiennent un perturbateur endocrinien, le di(2-éthylhexyle) phtalate (DEHP).

Comme la durée de vie d'un sol de ce type est d'environ quarante ans, des femmes enceintes et des enfants continuent à être contaminés. Il y a urgence à agir. Nous demandons notamment que cette question soit traitée à l'échelle nationale dans le cadre d'un axe sur la santé environnementale de l'enfant lors des prochaines Assises de la pédiatrie et la santé de l'enfant. Pour l'instant, nous n'en connaissons toujours pas la date. Elles étaient initialement prévues en mai.

AE : Qu'espérez-vous à travers cette prise en compte ?

AC : Les femmes enceintes sont sensibles aux informations qui concernent leurs grossesses. Il faudrait une campagne de sensibilisation destinée au grand public, avec l'assurance maladie, comme pour l'opération « Les antibiotiques, ce n'est pas automatique », qui a marqué les esprits.

Des initiatives pourraient être étendues, à l'instar de celle qui est menée à Strasbourg : la Ville propose la livraison de paniers de fruits et légumes bios pendant sept mois, conditionnée à la participation à deux ateliers de sensibilisation aux perturbateurs endocriniens. Mener à l'échelle nationale, nous pourrions observer les impacts de cette campagne sur la prématurité.

Nous ne pouvons pas dire que nous découvrons le problème. La réduction de l'exposition de la population aux perturbateurs endocriniens a été actée dans la stratégie nationale adoptée en 2014.

AE : Le maintien de la contamination montre-t-elle que la stratégie de 2014 n'a pas porté ses fruits ?

AC : La stratégie a le mérite d'exister, mais il s'agit de passer désormais à un autre stade. Il faut se donner des objectifs et vérifier s'ils sont atteints. La seconde stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens comporte des décisions : c'est très bien, mais où sont les indicateurs et le bilan ? Nous sommes en train de préparer la troisième phase, l'Inspection générale des affaires sociales rédige un rapport dans cet objectif.

Mais si nous repartons des mêmes bases, nous ne pourrons pas avancer. Il faut à la fois des changements de comportements et des actions pérennes sur les sources. Ne pas attendre quarante ans que l'ensemble des sols en PVC soit retiré, quand on sait que le risque d'asthme de l'enfant est multiplié par deux, s'il y a un sol en PVC dans la chambre de ses parents. Une vraie stratégie de protection de la santé de l'enfant ne peut ignorer les perturbateurs endocriniens.

1. Consulter Born too soon : decade of action on preterm birth<br /><br />
https://www.who.int/publications/i/item/9789240073890
2. Lire Comment définit-on un perturbateur endocrinien ?<br /><br />
https://www.actu-environnement.com/dossier-actu/strategie-nationale-perturbateurs-endocriniens-10

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